La sédimentation cérébrale

Par Mustapha Labraimi

Suite aux dernières précipitations, l’Oum er Rbiaa retrouvé son chemin vers l’océan. Le débit fluviatile renforcé, suite aux débordements des obstacles se situant en amont, le barrage de Sidi Said Maachou et la digue d’Addakhla, a pu évacuer les accumulations sédimentaires qui obstruaient l’embouchure. Cela ne peut que réjouir. Il reste maintenant à garder cette ouverture pour permettre à l’environnement estuarien de retrouver sa plénitude, pour le bienêtre de l’écosystème et de celui des populations du voisinage.

La fixation de l’embouchure s’impose dans un contexte où l’action marine domine l’action fluviatile (C’est pour cela que c’est un estuaire). Faute d’être évacués par le débit fluvial vers l’océan, les apports sédimentaires par le transport latéral, suite au déferlement des vagues, pourront constituer des crochons dont l’avancée se conclut par la fermeture de l’embouchure et entraînant le confinement du reste de l’estuaire qui constitue le réceptacle des eaux usées, non encore traitées par la station d’épuration des eaux en cours de réalisation.

Rien n’interdit d’espérer que cela se fera prochainement.

La culture bigote s’est emparée de l’événement en le reliant à l’élimination, aux abords du sanctuaire de Aicha Al Bahrya,des gargotes et autres constructions destinées aux désenvoutements et autres pratiques occultesprétendant favoriser la fertilité et le mariage. Il faut dire que le bouchon a été poussé très loin dans l’exploitation de la naïveté et du fétichisme de celles, beaucoup plus nombreuses, et de ceuxqui,à la recherche de leur bonheur, pratiquaient des rites et des cérémonies au sein desquels l’abuset la manipulation sontintrinsèques. Aicha Al Bahrya, victime de sa légende,constituait une étape d’un circuit reconnu depuis longtemps par les familles cherchant à éviter le taâsib dans l’héritage, une faveur accordée à la parenté par les hommes du défunt quand la progéniture de ce dernier est seulement féminine.Une tutelle masculine sans aucune base théologiqueimposée contre les droits légitimes des femmes.La recherche d’une progéniture mâle se faisait dans le cadre de l’environnement littoral, l’adoption de conditions de vie moins stressantes et l’activité physique en mode cool. Sauf que le dérapage s’est effectué autour du marabout conduisant à une dépravation marchande et immorale ramenant Aicha Al Bahrya à sa solitude initiale ; celle d’il y a 850 années.

Cette pratique de vouloir éloigner toute explication rationnelle de la vie courante induit dans la société la présence d’un discours extrémiste accompagnant un immobilisme devant toute revendication de changement ou de réforme.L’occultisme inhibe les volontés et les emprisonne dans un fatalisme étouffant.Il éloigne la reddition des comptes et fait le bonheur de celles et de ceux, à des niveaux différents, qui profitent de la situation sans apparaître, tirant les ficelles et amassant l’argent qui ruisselle de la candeur des unes et des autres dans leur recherche fantasmée du bonheur. C’est ainsi que se développe des réseaux mafieux qui sans apparaitre régissent la vie des populations, maintenues dans leur sous-développement.

Comme en ce qui concerne le fleuve où la sédimentation dans l’embouchure empêche la circulation des flux et conduit au confinement, les approches irrationnelles favorisent la sédimentation cérébrale chez les personnes et les assujettissent à un esclavagisme moderne.

Espérons que l’embouchure de l’Oum er Rbia restera ouverte en permanence et que l’aménagement de cette zone littorale se fera conformément aux aspirations des populations à l’émancipation et au bienêtre.

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