Décès de Helmut Kohl, le «chancelier de l’unité»

Helmut Kohl, que les allemands se plaisaient à appeler «Herr Doktor» et qui, comme le célèbre Bismark plus d’un siècle avant lui, a été surnommé «le chancelier de l’unité», a tiré sa révérence ce vendredi 16 Juin 2017 à Ludwigshafen en Rhénanie-Palatinat,  la ville où il est né 87 ans auparavant, le 3 Avril 1930.

A cette occasion, Sa Majesté le Roi Mohammed VI a adressé un message à la chancelière allemande Angela Merkel la priant de transmettre à la famille de « l’unificateur de l’Allemagne nouvelle » et au peuple allemand ami Ses vives condoléances et Ses sincères sentiments de compassion.

Le Souverain en a profité pour rappeler que le défunt a consacré sa vie, avec sincérité et abnégation au service des intérêts suprêmes de son pays et pour consolider sa place sur la scène européenne et internationale.

Helmut Kohl avait été chef du gouvernement allemand de 1982 à 1998 ; une période charnière, s’il en est. Autant dire qu’il a été le témoin privilégié – quand il n’en fut pas l’instigateur – de bien des évènements d’une extrême importance pour le devenir de la planète et de ses occupants notamment la chute du mur de Berlin qui a permis la réunification de l’Allemagne et la construction européenne.

Ayant adhéré dès l’âge de 16 ans au Parti Chrétien Démocrate (CDU) et brillamment soutenu une thèse de Doctorat en Histoire et Sciences Politiques portant sur «le renouveau des partis en Rhénanie-Palatinat après 1945», le jeune Helmut Kohl a gravi tous les échelons de l’appareil du Parti avant d’accéder à  la direction provisoire de Rhénanie-Palatinat puis à la Direction Fédérale du Parti en en devenant vice-président en 1969 puis président en 1973.

Mais son accent et sa corpulence – 1,93 m pour 130 kgs – furent une aubaine pour les humoristes alors que journalistes et adversaires politiques trouvèrent dans son embonpoint l’occasion de l’attaquer sans relâche. Aussi a-t-il souvent fait l’objet de moqueries de la part des membres de sa famille politique notamment par Franz-Joseph Strauss, dit «le taureau de Bavière», le chef de la branche bavaroise de la démocratie chrétienne qui dira de lui qu’il «ne sera jamais chancelier (car) il en est totalement incapable. Il lui manque le caractère, l’esprit et les capacités politiques».

Aussi, quand, en 1980, il formule le vœu d’être le candidat de son parti à la Chancellerie, ce même Strauss menace de concurrencer le parti sur l’ensemble du territoire et de mettre fin à la formation d’un groupe unique CDU-CSU au Bundestag si bien qu’après un compromis, les deux hommes avaient convenu que Strauss serait candidat à la chancellerie. Or, ce dernier va essuyer un cuisant échec face à Helmut Schmidt.

Tête de liste de la Démocratie chrétienne auxdites élections avec 48,6% des voix, la CDU-CSU frôle la majorité absolue sans pour autant parvenir à détrôner la coalition libérale socialiste menée par le chancelier Helmut Schmidt et son ministre des Affaires Etrangères Hans-Dietrich Gensher. Aussi, en sa qualité de Président du groupe parlementaire CDU-CSU, Helmut Kohl va devenir, automatiquement, le chef de l’opposition au Bundestag et quand, le 1er Octobre 1982, les députés chrétiens démocrates et libéraux votent une motion de défiance contre Helmut Schmidt, la coalition libérale-socialiste éclate et Helmut Kohl se trouve très bien placé pour gravir la dernière marche du pouvoir et entrer à la Chancellerie. Mais, soucieux d’être légitimé par les urnes, Helmut Kohl provoque alors des élections anticipées le 6 Mars 1983 à l’issue desquelles la coalition CDU-CSU enregistre le meilleur score de son histoire avec 48,8% des suffrages alors que son rival le FDP perd un tiers de ses électeurs.

L’année 1989 ne sera pas un très bon cru pour le chancelier Kohl car c’est de justesse qu’il va échapper à un putsch fomenté par les caciques de son parti qui lui reprochent de les mener à la défaite. Aussi, la chute du mur de Berlin intervenue le 9 Novembre de la même année viendra-t-elle à sa rescousse. Elle lui offrira l’occasion d’interrompre le voyage officiel qu’il effectuait en Pologne et de regagner précipitamment Berlin puis, le 28 Novembre, de prendre tout le monde de court – même ses alliés les plus proches – en présentant au Bundestag «un programme en dix points pour le dépassement de la division de l’Allemagne et de l’Europe»; un programme assez modéré il est vrai mais qui prévoit, à terme, la constitution d’une confédération entre les deux Etats allemands.

En Mars 1990, les premières élections libres dans l’ex-RDA donnent la majorité à la CDU qui prône la réunification et, le 1er Juillet, l’union économique et monétaire entre les deux pays entre dans les faits grâce à un Helmut Kohl qui, en mettant en place un taux de change de un contre un – entre le mark est-allemand et le deutchmark – offre un cadeau inespéré aux allemands de l’est.

Quand l’ex-URSS accepte que l’Allemagne réunifiée reste membre de l’OTAN, tous les obstacles sont alors levés et le succès remporté le 3 Octobre 1990 par la Démocratie chrétienne aux détriments de  la Social-démocratie d’Oskar Lafontaine, confèrera à tout jamais, à Helmut Kohl, le titre de « chancelier de l’unité ».

Enfin, après avoir réussi à réunifier les deux Allemagnes, «Herr Doktor» passera encore huit années au pouvoir ; « huit années de trop » diront aussi bien ses amis que ses détracteurs car marquées essentiellement par « une stagnation de la vie politique et un ajournement permanent des réformes » si bien qu’en étant usé par seize années à la tête de l’Etat, le «chancelier de l’unité» va ouvrir bien grandes les portes du pouvoir au gouvernement rouge-vert de Gerhard Schröder et Joschka Fisher.

Nabil El Bousaadi

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