Droit et Justice

La promesse unilatérale de contrat

«L’indemnité d’immobilisation bride la liberté de contracter

du bénéficiaire de l’offre»

La promesse unilatérale de contrat est une convention par laquelle une personne, le promettant, s’engage à conclure un contrat avec une autre personne, le bénéficiaire. Plus qu’une offre, il s’agit d’un contrat né de la rencontre de deux volontés, mais faisant naître des obligations seulement à la charge du promettant. Le bénéficiaire se voit offrir une option et il dispose d’un temps convenu pour donner suite ou non et conclure ou non le contrat définitif. Pour pallier le déséquilibre entre l’engagement ferme du promettant et la liberté totale du bénéficiaire, le promettant peut demander à l’autre partie de déposer une indemnité d’immobilisation si le contrat n’est pas conclu.

L’Indemnité d’immobilisation est une somme d’argent versée par un acquéreur lors de la signature d’une promesse unilatérale de vente. Elle permet de matérialiser son désir d’achat et de dédommager le vendeur dans le cas où il déciderait de ne plus acheter. Le montant de cette indemnité correspond généralement à 10 % du montant de la vente.

La promesse unilatérale de vente devient un contrat à titre onéreux lorsqu’il est prévu que le bénéficiaire devra s’acquitter d’une indemnité d’immobilisation. Généralement cette indemnité sera versée au moment de la signature de la promesse sur un compte séquestre ou le jour où le bénéficiaire décide de ne pas lever l’option, dans ce cas le promettant aura tout intérêt de prendre une caution ou une garantie à première demande pour s’assurer du paiement de cette indemnité.

La validité d’une telle indemnité a été admise depuis longtemps par la jurisprudence s’agissant de sa nature juridique la cour de cassation dans un arrêt du 5 décembre 1995 a considéré que cette indemnité d’immobilisation doit être analysée comme le prix payé par le bénéficiaire pour le service que lui rend le promettant en acceptant de ne pas vendre le bien à un tiers pendant le délai d’option. En d’autres termes l’indemnité d’immobilisation est le prix de l’exclusivité consentie au bénéficiaire et non une indemnité, tel que son nom l’indique, destinée à compenser le préjudice subi par le promettant qui a immobilisé son bien.

L’indemnité d’immobilisation doit être clairement distinguée de la clause pénale, de la clause de dédit, des arrhes et du dépôt de garantie. La clause pénale est la fixation forfaitaire des dommages et intérêts, elle peut être révisée par le juge. Il convient également de la différencier avec la clause de dédit qui constitue un droit de repentir unilatéral du contrat moyennant le paiement d’une somme d’argent.S’agissant des arrhes qui sont la possibilité des deux parties de se dédire, lorsque le professionnel se dédit il doit verser le double des arrhes au consommateur, à l’inverse le consommateur perd ses arrhes.

La cour de cassation dans un arrêt du 24 septembre 2008 vient d’adresser un avertissement de taille aux professionnels des transactions immobilières, notamment sur l’utilisation des clauses indemnitaires insérées dans les compromis de vente. La cour de cassation affirme en effet qu’une stipulation ayant pour objet d’assurer l’exécution de l’obligation de diligence mise à la charge de l’acquéreur dans sa recherche d’un prêt doit s’analyser comme une clause pénale même si le contrat qualifie improprement ce versement d’indemnité d’immobilisation. Le message est clair, au-delà de la dénomination conventionnellement choisie par les parties, le juge est tenu de vérifier les objectifs de la clause indemnitaire et le cas échéant de procéder à la requalification de la clause qui s’impose.

Cette décision est un coup d’arrêt à un usage abusif de la notion d’indemnité d’immobilisation dans les compromis de vente, les enjeux sont importants car il s’agit du pouvoir de la révision judiciaire.

Dès lors une question se pose pour le sort de l’indemnité d’immobilisation. Normalement il dépend de la décision prise par le bénéficiaire, si ce dernier lève l’option cette indemnité a vocation à s’imputer sur le prix de vente, en revanche s’il ne lève pas elle est acquise définitivement au profit du promettant. Cependant ce principe ne saurait suffire à régir l’ensemble des hypothèses rencontrées en pratique, en effet il y a des cas ou bien que l’option ne soit pas levée l’indemnité d’immobilisation doit être restituée au bénéficiaire, c’est le cas notamment lorsqu’il y a une défaillance d’une condition suspensive, en effet toute défaillance de la condition suspensive entraine la restitution de l’indemnité d’immobilisation au bénéficiaire même si celui-ci n’a pas levé l’option. Par ailleurs l’indemnité sera restituée lorsque le promettant a commis une faute comme un défaut de renseignement sur le bien vendu. Il en est de même lorsque la commune exerce son droit de préemption sur le bien, le bénéficiaire aura droit à la restitution.

Yassine Assila,

(avocat au barreau de Casablanca)

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Mercedes-Benz, Adidas et Gucci…des marques face à la contrefaçon !

 Maitre Elqa YassineDes offensives juridiques lancées ! Les grandes marques ne s’amusent plus lorsqu’il s’agit de la contrefaçon, elles recourent à la justice. Le même jour et à la même salle d’audience, le tribunal du commerce de Casablanca a rendu trois jugements en faveur de Gucci, Mercedes-Benz et Adidas. Des sentences accusent des commerçants de falsification et de concurrence déloyale dont les sanctions pèsent lourd.

La contrefaçon est le fait de reproduire ou d’imiter quelque chose sans en avoir le droit ou en affirmant ou laissant présumer que la copie est authentique, le fléau affecte tous les secteurs, le textile, le l’électrique et les pièces de rechange automobile…

En vertu de l’article 155 de la loi 17-97 relative à la protection de la propriété industrielle , « Sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s’il peut en résulter un risque de confusion dans l’esprit du public : a) la reproduction, l’usage ou l’apposition d’une marque, ainsi que l’usage d’une marque reproduite pour des produits ou services similaires à ceux couverts par l’enregistrement; b) l’imitation d’une marque et l’usage d’une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux couverts par l’enregistrement ».

En cas d’espèce, le fait de falsification est prouvé. Le juge a ordonné, lundi 2 avril, la cessation immédiate et arrêt de l’exposition et la commercialisation de tout produit portant des marques contrefaites ; la destruction de produits saisis et la publication du jugement sur l’un des journaux nationaux à la charge des coupables ; le payement d’un dommages-intérêts de 50.000,00 Dh ; et ce sous peine d’une amende de 5.000,00 Dh pour toute contravention enregistrée à postériori. La contrainte par corps est une mesure aussi prise par les magistrats pour forcer les intéressés à honorer leurs dettes. Selon Me. Elqa Yassine, avocat au barreau de Casablanca, ce genre d’affaires est devenu une monnaie courante. Assurant également la défense des intérêts des demandeurs, à savoir les deux marques Gucci et Adidas, Elqa Yassine, voit dans ce procès un indice d’efficacité de la machine judiciaire « Les jugements rendues traduisent la tendance des tribunaux du royaume à garantir plus de sécurité aux investisseurs. Le fait de voir de grandes marques mondiales sous la pitié de leurs imitations conduire, à la perte totale de confiance envers un système économique qui aspire à accueillir plus d’attractivité », affirme-t-il. Il poursuit que « certains coupables justifient leur position par leur bonne foi ainsi que par l’ignorance de la substantialité de la chose qu’ils commercialisent ». Sur ce point, il revient sur le célèbre adage « nul n’est censé ignorer la loi ».

Me. Elqa Yassine : «le contrefacteur est présumé de mauvaise foi»

«Le Maroc est conscient de l’indispensabilité de la protection de la propriété intellectuelle afin d’attirer les investisseurs étrangers.la législation en matière de lutte contre la contrefaçon de marques est en conformité avec les normes internationales et les dispositions de l’Accord ADIPIC (Aspects des Droits de Propriété Intellectuelle qui touchent au Commerce). Membre de l’organisation mondiale du commerce (OMC), le Maroc est doté d’un Institut national de la propriété industrielle auprès duquel des formalités doivent être accomplies afin d’obtenir une protection sur une marque : ‘’l’Office marocain de la propriété industrielle et commerciale (OMPIC) ‘’.

En réponse à une série de procès ont été intentés contre les producteurs et revendeurs de produits contrefaits, le tribunal de commerce prononcé des décisions très encourageantes, allant de la confiscation des produits au versement de dommages et intérêts. Les victimes de la contrefaçon peuvent à tout moment déclencher, en civil, la procédure judiciaire qui est de la compétence exclusive des Tribunaux de commerce. Cette procédure peut déboucher sur des sanctions civiles et pénales qui ont été renforcées dans le nouvel amendement de la loi 17-97. L’article 224 du Dahir du 21/11/2014 amendant la loi 17-97 relative à la protection industrielle, laisse le choix au propriétaire de droits entre une demande en dommages et intérêts majorés des bénéfices générés par le produit de la contrefaçon ou une réparation forfaitaire dont le montant est laissé à la discrétion du juge, mais ne pouvant être inférieur à 50 000 DH ni supérieur à 500 000 DH. En pénal, la condamnation varie entre un mois et une année de prison ferme, en plus d’une amende allant de 100 000 DH à 1.000.000 de DH.

La partie lésée doit apporter la preuve d’une atteinte à son droit suivant deux modes à savoir :

‑ La rétention en douane permettant à la victime de demander par écrit à l’Administration des Douanes et Impôts Indirects de retenir dans le cadre de ses contrôles les marchandises ; ce qui permet de conserver la preuve de la contrefaçon alléguée et de faire statuer rapidement l’autorité judiciaire.

‑ La saisie‑contrefaçon comme mode de preuve très employé. La demande se fait au moyen d’une requête présentée par un avocat auprès du Tribunal du commerce lequel autorise ou non la mesure. Cette saisie ne peut être exécutée que par un huissier de justice ou un greffier.

Quant à la destruction des objets reconnus contrefaits appartenant au contrefacteur ainsi que celle des dispositifs ou moyens destinés à la réalisation de la contrefaçon. Des sociétés spécialistes en destruction assurent la tâche dont la présence des autorités locales et d’un huissier de justice fait partie de la procédure !

Délit non intentionnel ! La contrefaçon des marques est qualifiée de délit matériel. Peu importe la bonne fois ou l’intention de celui qui commet la contrefaçon, la loi n’exige que la commission du fait répréhensible.Concernant l’élément moral, la jurisprudence marocaine pose en principe que le contrefacteur est présumé de mauvaise foi. La justification de cette règle est la suivante, l’utilisateur d’une marchandise ou un produit lorsqu’il est un professionnel a le devoir de s’informer pour savoir s’il peut librement en disposer. Cette présomption est simple. L’erreur de fait est inopérante lorsqu’elle est inexcusable, notamment s’il s’agit de professionnels».

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Acquittement de l’ancien président de la (MGPAP)

La Chambre criminelle chargée des crimes financiers près la Cour d’appel de Rabat, a acquitté mercredi, l’ancien président de la Mutuelle générale du personnel des administrations publiques (MGPAP) poursuivi pour détournement de deniers publics.

Le tribunal a également acquitté les autres personnes poursuivies dans cette affaire. La juridiction a décidé l’annulation de la peine d’appel de 5 ans de prison ferme prononcée contre Mohamed Faraa, ancien directeur de la MGPAP ainsi que la décision de saisie de ses biens et ceux des autres personnes poursuivies.

La chambre criminelle chargée des crimes financiers près la Cour d’appel de Rabat avait porté, le 25 avril 2012, de 4 à 5 ans de prison ferme la condamnation de l’ancien président de la MGPAP.
La Cour avait, cependant, abandonné les charges de « détournement de fonds et d’abus de pouvoir » qui pesaient sur l’accusé, condamné, en avril 2011, par la chambre criminelle près le tribunal de première instance à 4 ans d’emprisonnement dans la limite de 30 mois fermes, avec sursis pour le reste de la peine, et à une amende de 10.000 DH.

Notion : «La clause léonine»

Une « clause » est une phrase ou un ensemble de phrases contenues dans le texte d’un acte juridique (un contrat, un acte unilatéral, un jugement, une loi ou un règlement administratif) où sont définis les droits et les obligations des personnes concernées par cet acte. La clause d’un contrat est dite « léonine » lorsque les charges en sont supportées par une seule des parties alors que l’autre en tire tous les avantages.

En littérature, « Léonine » se dit d’un partage où quelqu’un se réserve la plus grosse part, la part du lion. Le terme « Clause léonine » signifie en l’espèce la clause d’un contrat par laquelle on se réserve la « part du lion». Dite aussi abusive, la clause léonine désigne toute disposition créant un déséquilibre absolu entre les parties, défavorable pour un contractant en faveur de l’autre partie, et qui attribue à un cocontractant des droits disproportionnés par rapport à ses obligations et qui met à la charge d’un associé la totalité des pertes.

Ce terme est en particulier utilisé lorsqu’il s’agit de définir une clause des statuts d’une société qui conduirait à mettre un associé dans une situation complètement disproportionnée. Ces clauses peuvent être établies au profit de l’associé, par exemple la clause qui attribue à un associé la totalité du bénéfice ou celle qui l’exonère de la totalité des pertes, mais ces clauses peuvent être aussi établies à son détriment, comme par exemple la clause le privant de sa part de bénéfice ou mettant à sa charge la totalité des pertes.

Il convient de rappeler que ce n’est pas l’inégalité qui est condamnée (certains types d’actions accordent à leur propriétaire des avantages particuliers) mais la disparité entre les situations des différents associés qui aboutirait en fait à nier l’existence de la société.

L’existence d’une telle clause dans un contrat ne le rend pas nul, la clause est seulement réputée non écrite.

Youssef Boukioud

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