Journal d’un cinéphile

mettre de l’ordre dans cette pléthore d’images, en distinguant bien entendu le bon grain de l’ivraie, mais aussi en mettant l’accent sur quelle vision du monde nous renvoie en filigrane ce riche kaléidoscope, et ce grâce au recul et à la perspicacité inhérents à toute démarche de rétrospective.

Le national à Tanger…
Calendrier oblige, c’est par le cru national que commence l’année chez le cinéphile marocain. Ainsi, grâce au festival national du film qui s’est tenu courant février passé à Tanger, on a pu apprécier pas moins d’une vingtaine de films embrassant des genres et des thématiques très variés. De belles découvertes étaient au rendez-vous, à commencer par l’excellent «Les chevaux de dieu» de Nabil Ayouch. Un tour de force maîtrisé de bout en bout qui a su s’armer de la distance et la sobriété nécessaires pour étayer un propos épineux. Le casting y était pour beaucoup comme dans tous les films d’Ayouch. L’édition a également révélé un talent prometteur en la personne d’Abdeslam El Kelai qui a pu, à travers l’histoire poignante de la jeune mère célibataire protagoniste de son premier long métrage «Malak», brosser le tableau d’une société qui n’arrive pas à trancher entre le choix de la modernité et les démons de la pensée traditionnaliste. D’autre part, deux auteurs ont confirmé par deux belles œuvres leur engagement dans une veine esthétique claire et déterminée : Noureddine Lakhmari avec « » et Hakim Belabbes avec «Vaine tentative de définir l’amour». Sans oublier quelques perles matérialisées notamment par deux premiers films très personnels dans leurs sensibilité mais hautement sincères par leur portées à savoir: «Khoya» de Kamal El Mahouti et «Chroniques d’une cour de récré» de Brahim Fritah.

L’Africain à Khouribga
En juin, on avait notre incontournable rendez-vous avec les films du continent-mère à l’occasion de la 16e édition du festival du cinéma africain de Khouribga. La sélection a démontré un élargissement palpable de la cartographie cinématographique africaine malgré les entraves structurelles qui embourbent la production des pays subsahariens en particulier. A retenir, en plus de «Malak» qui a représenté le Maroc, l’émouvant périple des immigrés clandestins brillamment porté à l’écran par Moussa Touré dans «La pirogue», ainsi que le premier film de la réalisatrice burkinabé Appoline Traoré, «Moi Zaphira», qui retrace un sincère portrait en noir et blanc d’une mère qui peine à élever sa fille au milieu d’une société patriarcale. Sans oublier la magnifique métaphore de la lutte des pouvoirs à travers le conte d’une ville exclusivement peuplée par les enfants dans «La république des enfants» du bissau-guinéen Flora Gomes.

L’international à Marrakech…

Quoi de plus beau pour clôturer une année cinéphile que d’assister à une 13e édition du Festival international du film de Marrakech organisée sous le signe de la présence de personnalités marquantes à toutes les rubriques du programme! À commencer par le jury présidé par Maître Scorsese en personne. Un jury qui a eu à départager une sélection où aucun film ne s’est nettement démarqué du lot. Nous retiendrons surtout, en plus du film sacré Etoile d’or: Han Gong-Ju de Lee Su-Jin, The swimming Pool (66 minutes) du Cubain Carlos Machado Quitela qui a fait preuve d’un travail remarquable sur la dichotomie espace-temps et un découpage technique magistral en suivant quatre handicapés qui passent une après-midi à la piscine. Andrea Pallaoro, réalisateur de Medeas, a également brillé par sa réalisation épurée maniant plans fixes et cadres décalés au service d’un récit qui distille au goutte-à-goutte le destin tragique d’une famille texane. Mention spéciale pour deux autres films marquants: Fièvres de Hicham Ayouch et The Wishful Thinkers de l’Espagnol Jonas Trueba.
Hors compétition, nous avons eu le plaisir d’admirer le très attendu «C’est eux les chiens» de Hicham Lasri. Un deuxième film qui a tenu toutes ses promesses et confirmé le grand talent de son réalisateur (nous y reviendrons en détail).
Trois magnifiques films réalisés par trois grands réalisateurs ont par ailleurs merveilleusement agrémenté nos soirées à Marrakech: «The Zero Theorem» de Terry Gilliam, «Like father, like son» de Kore-Eda Hirokazu (Prix de jury à Cannes) et «The Immigrant» de James Gray…

Top 10  de l’année 2013

– The Grandmaster de Wong Kar-Wai
– Wadjda de Haifaa Al Mansour
– Gravity d’Alfonso Cuarón
– La Chasse de Thomas Vinterberg
– Room 237 de Rodney Ascher
– Le passé d’Asghar Farhadi
– Journal de France de Raymond Depardon  et Claudine Nougaret    
– Mud de Jeff Nichols
– Stoker de Park-Chan Wook
– Monsters University de Dan Scanlon

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