Agadir respire le cinéma à pleins poumons

Festival international cinéma et migrations

Saoudi El Amalki

Dans moins d’une semaine, précisément du 13 au 18 juin, le festival cinéma et migration d’Agadir soufflera sa 18ème édition, dans la liesse et l’euphorie. Presqu’ une semaine de rêve pour un événement qui fait vibrer la salle du cinéma Rialto et enchanté aussi bien les grandes foules que les festivaliers de tous bords. A la différence de plusieurs villes du royaume qui ont eu, et auront sans doute, leur cinéma respectif, la capitale du Souss abritera une manifestation thématique toute singulière, de par la question migratoire que les films traitent avec métier et affectivité et par l’interactivité qu’il suscite au sein des cinéphiles et les divers experts en sociologie et élite universitaire plus particulièrement. Comme à l’accoutumée, depuis dix-huit ans, jour pour jour, cette activité artistique hors pair a constamment drainé une pléthore de penseurs, de critiques d’art, de cinéastes, d’intellectuels, traitant par l’image et le verbe leurs soucis de société, entourés par un public radieux et guilleret. Depuis déjà presque une décennie, le festival international cinéma et migrations d’Agadir constituait, pour tous les « orphelins » du cinéma de l’un des pôles de premier ordre du royaume, le refuge du grand salut et le substitut de l’atroce frustration. Et pourtant, la capitale du Souss par son cachet économique, mais également par son registre culturel et artistique, le cinéma d’Agadir dont la thématique féconde et porteuse n’est plus une étrangeté, puisqu’elle s’ancre dans les tréfonds des marocains du monde, se veut un espace privilégié de débat et de réflexion de grande portée humaine et sociale dans les soubassements du phénomène migratoire à travers la planète, notamment en liaison avec les compatriotes installés dans les lieux d’accueil en Europe, au Canada, au Golf, en Chine, aux Amériques et partout dans le monde. La dix-huitième manche du Festival Cinéma et Migration illuminera les rampes du cinéma Rialto. Une tradition qui continue à briller de mille feux. En effet, comme d’habitude, le festival d’Agadir Cinéma et Migrations conviera une multitude de stars marocaines qui ont imprimé, encore une fois, à ce rassemblement, une note d’intimité et de liesse avec les fans qui ne cessent de côtoyer et choyer leurs idoles, en chair et en os. Il est bien clair que, au-delà des programmes variés et attractifs que l’association Al Mobadara, organisatrice de cet événement annuel, a bien eu le soin de mettre sur pieds, le festival se distingue chaque année par cette sorte d’intimité émotionnelle qui unit les vedettes du cinéma marocain et leurs fans.

En fait, trois festivals marocains sur dix, dont celui de la capitale du Souss, furent distingués. Une prouesse africaine dans l’univers du cinéma, à un moment où le continent africain pétri de son originalité, se fait un charisme saisissant. L’écrivain sénégalais, Léopold Sédar Senghor disait un jour : «La négritude est une culture, un fait. C’est l’ensemble des valeurs de tous les peuples l’Afrique !». Si le festival de Marrakech qui prône le brassage pluriel de la recherche du cinéma universel, se tient le sixième rang en Afrique, il doit ce privilège à l’intérêt tout particulier dont il jouit de l’officiel. Quant au festival de Khouribga, plutôt thématique, consacré uniquement au cinéma africain, depuis son existence en 1977, il occupe non sans panache, la 8ème place dans ce palmarès. Le festival d’Agadir ferme la marche de ces dix meilleurs rendez-vous annuels qui agrémentent le champ de cinéma dont la particularité porte sa pierre dans cette performance. En effet, en 2003, date du coup d’envoi de cette nouvelle trouvaille de cinéma, il opte pour le thème de la migration dont un parterre prolifique ne cesse de mettre la main à la pâte afin de mener le débat autour de ce phénomène de plus en plus en vogue. Le parcours du festival de la capitale du Souss, laborieux et sensationnel, s’est âprement persisté aux pénuries logistiques et aux carences matériels. L’absence cruelle de salles de projection, l’indigence et la vulnérabilité des moyens budgétaires, entre autres, se croisent pour mener la vie dure à cette activité. En effet, après la disparition du cinéma Salam, c’est le tour désormais du cinéma Rialto qui ferme, il y a quelques temps. Deux sites culturels historiques qui ont fait vivre aux générations des moments pathétiques avec les géants du cinéma mondial. Une métropole comme Agadir, première station balnéaire du pays et dépositaire de Souss Al Alima, bastion de la science, du savoir, de la création et de la connaissance, est donc privée de l’une de ses infrastructures culturelles les plus notoires. Cinéma Rialto était non seulement un havre de projection cinématographique, mais également un âtre soyeux de débats sereins des chefs d’œuvre lors des séances de ciné clubs, de meetings politiques et de prestations théâtrale et musicale. Le festival d’Agadir Cinéma et Migrations, qui célèbre aujourd’hui ses dix-huit années de présence, est sans doute, attaché à ce patrimoine qui résonne encore sous la voix des sommités de l’art, de la culture et de la politique. On peut toujours comprendre l’état désastreux dans lequel se trouve une bonne partie de nos cinémas, du fait, justement, que les gens n’y vont plus et ont sûrement perdu cette fameuse maxime envoûtante « qui aime la vie, va au cinéma ». Devant cet abandon, les propriétaires, vivotant, se trouvent dans l’obligation de fermer boutique et d’aller voir ailleurs, où le foncier devient alléchant. De même, il faut bien dire que ces mêmes gens, contaminés par les mutations profondes du commerce et l’urbanisme, ne cherchent plus à investir dans le cinéma aussi aléatoire que velléitaire, surtout qu’ils ne déploient aucun effort pour restaurer et rénover son local transformé en taudis piteux. Cependant, il serait incivique de sacrifier un patrimoine culturel et sociétal qui appartient, dorénavant, à toute la conscience collective. C’est le cas du cinéma Salam qui git toujours tel un pachyderme éventré et, maintenant, du cinéma Rialto qui tire sa révérence au grand dam des populations. Un débat profond auquel sont conviés les institutionnels, les élus, la société civile, les professionnels… pour débarrasser toute la ville de la privation consternante.

Ils ont dit :

Aziz OMARI : directeur du festival

Le festival international cinéma et migrations d’Agadir s’érige en une halte incontournable de la vie culturelle et artistique du royaume. Il s’ingénie à perdurer sans répit, en dépit de toutes les contraintes. Il est en possession à présent d’une identité, d’une âme, et d’une référence toute singulière pour sa constance. Au fil des ans, il grandit et gagne en expertise des grands rendez-vous du cinéma national et mondial, du fait qu’il détient une thématique qui assure sa longévité et sa particularité par rapport à ses pairs, à travers la nation. Cette année encore, les convives du festival tant au niveau des professionnels de tous les coins du monde que les grandes foules qui prennent d’assaut la traditionnelle bâtisse de Rialto, ont droit à des nouveautés du septième art, mais aussi des sommités du cinéma à vocation de migration. Nous sommes donc ravis d’avoir pu transcender toutes les embûches et garantir la continuité à ce festival devenu un splendide menu dédié à tout ce beau monde. A cet effet, nous avons l’insigne plaisir de remercier très fort toutes institutions publiques et privées à qui revient le mérite de se montrer favorables et réactifs à nos sollicitations. Nous saluons à vive reconnaissance toutes et tous ceux et celles qui ont mis leur pierre dans cet édifice de grande qualité artistique et humaine.

Tahar Ben Jelloun, Président du jury -long métrage

Il faut bien dire que le festival cinéma et migrations d’Agadir présente un plus dans le répertoire national. On est donc toujours ravi d’y participer et y mettre sa touche, puisqu’il est toujours là, présent et interactif. En fait, on a besoin de ces rencontres qui réchauffent les cœurs et donnent toujours envie de vivre le cinéma et la culture en général, à travers les acteurs. Toutes les formes culturelles, à savoir le cinéma, le théâtre, la musique, la peinture et bien d’autres expressions artistiques, font du bien à l’âme et suscitent les valeurs de vivre-ensemble. La thématique du festival est, à mon sens, fort significative dans la mesure où elle infirme, exprime et diffuse l’univers complexe du phénomène migratoire. Ce sont plus de cinq millions de marocain(e)s qui sont éparpillés dans les quatre coins du monde. Et ce serait judicieux de raconter et débattre de leurs endurances et leurs attentes par le biais du cinéma et ses rencontres physiques.

Samy Naceri, acteur

C’est pour moi un immense plaisir que je sois récompensé, à travers cet hommage dédié à mon égard par les organisateurs du festival. C’est un festival dont j’entends toujours parlé et les échos qui me parviennent m’ont réjoui par l’ambiance qui s’y opère et la qualité de son programme diversifié. J’ai donc hâte de venir dans cette belle destination en vue de partager ces moments d’allégresse parmi les collègues et les cinéphiles, mais également échanger les idées et les expériences sur les novations de cet art constamment en forte mutation technique et messagère. D’autant que cette édition a porté son choix sur le cinéma tunisien, en tant qu’hôte honorifique du festival. Un choix judicieux que j’apprécie beaucoup car il tend à renforcer les liens du grand Maghreb et faire valoir l’art maghrébin. Il est alors nécessaire de porter de l’intérêt tout particulier à cette renaissance, par la multiplicité des salles de cinéma et le soutien de la communauté cinématographique.

Jamal Soussi, producteur et réalisateur

Il ne fait de doute que le festival d’Agadir du cinéma et migrations fait constamment parler de lui, par sa taille et son aura à tous les points de vue. Tout d’abord, il convient de mettre en valeur la prééminence du thème central porté à ce festival dont la singularité draine de plus en plus, les partisans de cette thématique, à travers le monde. L’émigration ne s’arrêtera jamais et fera à volonté, l’objet d’analyse et de débat, sous divers angles de traitement, aussi bien politique, artistique, culturel, humain, social… Je me permets de lancer un fervents appel aux décideurs et aux investisseurs d’appuyer l’industrie du cinéma, en édifiant les salles et facilitant les mesures en termes de fiscalité et d’exploitation afin de permettre l’éclosion large de cet art  soumis à des concurrences ardues.

Driss Erroukh, acteur et réalisateur

Le festival du cinéma et migrations d’Agadir se caractérise par son identité spécifique qui enrichit le répertoire national. Sa thématique dédiée à la question migratoire fortifie cette particularité, parmi ses pareilles à travers le royaume. C’est un pari que réussit avec brio, le festival d’Agadir, de par la régularité, par la rigueur et surtout par la prestation suggérée. La ville a donc besoin d’être dynamique de cinéma de qualité pour combler le manque à cet effet, d’autant plus que le débat culturel, animé par les cinéastes et les chercheurs de l’université dans les domaines audio-visuels sont censés vivifier cette activité artistique de rêve. A cet égard, la dimension du cinéma de thème revêtira, à coup sûr, plus d’ampleur et d’attractivité au sein de cette pléiade plurielle et intéressée. Il va sans dire que le festival est en mesure de devenir une réelle plateforme d’échange et de brassage des innovations de l’art et de la culture puisqu’elle y invite toutes  les compétences acquises à cette noble cause. Je souhaite alors plein succès à nos amis de ce sublime festival qui met les bouchées doubles pour être constamment présents et disponibles à la discussion de ces grandes questions de la société et de l’humanité.           

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