Dès que le système scolaire grince, l’Etat croit savoir que c’est un problème de budgétisation. Il se précipite à financer des programmes palliatifs, en termes de mise à niveau des infrastructures scolaires, de dotation en équipements didactiques, de renforcement des bourses d’internats et de cantines, de soutien social au niveau des cartables et uniformes, de mise en place de réseaux de transport scolaire…
Des fonds additionnels sont alors alloués en vue de réactiver la machine qui constitue, en fait, l’une des priorités nodales des projets de développement de notre pays.
Cet effort non négligeable permettra, sans doute, d’atténuer les effets de la misère qui accompagne, depuis longtemps ce secteur, toujours au stade de l’expectative.
Cependant, suffit-il, dans les circonstances actuelles, d’injecter quelques dizaines de millions de dirhams dans les cellules fondamentales du corps scolaire pour espérer le décollage effectif de notre enseignement ?
Il est vrai que, compte tenu des diagnostics alarmants du conseil supérieur de l’enseignement, les résolutions dégagées ont particulièrement mis l’accent sur les pénuries budgétaires qui entravent foncièrement la vie scolaire sous ses divers angles. Les panacées urgentes sont donc allées droit vers la résorption des carences matérielles par le truchement de budgets sectoriels.
On ne peut alors que louer la promptitude et la sagacité de toutes ces mesures qui ont fait l’objet de longues et larges consultations au niveau des constituantes de la famille de l’éducation et de la formation. Toutefois, il faut bien dire que nombre de dysfonctionnements persistent encore dans la vie scolaire quotidienne.
En effet, les réformes préconisées depuis l’amorce de cette dernière décennie ont démontré, outre les déphasages enregistrés entre les réalités et les ambitions, leurs limites en termes d’intégration effective des apprentissages dans le système développemental de la nation.
Autrement dit, à côté des déficiences cumulées au niveau de la sécrétion des valeurs chez les apprenants en position conflictuelle par rapport à la société, les contenus curriculaires pour de meilleures adaptations aux profondes mutations sociétales, aspirant au projet démocratique et moderniste, ne répondent guère à ces changements opérants. On tentait de précipiter les meilleurs taux de scolarisation parmi les enfants, particulièrement en milieu rural, dans un souci, certes, de lutter contre l’illettrisme, mais sans tenir compte des enjeux décisifs des qualités assignées et des adaptations aux exigences de l’emploi.
Les dysfonctionnements ne tardaient pas de révéler encore une fois le désintérêt dont souffre l’enseignement technique, en tant que fer de lance dans un pays comme le nôtre résolument tourné vers l’essor des réseaux économiques, la profusion des disparités criantes entre les apprenants dont l’ascension pyramidale est défaillante, la croissance des déperditions scolaires, la dégradation du niveau d’assimilation et la détérioration de la vie scolaire face à ces faillites et les situations d’embrouillement dans lesquelles se débat le corps enseignant dont les mouvements de protestation, légitimes du reste, perturbent et affectent pareillement le déroulement des cours.
Au regard de toutes ces irrégularités, il est loisible d’avancer qu’il ne s’agit pas seulement de résumer la misère de l’enseignement en terme budgétaire, mais, aussi et surtout, en terme de choix et d’orientations politiques susceptibles de proscrire les inégalités, de produire des générations fortement armées capables de relever les défis de notre nation émergeante, de valoriser la recherche scientifique et l’enseignement technique… Il est bien clair que l’argent ne fait pas le moine.