Ce n’est pas uniquement une danse. C’est un art millénaire ancré dans le temps et la mémoire artistique collective marocaine.
Dans la région du Sud Est marocain, la tradition musicale d’Ahwach célèbre la danse, les chants et le verbe poétique chanté. Cet art incarne la diversité et l’authenticité d’une pratique artistique qui remonte à des siècles et qui a marqué des millénaires. Ce type musical ayant son rituel, son langage et ses fondements existe dans plusieurs régions, notamment dans le Sud Est du Maroc ou encore dans la région de Souss. C’est de la poésie rythmée et rimée avec la gestuelle et la magie des voix des hommes et des femmes échangeant les vers qui se présentent dans un spectacle musical. En temps de guerre et de paix, les paroles ont leur sens et messages à transmettre.
C’est dans la poésie d’Ahwach que réside une partie de l’histoire chantée. On pourrait apprécier les coutumes des tribus et écouter les échos du vécu des populations d’autrefois. Dans les danses, le corps est langage. C’est une mosaïque de codes et de signes à déchiffrer et à décrypter.
«Ahwach» est une poésie avant d’être quelque chose d’autre. Ce sont des messages sur la région, la politique», explique la poétesse amazighe Sphia Azzeddine préparant une émission sur l’art d’Ahwach. Aujourd’hui, Ahwach, confie t-elle, est devenu un simple folklore. «Auparavant, il comportait 99 types de rythme. Il en reste aujourd’hui 6 ou 7. Autrefois, il y avait un début, un milieu et une fin ; mais aujourd’hui c’est tout à fait le contraire. Des fois, on ne savait pas où commencer ou en finir», souligne t-elle.
Quand la voix s’éclate, le corps s’enflamme de douceur poétique. C’est le mouvement des corps qui brûle la froideur de l’espace. Ce que le jour cache, le chant le dévoile la nuit. Jadis, Ahwach était un moyen de résistance, une arme aussi dans les champs de bataille.
«C’est rare qu’on trouve de nos jours, un poète qui écrit encore des poèmes pour un groupe d’Ahwach. Il y a des poètes amazighs, mais des poètes d’ahwach se comptent sur le bout des doigts», conclut-elle.
«Il y a du changement dans cet art», estime Brahim Oudra, le maestro du groupe «tizouit». Aujourd’hui, en tant que jeunes, nous insistons sur les costumes, la vitesse dans le jeu, et que spectacle soit bien fait », nous déclare le chef du groupe orchestrant la danse de l’abeille d’ahwach. Aujourd’hui, Ahwach s’est folklorisé. «Il y a des gens qui ne sont pas professionnels qui jouent et participent aux festivals», souligne t-il.
Mohamed Nait Youssef