Attendons pour voir…
La multiplication ces dernières semaines des heurts et des violations de cessez-le-feu à l’est de l’Ukraine, dans la région du Donbass où des séparatistes prorusses appuyés par Moscou s’opposent, depuis sept ans, aux forces nationales ukrainiennes, suscite l’inquiétude des chancelleries occidentales.
Et même si, après la mort, le 26 mars dernier, de 4 soldats ukrainiens, la Russie et l’Ukraine se sont accusés mutuellement de provoquer une nouvelle escalade dans le conflit, les mouvements de troupes russes observés ces derniers jours près de la frontière ukrainienne ont été jugés préoccupants aussi bien par l’OTAN que par les chancelleries occidentales.
Jugeant ce déplacement des troupes russes comme étant une manœuvre d’intimidation, Washington a saisi cette occasion pour mettre en garde Moscou et pour l’accuser du regain de tension que connaît la région. Or, le 1er Avril dernier, le porte-parole du Kremlin avait balayé ces critiques d’un simple revers de manche en répondant que la Russie a le droit de déplacer ses forces sur son territoire comme elle l’entend et qu’en principe ceci ne devrait alarmer personne.
Il est vrai que des mouvements de troupes russes effectuées à l’intérieur de la Russie ne devraient constituer aucune source d’inquiétude mais il en est autrement lorsqu’il ne s’agit pas d’une opération «isolée» mais d’un «exercice» qui coïncide avec les manœuvres militaires actuellement en cours en Crimée, cette région de l’Ukraine annexée par Moscou en 2014 et qui fait, actuellement, l’objet d’une nouvelle campagne de conscription fermement dénoncée par l’Union européenne.
Raison pour laquelle, en déplorant la « détérioration de la situation dans le Donbass », le président ukrainien Volodymyr Zelensky, qui a voulu être avec ses soldats « dans les moments difficiles », s’est rendu, jeudi dernier, sur la ligne de front du conflit avec les séparatistes prorusses revêtu, pour la circonstance, d’un treillis militaire, d’un gilet pare-balles et d’un masque anti-Covid. Passant en revue les troupes dans les tranchées de la région de Lougansk, le président ukrainien a remis des médailles à certains soldats et salué «l’héroïsme» de ceux qui «protègent les frontières de l’Ukraine».
Au même moment, lors d’un entretien téléphonique entre Vladimir Poutine et Angela Merkel, dont le pays est avec la France co-parrain du processus de paix dans la région, la chancelière allemande a demandé au président russe « de réduire la présence militaire russe dans l’est de l’Ukraine» pour permettre une désescalade» : ce à quoi ce dernier a répondu que ses mouvements de troupes n’ont rien de menaçant dès lors qu’ils se déroulent à l’intérieur du territoire russe mais que ce sont plutôt les forces ukrainiennes qui multiplient les « provocations » dans le but «d’aggraver volontairement la situation» sur le front.
Lui emboitant le pas, Dmitri Kozak, le représentant de Moscou dans les négociations de paix, a signalé que la Russie reste entièrement disposée à «venir à la défense» des séparatistes en cas d’opération militaire ukrainienne d’envergure évoquant par-là la nécessaire protection de la population locale à laquelle Moscou avait remis des passeports russes. Réagissant, par ailleurs, à la demande de Kiev d’accélérer son entrée dans le Pacte atlantique, Dmitri Kozak a tenu à rappeler que l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN constituera «le début de l’effondrement» du pays.
En outre, si l’on en croit le ministère turc des Affaires étrangères, les Etats-Unis qui sont «de plus en plus préoccupés par la récente escalade des attaques russes dans l’est de l’Ukraine» se préparent à envoyer deux navires de guerre en mer noire via le détroit du Bosphore.
Si cela se produit réellement alors que le Donbass constitue une «plaie ouverte» au cœur de l’Europe, soumise aux aléas politiques et diplomatiques du moment, quel accueil réservera Moscou à la venue de flotte américaine dans la région ? Attendons pour voir…
Nabil El Bousaadi