L’aide internationale au développement sanitaire franchit un nouveau cap. Alors que l’épidémie de choléra fait des ravages au Yémen, la Banque mondiale a annoncé mercredi dernier qu’elle vient de lever 500 millions de dollars sur les marchés pour financer son fonds de lutte contre les pandémies créé en 2016.
La communauté internationale semblerait avoir tiré des leçons de l’épisode tragique d’Ebola en Afrique de l’Ouest de 2013 à 2016 qui a fait 11 300 morts. En 2015, alors que l’épidémie d’Ebola faisait des ravages, les présidents de la Sierra Leone, de la Guinée et du Libéria, pays touchés par le virus, réclamèrent des aides massives auprès de la communauté internationale pour limiter les dégâts perpétrés par le virus et éradiquer complètement l’épidémie. Il fallait mobiliser 1 milliard de dollars pour aboutir à zéro cas. Si plusieurs promesses avaient été faites par de nombreux pays pour venir en aide aux trois pays frappés de plein fouet par ce virus, plusieurs lenteurs avaient été observées dans la mobilisation de l’aide internationale. La gestion de cette épidémie par la communauté internationale révéla plusieurs failles et insuffisances dans l’aide au développement sanitaire. D’où la création en mai 2016 au Japon par les ministres des finances du G7, du Fonds de lutte contre les pandémies pour mobiliser facilement l’aide internationale pour les pays pauvres touchés par les épidémies, mettre en place des mécanismes de solidarité internationale de long terme et développer la prise en charge sanitaire dans les pays affectés par les épidémies. L’objectif était également d’adopter désormais une approche anticipative dans la gestion des pandémies. «Nous nous éloignons du cycle de panique et de négligence qui a si souvent marqué notre approche des pandémies», a affirmé le président de la Banque mondiale Jim Yong Kim, cité dans un communiqué de la Banque Mondiale.
Dans le cadre de cette levée, la Banque mondiale a émis des obligations sur les marchés. Les investisseurs qui y souscrivent perçoivent des rendements élevés, mais prennent le risque de tout perdre leur mise au cas où se déclenche une pandémie. Ainsi, l’argent levé auprès de ces investisseurs sera utilisé pour abonder le Fonds de financement d’urgence contre les pandémies (PEF) et contribuer à résorber les carences des systèmes de santé publique des pays pauvres. Selon ce scénario, le coût du risque de pandémie dans les pays pauvres sera «transféré vers les marchés financiers», précise le communiqué de la Banque mondiale. Toutefois, le transfert de ce coût du risque dépendra de certaines conditions, entre autres les catégories de virus, le niveau de contagion de l’épidémie, le nombre de morts, même si la banque mondiale ne détermine pas des seuils précis. A en croire le communiqué de la Banque mondiale, ces nouvelles obligations ont séduit les investisseurs. La demande aurait été deux fois plus supérieure que l’offre.
Le Yémen ravagé par l’épidémie de Choléra
Depuis un an, le Yémen est dévasté par une épidémie de choléra qui a déjà fait près de 1300 morts. Selon le Fonds des Nations Unies pour l’Enfance, l’épidémie pourrait atteindre le seuil de 300 000 cas à la fin d’août, contre 193 000 cas actuellement. En effet, l’effondrement des infrastructures médicales et sanitaires dans le pays, suite à plus de deux ans de guerre, a favorisé à fin avril l’apparition pour la deuxième fois dans le pays du choléra, en moins d’un an. Sur les 1265 morts enregistrés suite à l’épidémie de choléra, un quart serait des enfants et la moitié des cas enregistrés actuellement sont des enfants, souligne le Fonds des Nations Unies pour l’enfance. «Le Yémen est un pays qui s’effondre et est au bord de la famine», a averti l’ONU. «Il s’agit de la plus grande crise humanitaire au monde en ce moment», a déclaré le porte-parole du Programme alimentaire mondial (PAM), Bettina Luescher. Depuis le début du conflit, 17 millions de personnes, soit deux tiers de la population, sont confrontées à des pénuries d’aliments. 7 millions seraient proches de la famine, d’autant plus que le pays est très dépendant de l’importation de nourriture. Plus de 8000 personnes sont mortes depuis le lancement en mars 2015 de la campagne militaire au Yémen. En mai dernier, les rebelles ont appelé la communauté internationale à la rescousse, sachant que l’acheminement du secours et des aides dans le pays est rendu difficile par la situation de guerre qui sévit. Le 30 mai dernier, alors que la situation du pays était abordée au Conseil de sécurité de l’ONU, Médecins du Monde a pointé du doigt la passivité de la communauté internationale et appelé à mettre en place dans l’urgence des mesures concrètes pour permettre l’accès de l’aide humanitaire. Selon l’ONU, jusqu’en juin, moins de 30% de l’aide internationale promise au Yémen avait été honorée. A dire que malgré la mise en place du Fonds de lutte contre les pandémies, la lenteur dans la mobilisation de l’internationale observée dans l’épidémie d’Ebola semble se reproduire. D’ailleurs, jusqu’à l’heure actuelle, l’implication du Fonds d’urgence pour la lutte contre les pandémies de la Banque Mondiale dans l’éradication de l’épidémie de choléra dans le pays, n’est pas évoquée.
Danielle Engolo