Attendons pour voir…

Nabil El Bousaadi

Après avoir été chaleureusement félicitée par les autorités de Washington lorsqu’elle avait émis, le 17 mars 2023, des mandats d’arrêts contre le président russe Vladimir Poutine et la commissaire russe aux droits de l’enfants Maria Lvova-Belova pour leur responsabilité présumée dans l’expulsion et le transfert illégaux d’enfants lors de l’invasion russe de l’Ukraine, la Cour Pénale Internationale a été accusée, par ces mêmes autorités, de «mener une campagne impitoyable contre Israël» quand elle s’est permis de lancer, le 21 Novembre dernier, un mandat d’arrêt contre le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, pour les crimes contre l’Humanité et les crimes de guerre dont il s’est rendu coupable en menant, dans l’enclave palestinienne de Gaza, cette campagne génocidaire qui a fait, en une année, plus de 50.000 morts parmi la population civile palestinienne et près de 100.000 blessés.

Aussi, pour signifier, à cette juridiction internationale, qu’elle aurait commis une erreur funeste en osant mener une «campagne impitoyable» contre le Premier ministre israélien, le nouveau locataire de la Maison Blanche a, non seulement accueilli, ce dernier, à Washington, en grandes pompes mais surtout – et c’est là où le bât blesse – signé, ce jeudi 6 Février 2025, un décret infligeant des sanctions à la Cour Pénale Internationale.

Ainsi, en application des termes du décret précité, les Etats-Unis imposeront «des conséquences tangibles et importantes » aux fonctionnaires de la CPI qui seront reconnus coupables de «transgressions» pour avoir, de quelque manière que ce soit, «aidé», parrainé », ou encore fourni «des biens et des services» ou « un appui financier, matériel ou technologique » en lien avec l’enquête sur la guerre de Gaza.

A noter, également, que si, à l’heure qu’il est, la liste des personnes visées n’a pas encore été rendue publique, ni les intéressés ni leurs proches n’auront accès au territoire américain.

Mais, s’il est donc normal que le Premier ministre israélien, qui a été affublé du titre de «boucher de Gaza», ait été le premier à jubiler à l’annonce de la signature de ce décret, et qu’il ait été suivi par son chef de la diplomatie, Gideon Saar, qui a assuré que la CPI, qui n’a «aucune légitimité» dès lors que ni Israël ni les Etats-Unis n’en sont membres, poursuit « de façon agressive les dirigeants élus d’Israël, la seule démocratie au Moyen-Orient», la CPI a, en revanche, immédiatement condamné ce «document» qui n’a pas d’autre objectif que celui d’«imposer des sanctions à ses fonctionnaires et (de) nuire à son travail judiciaire indépendant et impartial».

Aussi, «en soutenant fermement son personnel» et «en s’engageant à continuer de rendre justice et de redonner espoir à des millions de victimes innocentes d’atrocités à travers le monde», la Cour Pénale Internationale a affirmé, ce vendredi, par la bouche de sa présidente, Tomoko Akane, que «de telles menaces et de telles mesures coercitives constituent des attaques graves contre les Etats parties à la Cour, l’ordre international fondé sur l’Etat de droit et des millions de victimes».

En considérant, de leur côté, que le « travail indépendant » de la CPI est « un élément essentiel de l’infrastructure des droits de l’Homme », l’ONU et l’Union européenne ont vivement protesté, ce vendredi, contre la décision prise par Donald Trump.

C’est à ce titre, d’ailleurs, que le président américain a été invité, par Ravina Shamdasani, une porte-parole du Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’Homme, à « revenir sur cette mesure » qui, selon le Président du Conseil européen, Antonio Costa, « mine l’ensemble du système de justice internationale » et « menace » l’indépendance de la CPI alors même que cette dernière « joue un rôle primordial dans le maintien de la justice pénale internationale et la lutte contre l’impunité ».

Au vu de l’intransigeance dont il fait preuve même quand les idées qu’il défend ne peuvent donner naissance qu’au chaos et à la désolation, rien n’indique que le nouveau locataire de la Maison Blanche, qui entend être, également, le nouveau Sheriff de la planète Terre, va changer son fusil d’épaule mais attendons pour voir…