Le développement inachevé

par Mustapha Labraimi

De même que la sortie de la crise multiple du covid 19 a été marquée par un débat sur les nombreuses possibilités qui s’offraient alors au royaume pour reprendre la main sur les dysfonctionnements ayant marqué ses politiques publiques antérieurement à la pandémie, l’après-séisme suscite des discussions du même genre.

Des interrogations pour certains qui croyaient que l’ensemble du territoire national était à l’image, disons, de Sidi Bennour entre autres agglomérations, pour souligner les avancées réalisées grâce à l’effort public et qui, en quelques décennies ont transformé un souk hebdomadaire en ville, chef-lieu de la province du même nom.

La découverte des disparités spatiales in situ par les marocains solidaires des sinistrés du séisme, survenu dans le Haouz de Marrakech et environs, est devenue plus choquante que les inégalités sociales que subissaient les autochtones. Autant elles entravaient l’avancée des secours et l’acheminement de l’aide, autant elles donnaient à réfléchir.  

Ce constat n’est pas nouveau. Hérités du protectorat français qui s’intéressait à l’exploitation des ressources selon son approche du Maroc utile au détriment de ce qu’il considérait comme inutile, ces « écarts territoriaux » subsistent encore en dépit des efforts dispensés pour faire « asseoir les bases d’un développement territorial équilibré ».

Après d’autres rapports et études sur le sujet, celui concernant le fantomatique « Nouveau Modèle de Développement » relève avec force que « ces écarts (se)sont aggravés par une répartition inégale des infrastructures économiques et sociales, et par la difficulté à attirer ou à garder les compétences et les talents dont elles ont besoin. Ils reflètent également une faible capacité à exploiter au mieux les potentiels des territoires, en lien avec des retards et des résistances à la territorialisation des politiques économiques et au transfert vers les régions des compétences relatives aux services publics. ». Tout est dit et tout reste à faire.

C’est dans ce « Que faire ? » comme disait l’Autre que réside le nœud à défaire.

Le développement reste inachevé tant que l’homme, au sens taxonomique du terme, ne vit pas dans la dignité en symbiose avec les éléments de son environnement.

Une dignité qui lui permet d’affronter l’adversité quelle qu’elle soit. Une dignité qui lui permet de rester debout par sa santé, son savoir et la maîtrise de ses applications ; une dignité qui le rend libre de ses choix et non aliéné. Une dignité qui le rend apte à assumer ses responsabilités envers lui et envers la société.

Cette volonté de « Libérer les énergies et restaurer la confiance pour accélérer la marche vers le progrès et la prospérité pour tous » que l’ensemble des marocains partage doit trouver son expression dans la reconstruction des zones sinistrées et ailleurs. Elle ne peut se réaliser réellement que dans la consolidation du processus démocratique dans tous ses aspects, la promotion des libertés et la justice sociale et spatiale.

C’est aussi par cette volonté que l’on trouvera les moyens nécessaires à l’accomplissement de ce développement malgré les contraintes conjoncturelles inhérentes à ce monde en crises. Qui peut le plus, par le don et la solidarité, dans des circonstances marquées par l’érosion du pouvoir d’achat, la cherté de la vie et une gouvernance des affaires publiques entachée par plusieurs dysfonctionnements, est capable de transcender sa sobriété pour le bien général et la participation de tous dans cet effort civilisationnel.

Notre peuple est prêt à se mobiliser, comme il l’a démontré après le tremblement de terre, pour l’aménagement des territoires et l’émancipation des femmes et des hommes, là où ils se trouvent, dans le respect des fondamentaux du royaume et le respect des « facteurs non économiques du développement » qui leurs sont spécifiques. Un développement inclusif, durable et égalitaire, en phase avec la modernité et productif de progrès et de prospérité pour tous.

Il est temps d’achever notre développement.

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