Droits des migrants:
Tous les instruments internationaux relatifs aux droits de l’Homme consacrent les droits des migrants, notamment en matière d’accès à la justice. Mais la réalité sur le terrain est tout autre, s’accordent à souligner les spécialistes de la question migratoire. Le rapporteur spécial sur les droits de l’Homme des migrants, François Crépeau, qui a participé à un atelier sur l’accès des migrants à la justice, organisé en fin de semaine dernière à Rabat, a tiré la sonnette d’alarme sur la situation de certains migrants, particulièrement ceux en situation irrégulière. «Les migrants à statut précaire, en l’occurrence les demandeurs d’asile, les femmes et les enfants, sont plus vulnérables aux violations de droits.
Victimes d’exploitation, ces migrants n’osent pas porter plainte par peur d’être identifiés, détenus ou déportés», a-t-il souligné. Autrement dit, la crainte de représailles, par l’Etat ou par des particuliers, rend inefficace le nombre de recours disponibles. L’assistance juridique proposée aux migrants est souvent parcellaire, voire inexistante dans les domaines du droit administratif ou du droit du travail. Or, le droit d’accès à la justice revêt une importance capitale dans la mesure où la violation de ce droit entrave l’application de l’ensemble des droits fondamentaux. D’autant plus que les droits et libertés prévus par les instruments internationaux s’appliquent à toute personne relevant de la juridiction des parties contractantes, y compris aux migrants en situation irrégulière, sauf exclusion expresse de leur champ d’application.
Quid du Maroc ?
En septembre 2013, le Maroc lançait sa première politique migratoire, fondée sur un rapport du Conseil National des Droits de l’Homme (CNDH) sur la situation des réfugiés et des demandeurs d’asile, les étrangers en situation administrative irrégulière, les étrangers en situation régulière et la lutte contre la traite des personnes. Avec cette politique, qui s’est soldée par l’octroi de cartes de séjour à plus de 23.000 personnes, soit 83% des demandes déposées auprès des commissions régionales, le Maroc est devenu l’un des rares pays de la région MENA à avoir pris à bras-le-corps la question migratoire. Des efforts pour garantir l’accès des migrants à la justice ont été dépliés. Le département de la Justice a notamment adressé en mai 2015 une circulaire portant sur le renforcement de l’assistance judiciaire. «Le ministère a veillé à sensibiliser les Procureurs des tribunaux sur les droits des immigrés», affirme une source au sein du ministère. Le département de Mustapha Ramid garantit aux étrangers établis au Maroc l’accès aux services d’un avocat, d’un traducteur, ainsi que la dispense des frais judiciaires. Entre 2014 et 2015, quelques 870 migrants ont bénéficié de l’assistance judiciaire. Cependant, la protection de cette catégorie sur le plan juridique se heurte encore à certains obstacles. En tête, le retard enregistré dans l’adoption de la loi réglementant le droit d’asile. Le projet de loia fait l’objet de plusieurs moutures sans réussir à passer le cap du Conseil de gouvernement qui avait reporté son examen. L’adoption de cette loi est très attendue. Elle devra garantir les droits de plus de 6.300 étrangers enregistrés auprès du bureau marocain du Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés, au 31 août 2016. Parmi eux, plus de 2.000 demandeurs d’asile et 4.000 réfugiés. Si le texte voit le jour, le Maroc sera le premier pays de la région MENA à disposer d’une loi sur l’asile. Et en l’absence de ce texte, les réfugiés et les demandeurs d’asile restent régis par la loi 02-03 relative à l’entrée et au séjour des étrangers au Maroc. Cependant, la loi 02-03 ne répond pas aux exigences internationales en matière de droits des migrants, mais vise plutôt à maîtriser les flux des migrants clandestins en renforçant le contrôle et la répression. Elle impose également des sanctions d’emprisonnement et des amendes pour les travailleurs migrants étrangers en situation irrégulière.
Appel à renforcer les ressources des ONG
En attendant l’adoption de la loi sur l’asile, les spécialistes de la question se félicitent de la mise en place de la politique migratoire. «Il faut se satisfaire de la mise en place de cette politique et souligner son importance au moment où de nombreux pays du Sud ne se sont pas penchés sur la question», se félicite Driss El Yazami, président du CNDH. «Mais au-delà des slogans et des analyses sommaires, il faut faire le point sur cette politique migratoire », dit-il. C’est d’ailleurs l’objectif que s’est fixé le CNDH, qui s’apprête à publier un nouveau rapport dans lequel l’instance évalue le bilan de la politique mise en place en 2013 et propose des pistes pour remédier aux lacunes constatées. Parmiles principales conclusions, la nécessité de renforcer la participation des migrants dans le processus d’élaboration des stratégies migratoires. Pour Driss El Yazami, une stratégie d’immigration ne doit pas être menée du haut vers le bas. L’idée est d’adopter une démarche participative en impliquant les migrants et les associations dans le processus de prise de décision. Si le rôle des ONG est indispensable, l’Etat est appelé à renforcer leurs capacités financières.«Le Conseil s’est mobilisé pour assurer un minimum de ressources à ces associations, mais nous sommes encore loin de l’objectif fixé», reconnait le président du CNDH, El Yazami.
Participation politique, reconnue mais pas effective
La Constitution de 2011 garantit aux étrangers établis au Maroc les mêmes libertés fondamentales reconnues aux citoyennes et citoyens Marocains. L’article 30 leur accorde le droit de participer aux élections locales en vertu de la loi, de l’application des conventions internationales ou des pratiques de réciprocité. Cependant, cette disposition constitutionnelle n’a toujours pas été concrétisée dans la mesure où le texte devant fixer les modalités de participation des migrants aux élections locales n’a pas encore vu le jour.
Hajar Benezha
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