L’Agriculture marocaine et ses paradoxes

De l’avis de plusieurs experts, le secteur agricole est jonché de paradoxes qui expliquent sa situation jugée peu réjouissante. En dépit des différentes réformes engagées depuis l’indépendance, le secteur peine à jouer le rôle de locomotive économique et est encore en mal de compétitivité et de diversification.

Aujourd’hui encore et en dépit de la mise en place du Plan Maroc Vert et la signature de l’accord de libre-échange agricole avec l’Union Européenne, la valeur ajoutée de l’activité agricole reste fortement dépendante des aléas climatiques et de la clémence du ciel. La sécheresse cyclique est devenue une donnée structurelle et son impact sur le rendement agricole et par conséquent sur l’économie nationale, est de plus en plus pesant, au moment où le pays est sous la menace d’un stress hydrique chronique. La question est aujourd’hui de savoir si le Maroc est vraiment un pays à vocation agricole. Sur le terrain, tout porte à croire que ce n’est pas le cas.

En fait, la classification des secteurs productifs se caractérise par une structure inversée, tertiaire, primaire, industrie. Or, on devrait, dans le cadre d’une économie à vocation agricole, tel qu’on le répète partout, avoir une structure inversée 2/1/3 ou 2/3/1.

La part de la valeur ajoutée agricole dans le PIB national varie selon les années. Elle s’élève à 20% quand l’année agricole est bonne et revient à 10 ou 9% en période de vache maigre.   Conséquence : les graphiques économiques du PIB marocain sont en dents de scie et compromettent toute projection économique long-termiste.

L’autre paradoxe renvoie au fait que le Maroc n’est pas un pays à vocation agricole mais plutôt un pays où plus de 45% de la population sont des paysans qui vivent d’une agriculture dite de subsistance. De plus, le pays est géographiquement situé dans une zone climatique semi-aride caractérisée par une grande irrégularité des précipitations d’une année à l’autre.

Enfin, et sur les 770.000 km², le pays ne dispose que de 9 millions d’hectares de surface agricole utile (SAU), qui reste marquée par une répartition inégalitaire des terrains. Une minorité de propriétaires terriens possédant la grande partie des terres agricoles utiles, contre une majorité écrasante ne disposant que de petits lopins de terres.  Une simple division donne une moyenne de 6 hectares par personne. On est loin du seuil minimum de l’exploitation nécessaire pour subvenir décemment aux besoins élémentaires d’un ménage moyen.

Par conséquent, l’exode rural est devenu un phénomène structurel. Il est, aujourd’hui grand temps, pour l’Etat, de prendre conscience de la nécessité de trouver une solution à tous ces paradoxes.

Les statistiques les plus récentes montrent que plus de 13 millions de Marocains vivent dans le monde rural et doivent exploiter cette Surface Agricole Utile (SAU). A cela s’ajoute la grande disparité au niveau  du foncier puisque une minorité de Marocains  possède la grande partie de la SAU. Une simple division donne une moyenne de 6 hectares par personne. On est loin du seuil de l’exploitation minimale nécessaire pour faire vivre une famille.  Par ailleurs, d’autres phénomènes socioéconomiques plombent le secteur. C’est le cas de la prédominance des intermédiaires et la sous-information des consommateurs.

Un mode de production libéral et capitaliste

Dans un mode de production libéral et capitaliste, le fellah reste le maillon le plus faible de toute la chaine.  Ce qui aggrave la situation, c’est qu’il est aussi consommateur et qu’il est obligé lui-même d’acheter au prix fort certains produits que lui-même produit et commercialise à des prix faibles.  Même quand il s’agit du blé ou de l’orge qu’il achète au prix du marché alors qu’il les a vendus au tarif bradé. La question  qui se pose est de savoir  qui tient compte de ces prix fixés et qui tire profit des ces prix plafonnés. Lorsque la situation est défavorable, les intermédiaires n’hésitent pas à massacrer les autres. C’est valable aussi bien pour  la production céréalière, que légumineuse et l’élevage.

L’Etat qui se désiste

Dans le passé, l’Etat intervenait sous forme de «warrantage», d’aides directes aux agriculteurs et des prix fixés à l’avance, notamment du blé. Aujourd’hui, les experts constatent un désistement de l’Etat, imposé par le FMI. Depuis 1984 avec le PAS (Plan d’Ajustement Structurel), l’Etat a laissé tomber le secteur, notamment en termes de formation des paysans, de mise en valeur et de vulgarisation agricole ainsi qu’en matière d’organisation et d’aide directe.

Bien que le Fonds monétaire international (FMI) ait renié ses positions, l’Etat est aujourd’hui incapable d’agir. Les paysans se sont habitués à ne pas compter sur lui et de toutes les façons, l’Etat, lui-même, n’a pas les moyens pour intervenir de manière directe et efficace.

Fairouz El Mouden

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