Depuis de nombreuses années, le professeur Amal Bourquia mène le combat contre les maladies rénales. Cette praticienne fait partie des pionniers de la néphrologie au Maroc.

Ses qualités tant humaines que professionnelles sont reconnues aussi bien au niveau national qu’international, et ses différentes actions en faveur des personnes atteintes de pathologies rénales au Maroc sont largement plébiscitées par la communauté néphrologique. Le professeur Amal Bourquia est diplômée en éthique et droit à la santé, auteur de plusieurs ouvrages, dont un qui traite de la relation malade médecin  Elle est Présidente de l’association REINS.

Al Bayane : Vous avez publié un livre qui traite de la relation Malade – Médecin. Pourquoi?

Professeur Amal Bourquia : L’ouvrage que j’ai écrit et qui traite de la relation malade  – médecin, est un sujet qui m’a toujours habitée, un thème très important en ce sens que cette relation  entre le soignant et le soigné va conditionner la qualité des soins. C’est également un élément d’actualité sans cesse présent dans la plupart des problèmes exprimés par le malade.

De par mon expérience, mes recherches et mes analyses sur cette relation, je puis affirmer que souvent, le médecin n’explique pas bien. Si cette relation pour le malade n’a pas été très claire et probante, elle peut être génératrice de certains conflits.

De ce fait, il est très important d’insister  sur certains points, notamment les progrès de la médecine, les nouvelles  contraintes, l’évolution de cette relation qui est devenue au fil du temps un rapport d’égal à égal, le pouvoir décisionnel du malade sur sa santé,  tout en profitant des connaissances, éclaircissements et conseils que lui apporte le médecin sur sa maladie et sur les orientations thérapeutiques. A aucun moment, le médecin ne peut se substituer au malade. C’est pour cela que le praticien doit posséder des qualités indispensables, comme l’humanisme qui permet d’être à l’écoute des malades, de prendre conscience de leur souffrance.

La pratique de la médecine ne peut se concevoir sans une véritable passion et une vocation. Les  praticiens ne sont pas seulement  des techniciens.

En abordant la relation  malade – médecin, j’ai voulu mettre plus de lumière sur cet aspect humain de la pratique quotidienne  qui nous accompagne du début du diagnostic,  avant même de bien connaitre le malade et tout au long des étapes thérapeutiques. La  relation malade – médecin  est spécifique. Elle peut être génératrice de certains conflits.

Le médecin, dans sa démarche, doit disposer d’un savoir  en communication et expliquer au malade, en adaptant toujours son langage, la masse d’informations à la personnalité et au désirata du patient.

Le comportement professionnel du  médecin sera toujours basé sur une analyse critique  dans le respect de la déontologie, les droits du patient et les règles d’éthique. Personnellement, j’ai été très intéressée  par cette relation, surtout quand il s’agit de patients atteints de maladies chroniques. L’annonce d’une maladie chronique est toujours vécue comme un traumatisme par le malade .On doit toujours l’accompagner et le soutenir. Le malade ne doit jamais se sentir seul ou abandonné.

Le collectif humanitaire et environnement de la région de Casablanca – Settat dont vous êtes la coordinatrice a organisé une semaine dédiée à la santé. Quels étaient vos objectifs?

Pour la  semaine de la santé, nous avons organisé la 2e édition en 2017 dont je suis la coordinatrice. Elle a été très riche. C’est la seule rencontre dans le domaine de la santé où nous réunissons à la fois les quatre aspects du fonctionnement du médecin, à savoir la sensibilisation, l’humanitaire, le scientifique et l’exposition.

Durant cette semaine, les actions de sensibilisation ont eu pour objectifs de s’approcher plus des citoyens pour mettre à la disposition du plus grand nombre des informations utiles et utilisables, des connaissances fournies par des médecins professionnels, dans différents centres qui abritent des associations de quartiers et des bénéficiaires comme El Hraouiyenne , Moulay Rachid , Bernoussi…

Plus de 35 séances de sensibilisation ont abordé des problèmes de santé divers, tels la tuberculose, la santé de la mère et de l’enfant, la drogue, les maladies chroniques…A travers ces séances de sensibilisation, nous avons cherché à faire prendre conscience aux citoyens des attitudes à avoir vis-à-vis de la maladie. Bien entendu, l’humanitaire était présent à tous les stades, notamment  au niveau de ces centres par le dépistage des maladies chroniques, comme le diabète, l’hypertension artérielle,  les problèmes bucco-dentaires.

En outre et comme vous l’avez-vous-même vu, il y a eu un programme scientifique très vaste, intéressant et diversifié qui a regroupé 45 conférences, des ateliers en parallèle avec le médical – expo 2017. Un grand nombre d’associations ont pris part à ces ateliers.

Au cours de cette semaine, nous avons aussi organisé des caravanes médicales multidisciplinaires auxquelles ont pris par plusieurs médecins, des sociétés savantes. Nous avons cherché à mettre en relief le rôle que joue le médecin dans la promotion de la santé de la population. Une action qui a été bien organisée, gérée et structurée grâce au collectif  humanitaire et environnemental de la région de Casablanca Settat.

Vous êtes une praticienne fortement impliquée dans la formation continue. Vous êtes l’auteur de plus de 14 livres qui traitent de divers sujets en relation avec la médecine et la pratique médicale. Que pouvez – vous nous dire à ce sujet?

Mon implication dans la formation médicale continue remonte à plusieurs années  quand j’étais interne des hôpitaux. J’ai toujours eu la conviction que l’on ne peut avancer ou exceller sans une formation continue. La médecine évolue d’une façon considérable et le médecin ne peut rester loin de toutes ces avancées.

Suite à la création du collectif humanitaire et environnemental, nous avons voulu la démocratisation de la formation médicale continue. C’est ainsi que le collectif médical, avec la participation du pôle humanitaire du Centre de formation et d’animation du tissu associatif  de la fondation Mohammed V  pour la solidarité, a initié des cycles de formation médicale continue autour de multiples thèmes, avec au programme des tables rondes, des conférences, des ateliers pratiques auxquels participent de nombreux professionnels de santé.

Vous présidez l’association Reins. Vous menez un combat depuis des années pour le don et la greffe d’organes. Qu’en est-il aujourd’hui de ces actions?

En ce qui concerne les dons et greffes d’organes, il est vrai que nous sommes très actifs dans ce domaine depuis des années. Nous avons proposé le changement des textes de loi pour que les Marocains deviennent donneurs. Aujourd’hui, nous sommes toujours dans une situation précaire. Il y a moins de mille inscrits sur le registre du don d’organes.

C’est vraiment un chiffre dérisoire, qui ne répond pas du tout aux attentes de la population Marocaine. Cette situation nous parait préjudiciable à la survie des malades, notamment atteints de maladies rénales et surtout aux malades qui présentent une insuffisance hépatique ou cardiaque et qui malheureusement, décèdent faute de ne pouvoir être greffés par manque de greffons.

C’est un problème qui est étroitement lié à la méconnaissance de la greffe, ce moyen thérapeutique pour sauver  des vies humaines.

A Casablanca, le nombre de personnes inscrites  sur le registre des dons d’organes est passé de 75 inscrits en 2012, à près de 180 personnes en 2016.

Aujourd’hui à Casablanca, il y a au total 460 inscrits comme donneurs potentiels, et il y a 100 personnes qui ont signé pour donner à un parent, ce qui est logique dans la mesure où c’est Casablanca qui a commencé la greffe du rein en 1986.

Le Maroc accuse un retard énorme en matière de greffe d’organes et en particulier les greffes de reins. L’association Reins  milite fortement, lance des appels pour que certains textes de loi soient mieux adaptés à notre contexte. Nous souhaitons mettre l’accent sur la nécessité d’aller vers cette voie, qui est la greffe d’organes, et à ce sujet, beaucoup de pays ayant beaucoup de donneurs ont facilité les procédures. Ce qui leur a permis de réaliser de nombreuses greffes, de sauver des milliers de malades grâce aux prélèvements qui sont effectués sur des personnes décédées sans être obligés d’attendre ou de retarder une greffe.

Un dernier mot !

N’oublions jamais que la générosité est une vertu fondamentale de notre société. Une solidarité généreuse c’est un enrichissement de soi et de tous. Donner un peu de soi, pour sauver des vies, même après l’achèvement de la sienne, c’est aussi l’enrichir. C’est être encore plus humain. Le don, c’est la vie.

Ouardirhi Abdelaziz

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