«Nos mères» de Fedwa Misk

Nouvelle pièce de théâtre en 6 actes

Mohamed Nait Youssef

Un texte poignant, sincère et fort. «Nos mères» est  le titre de la nouvelle pièce de théâtre en 6 actes signée par la journaliste et militante féministe marocaine, Fedwa Misk. Médecin de formation, Fedwa a fait de l’écriture une arme pour défendre les droits des femmes et ceux des hommes. Cette œuvre théâtrale, éditée par la croisée des chemins dans la collection « Kayna »,  n’y va pas par quatre chemins. A vrai dire, ce premier-né littéraire plonge le lecteur dans des scènes et des situations différentes où la genèse des vies et des existences des femmes est présentée par un regard à la fois sensible, critique et profond. Pourtant, certaines femmes ne naissent pas mères, mais elles pourraient parfois le devenir par la force des choses, de la réalité. Pour certaines d’entre elles, devenir mère est un désir, un choix, une réalité voire une exigence imposée par les rapports socioculturels. Dans la pièce, l’auteure braque les lumières sur les rapports entre mères et filles qui sont à la fois complexes, compliqués et conflictuels par le biais  des personnages qui sont problématiques. Les mots ont parfois la peau dure. Or, seule l’écriture a cette capacité d’extérioriser les blessures, de révéler les non-dits. Un moment d’aveu où on pourrait entendre les silences les plus profonds de l’âme humaine. « Ce fut, pour moi, comme une révélation, tant j’ai vécu dans ton ombre toute ma vie. En plus, tu voles tellement bas, que tu ne me laisses aucune possibilité d’apercevoir mon propre horizon. J’ai donc décidé de faire diversion et de prendre le large dès que tu auras le dos tourné. », peut-on lire dans une lettre adressée par Maria à sa mère.  

« Le mal de mère » …

Des relations conflictuelles, un chantage affectif mais l’amour y est.  La pièce critique ces mères qui projettent leurs rêves, échecs, attentes sur leurs enfants.  «Samira lâche spontanément : on n’est jamais libérée de la mère… Pas même quand elle nous a abandonnées. », page 64.

«Oui, je te dis non : tu as bien compris. C’est bien la première fois que je te refuse quelque chose. Mais ne le prends pas comme un acte de rébellion et surtout pas comme un début de désamour. Tu sais que je t’aime, maman…», déclare Maria, un personnage  clé de la pièce. L’auteure peint soigneusement son portrait. Elle avait quelque chose à nous dire derrière ses silences multiples et sa voix.  Les silences qui se répètent  et qui se reflètent. Ces silences qui dévorent les tripes et déchirent les entrailles.

Toutefois, la question du corps, du plaisir, de l’avortement, de la sensualité, de la féminité, de la femme et sa représentation dans la société sont au cœur des thématiques abordées dans la pièce. «La femme reste un utérus, jusqu’à preuve d’invalidité », p. 36.   

Avec une économie du langage, l’écriture dense, chargée d’émotions, de sincérité parfois silencieuse, débordée de bruits où les mots sont à la fois un abri, un cri de révolte contre tout un héritage légué.

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