Le corps et le grotesque dans les célébrations populaires amazighes

Le corps a constitué, dans moult célébration populaires amazighes traditionnelles, un espace large pour l’expression de représentations opposées et contradictoires. Il est le réceptacle de forces transcendantales, et collecteur de symboles religieux et spirituels variés ainsi que de conceptions culturelles locales spécifiques. Il est aussi le lieu de la sacralité et de la souillure en même temps…

Ce qui lui octroie une valeur  éminente pour devenir le centre du jeu. Il est traité, dans ce cadre, avec mépris et humiliation: tantôt, il possède des forces spirituelles positives qui repoussent le mal et le négative, tantôt il est habité par des forces diaboliques à éviter et qui nécessitent une protection. Encore une fois, dans le corps, se mélangent ces valeurs et celles qui leur sont similaires. C’est un corps qui exprime la pluralité et l’ouverture, qui réconcilie le profane et le transcendantal, le terrestre et le céleste et se crée des occasions pour persister et se libérer des chaines de l’interdiction et de l’anathème.

Ce corps exprime son essence et sa signification – du point de vue espace – dans les lieus publics des campagnes et des villes. Et par rapport au temps – lors des fêtes religieuses et les grandes manifestations sociales – pour cause d’interdiction ou de report – des interdits du système officiel et des préceptes religieux, le corps crée un espace de vie libéré, riche en images de fantasia, radicales et insensées[1] , qui invitent au divertissement  au jeu retentissant qui casse la routine quotidienne officielle. Il est présent – à plusieurs moments – sous la forme de critique acerbe, mauvais et amusant, dans le cadre d’images qui mélangent les caractéristiques de personnalités mythiques avec d’autres religieuses et populaires qui célèbrent, dansent et se défoulent.

La pluralité des célébrations populaires amazighes au sein desquelles le corps s’oriente vers le jeu libérale et libéré, tels Imaâchar, Tachâalt, Qibbou et Berkachou…et ce jeu culmine, au sein de certains de ces jeux, à des degrés possibles de « répulsion et d’incohérence terribles et comiques, caractérisés par la profusion et l’exagération et la déformation hors normes »[2]. Et il existe dans les différentes régions du pays, campagnes et villes. Fait qui signifie que ce n’est pas une simple célébration ou pratique passagère et isolée. Au contraire, il s’agit d’un ensemble de pratiques qui expriment la situation culturelle générale et une vision sociale claire de l’homme et de la vie.

Fouad Azarual et Mohamed Moukhlis

(Chercheurs à l’IRCAM)

[1] Saadi Abdellatif «  Le rire et la liberté de Mikael Bakhtine », préparation et traduction, Site électronique : www.m.ahewar.org, le 28 avril 2015

[2] Rihan, Rouili et Saad, Elbazghi, « Dalil Al Naqid Al Adabi », Centre culturel arabe, Beyrouth, Liban, 2002, T 3, P 204.

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