M’diq-Fnideq: autopsie d’une province à l’arrêt

Karim Ben Amar

Le Maroc a fermé ses frontières avec le préside occupé de Sebta dès le vendredi 13 mars, soit 24h avant les pays européens. La clôture de son poste frontalier, survenue juste avant l’internationalisation de la pandémie du Covid-19, a laissé de nombreux foyers sans revenus, vu que la majorité des habitants de Fnideq et M’diq vivent des produits de contrebande venant du préside occupé. Sans oublier l’état d’urgence sanitaire qui s’ajoute : la plupart des autochtones se retrouvent pieds et mains liés. N’ayant aucun moyen de gagner de l’argent autrement, comment les habitants de ces deux petites villes survivent-ils? Qui sont les principales victimes? Al Bayane est entré en contact avec des citoyens de cette province. Tour d’horizon.

La Maroc est l’un des premiers pays dans le monde  à avoir fermé ses frontières afin de tenter d’endiguer la pandémie du nouveau coronavirus. Mais avant cela, la frontière entre le Maroc et le préside occupé de Sebta a été fermée le vendredi 13 mars, dès 6 heures du matin.

Il se trouve que de nombreuses familles vivaient des produits de contrebande en provenance du préside occupé. En plus de la pandémie mondiale liée au Covid-19, et de l’état d’urgence sanitaire exigeant de la part de tout un chacun de se plier aux règles strictes des mesures de sécurité, les habitants de la province de M’diq-Fnideq sont touchés de plein fouet par cette crise sanitaire mais pour la plus part, elle est aussi économique.

Zakaria, natif de la ville de Fnideq vivait exclusivement des produits de contrebande venant du préside occupé de Sebta. Selon lui, la fermeture des frontières est survenue de manière brusque. «Nous n’avons même pas eu le temps de réagir, de réfléchir à une autre activité. Depuis la fermeture des frontières, la situation est catastrophique pour les habitants, d’autant plus que la contrebande est la principale activité rémunératrice de cette province», déclare-t-il à l’équipe d’Al Bayane.

D’après le quarantenaire vivant des produits de contrebande, depuis pas moins de 20 ans, «la pandémie liée au coronavirus a empiré la situation. Désormais, elle est tout simplement insoutenable». Et d’ajouter que «nous n’avons plus aucune activité et donc plus aucune entrée d’argent. Je suis père de 4 enfants, sans même compter les frais en médicament de ma mère que je prends en charge. Si cette situation s’éternise, bientôt, je n’aurais plus de quoi subvenir aux besoins de ma famille».

La plupart des habitants de cette province vivent du commerce des produits de contrebande. Ils gagnent quelques pièces pour chaque article. Pour la fameuse tablette de chocolat, ils ne dégagent pas plus que 0,5 Dh par pièce. Autre exemple, pour les biscuits «Maria» tellement prisés par les marocains, 0,5 Dh de bénéfice est réalisé sur chaque pièce vendue. Au gros, la marge est moindre.

Tout le monde s’accorde donc à dire, que ces individus font du commerce. Ce sont des produits de contrebande certes, néfastes à notre économie, certes, mais il convient de rappeler que ces commerçants ont un fonds de roulement qui leur permet d’acheter de la marchandise qui sera revendue soit à des particuliers soit à des commerçants.

Nous avons contacté Omar, un jeune homme vivant lui aussi, à l’instar de toute sa famille, des produits de contrebande provenant du préside occupé. Il affirme que «tout le monde est en train d’assurer les dépenses quotidiennes du fonds de roulement servant normalement à acheter de la marchandise. Surtout avec le mois sacré de Ramadan, les dépenses ne s’arrêtent pas».

Le jeune homme, âgé d’une vingtaine d’années, a relevé une réelle problématique. «Vous imaginez, le magasin qui était loué à prix d’or en février ne vaut plus rien aujourd’hui. La valeur de l’immobilier et des locations ont chuté en un temps record. Aussi, beaucoup de bails à usage d’habitation ont été résiliés et pour cause: vu qu’il n’y a plus d’activités, tous les habitants des autres régions sont rentrés chez eux. Désormais, dans notre province, il n’y a plus que des autochtones», clame-t-il le sourire aux lèvres. Et de conclure, «j’espère de tout cœur que cette pandémie va toucher à sa fin, et qu’on pourra  reprendre du service, à Bab Sebta où ailleurs».

A l’image du monde entier, un ralentissement de l’activité économique est à constater dans le Nord du Maroc. Abdellah, militant associatif de la ville de Tétouan,  a déclaré que «la fermeture de nos frontières avec le préside occupé de Sebta s’est réalisée de manière brusque. Aucun préavis, n’a été donné. Cela n’a pas permis une reconversion aux milliers de personnes vivant de la contrebande. Il aurait été logique de fermer les frontières après que la zone industrielle prévue soit opérationnelle».

Quant aux principaux perdants de cette clôture des frontières, le militant associatif assure que «ce sont les petites mains (porteurs) ou les petits détaillants, qui gagnent entre 100 et 200 Dhs par jour». «De plus, il est à signalé que 10% de la marchandise provenant du préside occupé est écoulée dans le Nord. Le reste est vendu dans les quatre coins du royaume. Les grands contrebandiers qui ont fait beaucoup d’argent grâce à la marchandise de Sebta, ne sont par contre en rien impactés, puisque ils ont profité de cette manne des décennies durant», conclut-il. 

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