conférence de presse, suivie d’un débat autour de la situation théâtrale dans la région, en présence d’un parterre de dramaturges, comédiens, metteurs en scène et critiques d’art. Une occasion de jeter l’éclairage sur le parcours de la troupe en question, sur son nouveau spectacle et sur la problématique de l’art dramatique, en général. Dans ce sens, Hassan Foulane a affirmé, dans son speech, que Masrah Al Hay évoluait dans la continuité de son éloquent répertoire, tout en s’attelant à chercher constamment le renouveau, en terme de thématique, d’approche et de traitement. Cette recherche créative permettrait, expliqua-t-il, à ne plus se contenter des dons innées des humoristes de talent, tels Abdelilah Ajil, Noureddine Bikr, Mustapha Dasoukine…, mais dénicher d’autres jeunes acteurs, pleins d’imagination, pour ne pas verser dans la redondance et la stagnation. Toutefois, reconnait-il, il ne s’agit nullement de minimiser les qualités artistiques de ces acteurs qui font toujours le bonheur du public marocain. Cette volonté de rénover, poursuit-il, s’illustre actuellement par l’implication de Driss Erroukh, dans la présente représentation, Bab Louazir, écrite par Mounir El Bahi. Le recours à ce dramaturge et réalisateur s’explique par le fait qu’on a voulu donner à ce travail un nouveau souffle, étant donné l’expérience avérée que vient d’acquérir Driss Erroukh, au niveau du théâtre et du cinéma. «Nous pensons que le théâtre est un espace d’expérimentation continuelle et a horreur des prestations figées et stéréotypées. C’est la raison pour laquelle, nous tentons de faire de notre mieux de se pencher sur la création, en matière de choix des textes, d’interprétation et de marketing. Le spectacle est fait pour être vu par le maximum de personnes et, de ce fait, il va falloir donner beaucoup d’importance à la commercialisation des spectacles, quoique cette opération soit complexe dans notre pays. Il est bien dommage qu’un travail laborieux nécessitant des efforts et des sacrifices considérables ne soit pas présenté au public», conclut-il.
Pour sa part, Driss Erroukh révéla que le théâtre exerçait sur lui une certaine attractivité, bien qu’il ait tendance à s’en éloigner. Sa vocation pour le cinéma est telle qu’il se montre un peu «snob» à l’égard du théâtre auquel il voue une affinité tout à fait particulière. Ceci étant, il avoue, un peu plus tard, que les conditions difficiles et déplorables dans lesquelles se meut l’art dramatique dans notre pays l’incitent à s’en séparer, malgré lui. «Comment voulez-vous qu’ion fasse du théâtre dans des espaces incommodes et au milieu de perturbations agaçantes ? On ne comprend pas cette démission de l’administration et des élus envers le théâtre, partout dans le royaume. Aujourd’hui même à Agadir, on a toute la peine du monde à trouver un espace adéquat pour présenter notre spectacle. Le théâtre de verdure, malgré son immensité, manque de nombre d’exigences techniques», souligne-t-il, dans son mot, marqué d’une profonde amertume. Même procès de la précarité infrastructurel en ville était soulevé, lors de la seconde partie de la séance consacrée à l’état actuel du théâtre à Agadir, par le doyen de l’art dramatique dans la région, avec davantage de détails, tout en rendant hommage à feu Brahim Radi, l’un des souteneurs potentiel de l’expérience de la fameuse rencontre de théâtre annuelle, avortée en 1993. Effectivement, le lendemain dans la soirée, le public d’Agadir, un peu étriqué pour la circonstance, la troupe présentait sa pièce, Bab Louazir, au théâtre de verdure. On aura constaté la difficulté pour les comédiens de faire parvenir leur voix dans les meilleures conditions. Sur le plan technique, en dépit d’une persévérance manifeste du réalisateur au niveau de l’éclairage, on sentait que des lacunes, caractérisées par des zones d’ombre, apparaissaient dans nombre de positionnements sur la scène. S’il faut apprécier les trouvailles subtiles du réalisateur au niveau des effets sonores, des aspects vestimentaires, des dualités placées sur l’espace scénique avec beaucoup de raffinement, du choix des personnages à la fois similaires dans le dessein, mais distincts dans l’expression, on dépréciera également le fait que le thème central, s’il y en a un, est tombé dans l’opacité. Certes, il est question du réquisitoire clair en direction de «Louazir» qui incarne, bien entendu, tout le système étatique et sa déchéance vis-à-vis du petit peuple, particulièrement au niveau des affres quotidiennes du transport, de la violence, de la criminalité… Cependant, autant que les personnages étaient aveugles et revendiquaient, une fois en audience avec le ministre, de retrouver la vue, autant le public demandait, à la fin, non pas la vue, comme prétend la pièce, mais la visibilité. Le texte a beau tourner autour du pot, sa thèse cognitive est loin de se hisser au niveau de la nature du rapport pouvoir/peuple et se limite à du jeu de mots forçant, bien entendu, la réaction instinctive du récepteur. Il faut dire qu’à ce niveau, l’auteur du texte a beaucoup excellé dans l’usage du lexique argotique issu du dialecte du terroir, avec des tournures sardoniques de haute facture. Dans le même sillage, les acteurs ont également fait montre d’un savoir faire, de notoriété indéniable, de cette interprétation affective et sarcastique des milieux déshéritées. On aurait bien aimé que le décor, imposant et statique, aurait contribué dans l’interaction de l’action dramatique.
Mais à l’instar du théâtre classique, les géantes façades sont demeurées rigides et sans mouvements, ne serait-ce que pour l’accès d’entrée et sortie. En guise de conclusion, on dira que le travail de Driss Erroukh est une expérience porteuse de beaucoup de trouvailles à méditer, axée essentiellement sur la finesse de l’acteur et le respect des fondements de l’art dramatique, loin de tous fards et fanfares. Une expérience qui garnira, sans doute, le palmarès du Masrah Al Hay et de celui de notre pays, en quête d’essais sérieux et engagés comme celui que le public d’Agadir a eu le plaisir de voir, samedi dernier.