Gare à la sourde oreille !

Révolte contre le marché de bétail de Hay Hassani

Les scènes et événements du marché de bétail de Hay Hassani, dans la périphérie de Casablanca, pris d’assaut par des citoyennes et des citoyens impuissants devant les prix inabordables des moutons, à la veille de la Fête du Sacrifice, sont là pour nous interpeller, tous. Pouvoirs publics, institutions et sujets appartenant à la Nation marocaine. Car il n’est plus facile que de jeter la pierre sur tout ce monde, sans faire la part des choses.

La logique et l’honnêteté veut d’abord que l’on ne s’attaque pas à autrui, à ses biens.

Cette évidence soulignée, il y a lieu de regarder la situation sans nous précipiter à jeter l’opprobre sur une tranche de nécessiteux que la politique met au banc de la société et que les pouvoirs publics ignorent comme «un Maroc inutile»…

Le scandale, c’en est un, puise son origine dans ces terreaux laissés pour compte qui n’ont comme seul droit à l’égalité que celui de comparaître comme tous les justiciables, devant des juridictions prêtes à faire passer le rouleau compresseur.

Autrement dit, l’Etat ne s’en occupe pas de ces «inutiles» et si jamais ils font «labssala» (des gaffes), le système répressif est là, omnipotent pour appliquer la loi.

Les personnes impliquées (j’imagine qu’elles sont plus que la vingtaine d’interpellées) n’ont pas, peut être, des circonstances atténuantes. Mais là c’est une autre paire de manches.

«Les guillotineurs» et les autorités

Indéniablement, la responsabilité des pouvoirs publics est avérée dans le pourrissement de la situation, en laissant les «channakas» (les guillotineurs) provoquer les sentiments religieux des pauvres gens en quête d’un mouton à prix raisonnable pour le sacrifice.

Et, pour preuve, «aucune plainte pour vol en relation avec l’affaire n’a été déposée», selon le communiqué de la DGSN faisant état de l’arrestation des 20 personnes suspectées de vol et violence ou jets de pierres.

Il faudra dire que, depuis le début de la pandémie, la cherté de la vie est sans aucune mesure. C’est l’anarchie des prix, sachant que les pouvoirs publics gardent le silence total sur les abus et les fraudes.

La pauvreté s’étend…

Ainsi, ce sont de nouvelles couches sociales, épargnées par le passé, qui subissent le feu brûlant de l’inflation volontairement causée par des milieux affairistes qui la contrôlent et l’organisent, souvent avec la complicité des autorités de contrôle.

Mais les éternelles victimes de la sourde oreille des gouvernants ne cessent de s’appauvrir et sortent demander la charité dans les rues.

La situation est grave, très grave. Il faudra y remédier immédiatement sans attendre, sous peine d’accumulation de la grogne et de l’explosion sociale qui peut en découler.

Ne minimisons pas les choses. Les démunis, les frustrés et tous ceux qui ne peuvent se résigner à la mendicité n’auront plus la faculté de choisir, de patienter et d’espérer des lendemains meilleurs, face à un gouvernement qui n’a cure de leur situation ni de leur avenir.

C’est une bombe à retardements qui peut exploser d’un moment à l’autre, face à la famine qui se propage à pas de géants.

Mais que faire dans une situation connue pour être trop pourrie ?

D’abord, il faudra communiquer coûte que coûte et reconnaitre les erreurs commises pendant de longues décennies. Ce ne sera pas un signe de faiblesse comme d’aucuns se hâteront à le dire. Au contraire, ce sera un message de grandeur et de réconciliation.

Ensuite, il faudra s’attaquer aux circuits de distribution des produits alimentaires, qui connaissent une flambée sans précédent, dont les intermédiaires et les contrôleurs administratifs et leurs réseaux tirent un profit gigantesque, au grand dam des petites bourses.

Les pouvoirs publics connaissent ces nids de véreux qui exploitent tous les marchés et s’enrichissent indument grâce à un système qui a instauré des lieux de non droit, complètement aux mains des spéculateurs de tous bords qui jouissent d’une protection de haut niveau, quand ces derniers ne détiennent pas des postes de responsabilité.

Il faudra en finir avec la sourde oreille et passer à l’action contre les suceurs de sang des pauvres gens.

Pour l’alerte de Hay Hassani, le vandalisme est venu en réaction aux prix fortement exagérés que les spéculateurs ont pratiqué sans que les autorités de contrôle ne réagissent, laissant les citoyens face à des individus sans loi ni foi.

Car le silence des autorités est perçu comme un signal d’encouragement aux spéculateurs pour poursuivre leurs œuvres qui restent impunies.

Assainir tous les circuits de distribution

Ceci est valable pour tous les marchés à commencer par celui du poisson, des légumes, des fruits, etc. devenus de véritables lieux de tous genres de trafics, de spéculation et de mainmise sur les prix.

Donc la solution passe par la lutte contre le système de rente et de corruption, solidement instauré, à force d’accumulations négatives et face au laxisme complice. Il faudra libérer le circuit des mafias qui y règnent sans partage.

Pour rappel, le Ministère de l’Intérieur s’était opposé, par un passé récent, à un projet de loi destiné à la réforme des marchés de gros… C’est là toute la problématique inexpliquée…

Le Maroc et la population nécessiteuse devront-ils subir, sans réagir, ce boulet qui n’a aucune raison d’exister ?

Aujourd’hui, il faudra revenir à la mission initiale des marchés de gros et des circuits de vente afin d’assurer la réalité et la qualité des prix, qui ne doivent plus faire supporter au consommateur «l’enveloppe de la corruption»…

Car, il est inconcevable qu’un producteur vende, par exemple, son produit à moins d’un dirham le kilogramme pour que le même produit arrive à la vente au détail à 5 ou 6 dirhams, voire plus. Idem pour le reste des produits, tous prix confondus.

L’agriculteur, le petit, et le consommateur ne doivent plus demeurer ainsi d’éternelles victimes, au grand bonheur des intermédiaires spéculateurs.

Mohamed Khalil

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