Quand le gouvernement désinstitutionnalise les institutions

Hausse des prix

Karim Ben Amar

À mi-mandat, Aziz Akhannouch sort de son mutisme pour dresser un bilan « détaillé de l’action de son gouvernement ». Dans la Chambre des représentants, sans grande surprise, le grand oral du chef du gouvernement, qui n’avait de grand que l’adjectif, reposait plutôt sur un bavardage politique sans fin.

Le soliloque qu’il a infligé aux quelques téléspectateurs fut un véritable supplice puisque aucune annonce phare n’a été énoncée. Fidèle à son rituel, Aziz Akhannouch, ne maîtrisant pas l’outil du verbe, s’est réfugié dans des annonces abracadabrantesques avançant que son bilan est honorable et qu’il reflète le respect du gouvernement de ses engagements et de ses promesses. En plus du discours stérile, il rajoute une couche en jalonnant sa diatribe de chiffres, pour ainsi crédibiliser son « action ».

Alors que le pouvoir d’achat du citoyen marocain est malmené depuis l’avènement de ce « gouvernement de compétences », le chef du gouvernement se donne bonne conscience en estimant que sa « team » travaille en silence pour le bien-être du citoyen et de son portefeuille. Il est vrai que le silence est la marque de fabrique de ce gouvernement. Sourd-muet, il n’en fait qu’à sa tête, omettant l’essentiel, à savoir se soucier du pouvoir d’achat du citoyen lambda.

Avec ce gouvernement, l’équation « les riches s’enrichissent et les pauvres s’appauvrissent » n’a jamais été aussi juste. Avec cette inflation et la cherté des produits de grandes consommations, on peut même ajouter que la classe moyenne s’effrite. Rappelons tout de même que la création de cette classe sociale a été une politique d’État pendant des décennies. Avec ce gouvernement, force est de constater que les salariés et les cadres ont du mal à joindre les deux bouts. Certains produits, comme les fruits par exemple, sont devenus un véritable luxe. Pour le pays agricole que nous sommes censés être, c’est un échec de notre politique agricole et du flop nommé « Plan Maroc Vert » et de son clone baptisé « Génération Green ».

Alors que le citoyen marocain se préoccupe déjà de l’approche de l’Aïd Al Adha avec la peur au ventre, voilà que le gouvernement, qui est supposé se soucier de son bien-être et de son épanouissement, le plombe avec une nouvelle série de hausses conséquentes. Ironiquement, les Marocains ont nommé cette nouvelle série d’explosion des prix « le cadeau de la mi-mandat ».

Pour faire court, les bouteilles de gaz butane ont connu une hausse de 20%. Dans un communiqué diffusé ce dimanche 19 mai 2024, le ministère de l’Économie et des Finances annonce le démarrage de la décompensation partielle du gaz butane, à partir du lundi 20 mai 2024. Le montant de la réduction de la subvention est de 2,5 dirhams pour la bonbonne de 3 kg et atteint 10 dirhams pour la bouteille de 12 kg. Par conséquent, le prix de la bonbonne de 3 kg va augmenter de 2,5 dirhams, passant de 10 à 12,5 dirhams. Celle de 12 kg verra son prix augmenter de 10 dirhams, passant de 40 à 50 dirhams.

Même son de cloche s’agissant de la viande rouge. La viande de veau, qui se négociait entre 90 et 100 dhs, coûte désormais entre 120 et 140 dhs. Idem pour la viande d’agneau, qui atteint la bagatelle de 140 dhs alors qu’elle ne dépassait pas la barre des 100 dhs le kilogramme.

Même les étudiants qui sont censés être la priorité de tout gouvernement qui se respecte, ne sont pas épargnés. L’abonnement mensuel du Tramway passe donc de 150 à 170 dhs. Les utilisateurs non étudiants voient leur abonnement mensuel passer de 230 à 250 dhs.

L’abonnement hebdomadaire passe de 60 à 70 dhs. Un trajet aller-retour pour un utilisateur non abonné passe de 14 dhs à 16 dhs. S’agissant de la carte rechargeable, son prix a doublé, passant ainsi de 15 à 30 dhs.

Tout porte à croire que le pain, aliment de base des Marocains, va connaître une hausse. C’est ce que demandent les associations représentant les boulangers.

En somme, le citoyen marocain est confronté à un effet domino. Depuis la hausse du prix des carburants, les prix ont explosé, et pour cause, l’impact de la hausse de l’énergie dans la chaîne de production.

Alors que le Maroc bat de tristes records en chômage et en destruction d’emplois, ce gouvernement du passif s’entête en se persuadant qu’il est sur la bonne voie, mordicus.

Le chef du gouvernement, dans son verbiage au Parlement qu’il a interrompu pour aller voir le match opposant le Real Madrid à Manchester City (chacun ses priorités), a cité une flopée de chiffres, mais il a oublié de citer les plus importants : le taux de chômage est passé de 12,3 à 13,7% (36% chez mes jeunes),  435.000 pertes d’emplois nets entre 2022 et 2023. En résumé, le Maroc compte aujourd’hui 1.645.000 chômeurs d’après le HCP. Et dire que le parti aux commandes du gouvernement a fait de l’emploi son cheval de bataille lors de la campagne électorale de 2021.

Cerise sur le gâteau, ce gouvernement, incapable d’activer les leviers pour endiguer la hausse des prix et encourager l’emploi et les investissements étrangers, joue plutôt la carte de la politique de l’autruche en se terrant. Et quand Aziz Akhannouch est de sortie, c’est pour se réfugier derrière les réformes et les chantiers royaux.

Finalement, ce gouvernement dit de compétence porte bien son nom. Il a en effet la compétence du laisser-faire, la compétence de l’inflation, la compétence de la cherté, la compétence de l’explosion des prix, la compétence de la destruction d’emplois, la compétence de l’accroissement du chômage, bref, la compétence de l’inaction.

Ce gouvernement est régi par un principe fondamental, il s’agit du principe de Peter, également connu sous le nom de principe de l’incompétence hiérarchique. Cette loi empirique suggère que dans une hiérarchie, chaque employé a tendance à atteindre son niveau d’incompétence. Selon ce principe, tout poste peut donc à terme être occupé par une personne incapable d’en assumer la responsabilité. Le principe de Peter résume « le gouvernement des compétences » dans toute sa splendeur.

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