La couverture sociale toujours trop masculine

Le tableau brossé par le ministère de l’Emploi et l’ONU femmes sur l’accès à la couverture sociale confirme la discrimination à l’égard des femmes. Une étude réalisée dans ce sens révèle une série d’inégalités et pointe surtout les défaillances de la réglementation en matière de sécurité sociale.

Le document revient notamment sur les prestations et modalités de leur attribution gérées par la CNSS et le secteur mutualiste. Il en découle des disparités formelles, en l’occurrence le statut familial qui conduit à des différences entre les droits des conjoints. L’étude dénonce notamment l’impossibilité pour une mère salariée de rattacher ses enfants à sa propre couverture lorsque le conjoint n’est pas assujetti à un organisme de sécurité sociale. Sur ce registre, il convient de rappeler que l’enfant peut être rattaché à la couverture de sa mère si elle en a la garde ou si l’époux n’est pas soumis à l’obligation de s’assurer. La liste des disparités citées dans l’étude est encore longue. Parmi elles, la ségrégation selon le genre adoptée par le Ramed qui adopte également le statut familial dans la mesure où c’est le mari présumé chef du foyer qui est l’attributaire du droit à l’assistance sociale.

Si les femmes salariées font face à des disparités en matière de couverture sociale, celles qui ne jouissent pas du statut de salarié subissent davantage les affres du système. L’étude s’arrête sur trois catégories : les travailleurs domestiques, les employés occasionnels et les personnes employées par leur conjoint. Le constat établi est sans appel. En cause, l’absence d’un texte réglementaire permettant de répondre à leur spécificité. Ces catégories semblent constituer les oubliées du législateur puisque leur désignation explicite par le dahir de 1972 de la CNSS tend à les présenter comme une catégorie résiduelle dont l’inclusion est suspendue à l’adoption de décrets d’adoption. Toutefois, il convient de rappeler qu’un projet de loi sur les travailleurs domestiques a déjà vu le jour. Le texte, actuellement au niveau du Parlement, ne fait pas l’unanimité en raison de l’âge minimal fixé à 16 ans. Même les rédacteurs de cette étude considèrent que ce projet de loi accuse la dualité normative en matière d’inspection, de salaire, de santé et de durée de travail. Selon eux, le législateur estime que le coût de la législation du travail n’est pas supportable par une grande partie des employeurs. Ce qui expose cette catégorie à une faible protection sociale, indique-t-on.  Autrement dit, l’extension du système de couverture sociale à cette catégorie se heurte à l’obstacle de la soutenabilité de sa charge par les employeurs et de sa gestion par la CNSS compte tenu de la volatilité de ce type d’emploi et de l’opacité des revenus. Le ministère de l’Emploi et son partenaire ONU Femmes font preuve de pragmatisme. Ils affirment que l’assujettissement des travailleurs domestiques dans de telles conditions risque de leur faire supporter les cotisations sans leur garantir pour autant les prestations correspondantes.

La catégorie des travailleurs occasionnels font face aux mêmes difficultés juridiques. Il s’agit en fait des personnes qui travaillent moins de 10 heures par semaine. L’obstacle semble résider dans les difficultés d’identification de leurs employeurs et de gestion de cotisations jugées modestes. De même, les personnes employées par leur conjoint soulèvent la même problématique. Il s’agit en fait des personnes qui travaillent sous le statut d’aides familiaux et dont le nombre s’élève à 2,4 millions dont les femmes constituent les trois quarts. Le ministre de l’Emploi et de des affaires sociales reconnait ces défaillances. Pour Abdeslam Seddiki, «les dispositifs de la protection sociale n’offrent pas encore une couverture suffisante des besoins». Il qualifie d’ailleurs l’organisation actuelle de la sécurité sociale de «composite» et estime que la structure institutionnelle hétérogène ne favorise pas la cohérence d’ensemble du système. Au-delà des disparités en matière d’accès à la couverture sociale, le ministre reconnait d’autres inégalités. Il cite, entre autres, les écarts de revenus, les difficultés d’accès des femmes à la justice et leur forte exposition au chômage.

Hajar Benezha

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