La success story de Salman, un migrant syrien qui a reconstruit sa vie

De Damas à Kénitra

Par Samia Boufous (MAP)

En foulant pour la première fois de sa vie le sol marocain, en décembre 2011, Salman n’espérait pas rencontrer, aussi vite, autant de réussite dans le domaine de la restauration et imposer en si peu de temps, la cuisine syrienne qu’il représente si parfaitement, dans la ville de Kénitra.

Du haut de ses 34 ans, ce réfugié syrien a choisi la ville de Kénitra pour s’y installer il y a neuf ans, en enchaînant les petits boulots par-ci et par-là pour survivre et joindre les deux bouts. «Mes premiers mois à Kénitra, je les ai passés à aller d’un mécanicien à un deuxième, d’une boulangerie à une autre, d’un restaurant à son voisin, dans l’ultime espoir de trouver un travail décent à même de me permettre d’assouvir mes besoins les plus vitaux», ra conte-t-il avec un ton nostalgique empreint d’amertume.

Après quelques mois de «petits-jobs» de pas plus de dix jours, notre ami s’y rien, qui a quitté son «Cham», avec pour seul bagage, ses souvenirs et les secrets des recettes familiales, a enfin pu trouver un boulot au sein d’un snack, situé dans une petite rue bruyante d’un quartier populaire, où il devait préparer des sandwichs à base de thon et des salades composées pour la clientèle.

«J’étais très enthousiaste à l’idée de travailler dans ce snack, d’autant plus qu’il venait tout juste d’ouvrir et nous étions à peine deux à y travailler, ce qui me rassurait un peu» a-t-il confié à la MAP, ajoutant qu’il a toujours été passionné par l’art culinaire, mais qu’il n’a jamais pensé à en faire sa vocation un jour, lui qui était commercial en matériel informatique, «dans une vie antérieure», comme il l’a si bien dit, avec un air plutôt amusé.

«Les premiers mois étaient à la fois pénibles et plaisants, les heures de travail étaient interminables, le patron était rigide, mais j’avais découvert que je me débrouillais plutôt pas mal en cuisine et j’ai même proposé de nouveaux repas au patron qui ne pouvait que répondre favorablement à ma demande» a révélé ce passionné de la cuisine damasienne.

«Mon plus grand moment de satisfaction était quand je lui avais proposé d’attaquer quelques plats typiquement syriens, notamment la Basboussa, le Houmous, la Kenafeh ou encore la fameuse Chawarma que je cuisinais si soigneusement lors de mes années d’études universitaires en Syrie. En quelques mois uniquement, le nombre des clients a décuplé et le patron a décidé de me faire une augmentation qui fut assez significative à mes yeux», a-t-il précisé, avec des yeux le moins que l’on puisse dire, pétillants.

Cette augmentation, a-t-il poursuivi, était mon épargne, vu qu’il vivait assez bien avec son ancien salaire. Cinq ans après, ce jeune syrien a pu disposer d’une somme suffisante pour louer un espace et ouvrir un petit restaurant syrien dans un quartier cossu de Kénitra et c’est là, où il décidé de prendre son envol et donner libre cours à sa passion culinaire qui ne faisait que fleurir, jour après jour.

«Je ne vais pas nier que la procédure était assez parsemée d’embûches, parce que je ne parlais pas Darija et connaissais très peu de monde à l’époque !», dit-il. Mais plein d’optimisme et de volonté de reprendre sa vie en main, il n’a pas baissé les bras et y est allé jusqu’au bout, notamment avec l’appui de plusieurs organisations de défense des droits des migrants, qui l’ont soutenu sur tous les niveaux, pour pouvoir monter son projet.

Le jeune père de deux enfants, dont les yeux bleus irradient de fierté, n’a pas manqué de faire savoir que son restaurant, bercé par la musique orientale et décoré avec des tableaux rappelant la Syrie, a connu un très grand succès auprès des habitants de la ville qui venaient régaler leurs pupilles et papilles avec les véritables plats syriens, parfaitement concoctés par ce jeune féru de la gastronomie moyen-orientale.

«Le Kénafeh, c’est toute mon enfance,» raconte-t-il, dressant une assiette de cette pâtisserie syrienne réalisée à base de Kadaif (cheveux d’ange), de fromage, de beurre et nappée de pistache et de sirop. La quarantaine de convives présents dans le restaurant, en redemande. «Ma mère me le cuisinait tout le temps. Je l’ai appelée pour lui dire que je préparais ce plat aujourd’hui : elle était très fière de moi», confie Salmane, redevenu un garçon timide à l’évocation de sa mère.

C’est avec un air impassible et un regard plein d’assurance, qu’il a déclaré avoir ouvert un second restaurant, situé de l’autre côté de la ville et servant également de la cuisine syrienne, allant de «la Baklava» au «Kebab Halabi», en passant par la succulente «Mhlabia».

Aujourd’hui, une dizaine de personnes travaille dans les 2 restaurants de Salmane, dont une bonne partie de Syriens. Au fil du temps, l’adresse est devenue une référence qui ne désemplit pas. «C’est vrai qu’on est un peu devenu le resto syrien préféré des Kenitris», rembobine-t-il, naviguant entre la cuisine et le comptoir pour préparer et servir des saveurs venues de Syrie et que nombre d’habitants de Kénitra ne connaissaient pas, il y a seulement quelques années.

Cela fait maintenant neuf ans, que Salman s’est frayé son chemin, non sans obstacles, dans la restauration syrienne. Neuf années bénies, selon lui. Salman, qui parle aujourd’hui parfaitement marocain, gagne très bien sa vie et se dit comblé et veinard d’avoir pu reconstruire sa vie dans un pays aussi chaleureux que le Maroc.

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