9e édition du Salon du cheval

Les femmes et la Tbourida à l’honneur


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ort d’un succès acquis depuis la tenue de sa première édition en 2008, le fameux Salon du cheval d’El Jadida fait son come-back. Le Salon qui souffle cette année sa 9ème bougie se place sous le thème “Les arts équestres traditionnels”.Le thème choisi pour la 9e édition du Salon du cheval d’El Jadida est un hommage rendu à l’effort déployé par des femmes et des hommes pendant des siècles et des générations.Ainsi, dans notre dossier nous mettons un zoom sur le spectacle de tbourida, cet art équestre traditionnelqui offre aux spectateurs un tableau unique où le cheval et l’homme ne font qu’un. Toutefois, la «Tbourida» ne peut être une manifestation équestre grandiose sans des chevaux habillés des selles d’apparat élégantes riche en couleurs et en motifs. Nous vous proposons, ainsi, dans notre dossier, un reportage sur la fabrication des selles comme un métier artisanal avec Amine Chraïbi, sellier traditionnel.

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Didace spéciale  à la Tbourida

187467-abu-dhabi-city-chevaux-arabesLe Salon du Cheval se tient du 11 au 16 octobre dans l’enceinte du Parc d’expositions d’El Jadida. Conscient de ses multiples retombées, le Maroc fait de cet événement son cheval de bataille pour mettre en évidence la place prépondérante du cheval dans l’histoire et l’identité culturelle nationale.

Fort d’un succès acquis depuis la tenue de sa première édition en 2008, le célèbre Salon du cheval d’El Jadida fait son come-back. Le Salon qui souffle cette année sa 9e bougie est placé sous le thème «Les arts équestres traditionnels».

Le thème choisi pour la 9e édition du Salon du cheval d’El Jadida est un hommage rendu à l’effort déployé par des femmes et des hommes pendant des siècles et des générations. L’objectif étant d’œuvrer au développement de la filière équine au Maroc et à la préservation du patrimoine culturel marocain lié au cheval. A travers ce choix se dégage la volonté manifeste de célébrer la richesse des traditions équestres et le grand talent des cavaliers et artistes marocains.

En cette occasion, les meilleures troupes des différentes régions du Royaume se disputeront le Grand Prix de SM le Roi Mohammed VI de Tbourida dans sa première édition. Le Salon d’El Jadida propose un programme diversifié comprenant notamment le Show international «A» pur-sang arabe avec une importante participation, la Coupe des éleveurs marocains de chevaux arabes, le Concours national des chevaux arabes-barbes et le Championnat international des chevaux barbes. Au menu figurent également le Concours international de saut d’obstacles CSI 1* et le Concours international de saut d’obstacles CSI 3*W, comptant pour la qualification à la Coupe du monde et constituant la troisième étape du Morocco Royal Tour.

Par ailleurs, et afin de pérenniser la culture équestre marocaine et la transmettre aux nouvelles générations, le Salon dédie tout un ensemble d’activités aux plus jeunes à travers l’organisation d’un concours de poneys et d’un concours d’art pour jeunes talents, dans le cadre d’un village pour enfants. Aussi, et comme le veut la tradition, le Salon du cheval ce sont aussi des activités culturelles qui réuniront la communauté des professionnels autour de conférences et séminaires pour échanger également sur des thèmes scientifiques de la filière équine. Des témoignages seront apportés, notamment par des professionnels et d’éminents chercheurs sur des sujets d’étude d’actualité.

A l’honneur, les Emirats Arabes Unis

Les Émirats arabes unis seront, cette année, l’invité d’honneur du Salon. En 1985, ce pays a rejoint la Fédération Équestre Internationale (FEI), puis ont formé leur propre fédération en 1992 : l’UAE Equestrian and Racing Federation. Depuis, de nombreuses courses équestres ont lieu aux Émirats arabes unis tous les ans, qui ont propulsé le pays sur la scène équestre internationale. Les habitants des Émirats arabes unis, et en particulier, la famille régnante et les cheikhs, entretiennent depuis longtemps une relation passionnée avec les magnifiques chevaux arabes. Les purs sangs arabes étaient autrefois remarquablement bien entraînés par leurs maîtres bédouins comme chevaux de guerre, pour leur intelligence et leur incroyable endurance. Ils sont aussi incontestablement reconnus pour leur beauté et leur comportement doux envers l’homme.

Des courses de chevaux sont régulièrement organisées à Abou Dabi, les plus populaires chaque année étant la «Coupe de Son Altesse le Président», la «Coupe de la fête nationale» et le «Championnat des Émirats». Des concours de saut d’obstacles ont aussi régulièrement lieu au Centre équestre d’Abou Dabi ou l’ADEC. L’ADEC possède 2 000 mètres de pistes d’entraînement au sein de l’hippodrome et plus de 250 écuries climatisées abritant les chevaux de course ainsi que des chevaux de particuliers. L’école d’équitation de l’ADEC dispose de plus de 90 chevaux, ainsi que de moniteurs diplômés pouvant enseigner aux cavaliers débutants ou confirmés. De plus, la UAE Equestrian and Racing Federation organise chaque année une course d’endurance, où les participants concourent sur des distances allant jusqu’à 160 kilomètres. La première course d’endurance moderne a eu lieu en 1993 et depuis, les organisateurs remportent de plus en plus de succès. Les concurrents de la course annuelle d’endurance incluent des membres de la famille régnante et de la famille royale, des habitants des Émirats arabes unis, des cavaliers expatriés et même des touristes étrangers. La saison des courses d’endurance à Abou Dabi débute normalement en novembre et dure jusqu’en mai de l’année suivante. En outre, le Sheikh Mohammad Bin Rashid Al Maktoum, est un grand éleveur de chevaux et participe à de nombreuses compétitions internationales.

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Le stylisme équin, une passion héréditaire

akil2670La «Tbourida» ne peut être une manifestation équestre grandiose sans des chevaux habillés de selles d’apparat élégantes riches en couleurs et en motifs. Focus sur la fabrication des selles, un métier artisanal sauvé de la disparition grâce à la préservation de la culture équestre de la fantasia marocaine. Reportage sur la sellerie de la famille Chraïbi nichée en plein cœur de Casablanca.

Installée au cœur de la capitale économique, la sellerie de la famille Chraïbi donne rendez-vous aux équidés pour se parer des meilleurs équipements pour monter à cheval. Artisanat pointilleux interpelant plusieurs savoirs et savoir-faire, la sellerie recèle aujourd’hui l’image d’un héritage intergénérationnel transmis entre au moins cinq générations de cette illustre famille fassie.

C’est au centre du quartier Benjdia à Casablanca que l’on découvre la sellerie «Chraïbi ». Cette boutique-atelier, dont l’ouverture remonte aux âges de l’arrière grand-père, a choisi de conserver ce patrimoine de la fabrication de selles traditionnelles. Ici, le cheval a encore le droit de profiter des meilleures étoffes et offres, toutes couleurs et tous styles confondus. Pas spécialement spacieuse, la boutique-atelier Chraïbi reconnue comme unique sellerie de la ville blanche abrite un nombre incalculable d’articles. Pourtant, l’atelier est organisé autour d’une seule machine à coudre. Les selles sont empilées, conférant au lieu un aspect diapré surprenant, du grenat au pourpre, qui contraste avec les odeurs de cuir et de colle forte, moins propices à la rêverie. Sur le sol et dans les étagères, les bobines de fil et les pièces de cuir non travaillées envahissent l’espace mal éclairé.

Dirigée depuis 2001 par Amine Chraïbi, sellier traditionnel, la boutique conserve son authenticité. Amine, l’artisan aux doigts de fée,  répète patiemment les gestes de ses aïeux pour fabriquer des selles d’exception. Chaque pièce est unique. Chraïbi crée sur demande et sur mesure les selles, en concertation avec le cavalier. Si une selle atteint des prix importants, c’est que le travail l’est tout autant. Le prix commence à 7.000 DH et peut atteindre plus de 90.000 DH. «Nos selles sont des œuvres d’art !», se réjouit le propriétaire et artisan. Et de poursuivre : « Sa majesté le Roi Mohammed VI connait très bien les selles Chraïbi. Il a offert dernièrement une de nos selles à Vladimir Poutine, président du gouvernement russe».

«C’est un métier qui demande beaucoup de patience», commente Amine Chraïbi. « Là, je suis en train de travailler sur des selles que j’ai commencées il y a un an et demi». Il en achève 40 à 50 chaque année. L’artisan précise également que «pour réaliser une selle complète, il faut entre 8 et 10 artisans, mais pour continuer à en fabriquer, il faut surtout des clients».

Le carnet de commande d’Amine Chraïbi obéit à une saisonnalité, celle des moussems.  «Nos clients sont surtout des cavaliers de la Tbourida », avance t-il.  Son année commence en février et dure entre six à huit mois. Des mois durant lesquels des cavaliers de tout le Maroc lui commandent des selles, mais aussi des bottes et des sacs pour cavaliers, ainsi que des brides avec œillères, des poitrails et des tapis de selle pour le cheval. En dehors de la haute saison, les selles sont vendues pour la décoration. «Il faut savoir que certaines personnes s’offrent ces achats sans avoir de cheval, tout simplement à titre décoratif», indique le propriétaire et l’artisan. Toutefois, la sellerie Chraïbi subit le contrecoup de la contrefaçon de la marque par imitation. « Ces dernières années, nous assistons à la naissance de quelques selleries qui pratiquent mal le métier. Pire encore, certains artisans vendent des selleries sous le nom et la signature de notre marque», regrette Amine.

Même si ce métier ne génère pas assez de revenus, Amine Chraïbi souhaite que son futur fils hérite de la passion et l’amour pour cet art afin de poursuivre le chemin de ses prédécesseurs.

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La Saga de «Sellerie Chraïbi»

Très longtemps, il y a plus de 100 ans, plus précisément en 1868, l’aventure de la sellerie Chraïbi commence ! Le grand ancêtre harnacheur et maitre sellier, Driss Chraïbi, ouvrit un atelier de harnachement dans la médina de Fès et devint le principal fournisseur de selles.

La relève fut prise par son fils Ahmed, qui  conserva le savoir-faire patrimonial de son père et parvint à s’adjuger une clientèle particulière qui comprendra vite toutes les cours impériales et royales du moment. En 1967, Mohamed, le fils cadet d’Ahmed s’installa à Casablanca où il créa l’entreprise ART de Fès. Partie modestement, la maison Chraïbi s’est faite une réputation et de prestigieux clients. Elle a vendu des selles au Roi Baudoin de Belgique et au Roi Hassan II. Sur la même voie, Jawad Chraïbi fût le quatrième dirigeant successif de la maison casablancaise. Il réussit à maintenir le cap en liant la tradition à la modernité dans ses travaux pour créer des œuvres d’art. Il remporta plusieurs prix dont le prix national du meilleur artisan sellier en 1997,  le grand  prix international à Madrid en 1998 et le grand prix en Hongrie en 2000. Artiste peintre et décorateur, Amine Chraïbi, fils unique, se rend à l’évidence et décide de reprendre le flambeau et de perpétuer ainsi la tradition familiale. A Casablanca, il semble être le seul à exercer ce métier de nos jours.

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Tbourida : un spectacle pas comme les autres

cavaliers-au-moussemIl y a une tradition qui ne se perd pas au Maroc. Il s’agit du moment de la «Tbourida» qui réunit le plus de curieux et d’amateurs d’art équestre traditionnel. Un spectacle équestre pas comme les autres qui offre aux spectateurs un tableau unique où le cheval et l’homme ne font qu’un. Tour d’horizon sur cette tradition marocaine.

Qu’est-ce que la Tbourida ?

Symbole de la virtuosité guerrière et constituant une forte expression d’une joie collective, la fantasia ou tbourida assure la continuité d’une tradition sportive équestre. Très pratiqué en milieu rural pour célébrer les fêtes nationales et religieuses, elle fait partie de l’identité culturelle nationale. Egalement appelée «jeu de la Poudre», cette tradition consiste à simuler un assaut militaire de cavalerie. Ces courses brèves font concourir principalement des chevaux barbes, légers et aériens, portant un harnachement d’apparat très coloré. Le but de l’épreuve est de terminer la course en tirant un coup de fusil en l’air, au même moment, pour n’entendre qu’une seule détonation. Les tirs sont, selon les régions, effectués soit en direction du ciel ou vers le bas. Les régions du Maroc, représentées par une «sorba» (troupe), participent à des exhibitions de haut niveau où l’évaluation des équipes participantes se fait sur la base de critères précis prenant en considération la tenue des cavaliers, le maniement habile des fusils et la synchronisation des tirs.

Comment se déroule la Tbourida ?

En effet, la Sorba se compose de 15 cavaliers sur de superbes chevaux barbes ; nés d’un croisement entre le pur-sang arabe et un cheval local des peuples berbères d’Afrique du Nord. Nommé Moqadem, le chef d’équipe essaye d’aligner les chevaux de la sorba. Ainsi, les cavaliers avancent, lentement et majestueusement, d’une dizaine de mètres, puis, le Moqadem lève la main gauche et lance la célèbre formule « Hadar l’khayle » (les chevaux sont prêts !). Cri lancé aussi bien à l’intention de la foule que des chevaux, les cavaliers brandissent leurs fusils, et le départ de la sorba est déclenché ; les chevaux élèvent la poussière, ce qui annonce le début du spectacle, ils sont serrés les uns contre les autres, les hommes sont très concentrés et attendent le signe de leur chef pour le grand moment de la Tbourida. A quelques enjambées de la ligne d’arrivée, le chef lance d’une voix puissante son ordre de bataille : Hadar Lamkahal ! (A vos fusils). Les cavaliers abandonnent la bride, se dressent sur les étriers et exhibent avec fierté leur fusil en le tenant des deux mains. Juste après, on n’entend que le son des détonations. La poussière et l’odeur de la poudre envahissent la foule, les armes à feu viennent de cracher simultanément leurs salves et c’est une vraie apothéose du baroud. A la fin, les cavaliers de la sorba reviennent à la case de départ.

Quand la Tbourida se fait féminine !

A l’origine, la tbourida est plutôt une affaire d’hommes puisqu’il s’agit d’une technique de guerre développée par les Arabes pour surprendre l’ennemi. Auparavant, les femmes accueillaient les cavaliers avec des you-yous. Aujourd’hui, elles contribuent à la tradition et assurent le spectacle. Il existe désormais une dizaine de groupes de femmes pratiquant ce sport de fantasia, notamment à Mohammedia, Kénitra, Khémisset, Meknès, El Jadida et Benslimane. L’histoire des cavalières marocaines de la Tbourida a commencé en 2005, année de la création de la toute première troupe féminine de fantasia à Mohammedia grâce à la princesse Lalla Amina, sœur de feu Sa majesté Hassan II. En effet, il y a 11 ans de cela, une femme, dont le père est éleveur de chevaux et cavalier de fantasia est venue voir la princesse en lui expliquant qu’elle et des amies souhaitaient monter et participer à des spectacles de fantasia. La princesse leur a donné un coup de main et, dès l’année suivante, elles ont pu participer à des fantasias. Depuis, l’apparition de la compétence féminine sur ce champ de bataille fictif se veut un vrai symbole de l’évolution majeure que connait la situation des femmes au Maroc.

Tbourida et tourisme

arts-equestresEn dehors des aspects culturels et sportifs de la Tbourida, cette fantasia se présente également comme une opportunité et une forme pour renforcer l’attrait touristique des régions et faire connaître leurs potentialités naturelles et patrimoniales, sauvegarder le patrimoine culturel local et créer une dynamique économique et touristique. D’ailleurs, l’intérêt accordé par le ministère marocain du tourisme aux festivals et «Moussems» culturels s’inscrit dans le cadre de la stratégie «Tourisme pour tous» qui repose sur des services touristiques avec un bon accueil et des prix abordables, notamment dans les régions lointaines, connues pour leurs mausolées et leurs stations thermales, où le tourisme lié aux «Moussems» constitue une culture ancestrale pour les tribus marocaines. Selon la Fédération royale marocaine des sports équestres, le tourisme équestre est très présent. En 2012, 11 500 emplois marocains dépendaient directement ou indirectement du cheval.

Kaoutar Khennach

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