Considérant que terroriser la presse est un crime contre l’humanité et une atteinte à ce bien précieux qu’est la libre expression des pensées, des opinions et des faits, Reporters Sans Frontières, Amnesty International et diverses autres associations de moindre importance brandissent bien haut l’étendard de la défense de «la liberté de la presse» en s’appuyant sur la Déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen qui, en reconnaissant implicitement que le journalisme est un combat fondamental contre les exactions de toutes sortes dont pourrait être victime un être humain dans n’importe quelle région du monde stipule, en son Article 11,que la libre communication des opinions est un droit qui, en tant que tel, est opposable à tous et en tous lieux.
Ainsi, fort de cette disposition qui lui confère toute latitude pour informer ses concitoyens, le journaliste, voulant toujours aller au plus près des évènements,va, de lui-même, au-devant des mêmes risques que ceux encourus par la population locale et ce, alors même qu’en tant que témoin gênant il peut être doublement pénalisé, torturé et/ou enfermé dans le meilleur des cas ou assassiné pour qu’il se taise à jamais…
Si l’on en croit le rapport annuel élaboré par Reporters Sans Frontières, 787 journalistes ont été tués, de 2005 à ce jour et ce, soit dans l’exercice de leurs fonctions, soit du simple fait de leur qualité de détenteurs d’informations ; ce qui a fait dire à Ban Ki-Moon : «Je suis profondément inquiet par l’incapacité à réduire la fréquence et l’ampleur des violences ciblées auxquelles sont confrontées les journalistes et l’impunité presque absolue pour de tels crimes».
Ainsi, pour Reporter Sans Frontières, l’assassinat, en 2015, de 110 journalistes; à savoir, 18 tués dans l’exercice de leur fonction, 49 sciemment visés et 43 liquidés sans motifs clairement déterminés, révèle que nous nous trouvons en présence d’une violence délibérée contre les journalistes et de l’échec de toutes les initiatives qui viseraient à protéger ces derniers.
Dans son rapport annuel de 2015, RSF parle également de 54 journalistes retenus en otage tout en rappelant qu’en 2014 ils n’étaient que 40 avec, toutefois, un nombre d’enlèvements beaucoup plus important.
Mais si en 2014, la majorité des journalistes assassinés de par le monde, l’ont été dans des zones de conflit, la tendance s’est inversée en 2015 et sur les 67 journalistes tués en raison de leur profession,la plupart des victimes sont tombées loin des territoires en guerre, classant ainsi la France en 3e position suite à ce qu’il a été convenu d’appeler l’attentat contre Charlie-Hebdo. Ce qui a poussé le Directeur de ce périodique à dire après l’assassinat de ses collaborateurs : « nous n’avons jamais envoyé de journaliste en zone de guerre (alors) le 7 janvier, c’est la guerre qui est venue jusqu’à nous.»
La mort non élucidée de 43 journalistes intervenue en 2015 dans des pays où toute enquête est difficile quand elle n’est pas carrément interdite, démontre aussi et de manière très claire,que, dans de nombreuses régions du monde, l’impunité est toujours de mise.Raison pour laquelle, soucieuse de veiller à la protection des journalistes, RSF a adressé au Conseil de Sécurité et à l’Assemblée Générale des Nations-Unis, un mémorandum recommandant, à la fois, la création, auprès du Secrétaire Général, d’un poste de représentant spécial sur la protection des journalistes chargé de contrôler le respect par les Etats-membres de leurs obligations en matière de Droit International et la saisie de la Cour Pénale Internationale par le Conseil de Sécurité chaque fois que des journalistes sont assassinés à cause ou à l’occasion de l’exercice de leur fonction.
De son côté, le «Committee to Protect Journalists», organisation américaine indépendante de défense des droits des journalistes parle, quant à lui dans son rapport annuel de 2015, de l’assassinat de 69 journalistes dans l’exercice de leur fonction ou du simple fait de leur fonction de journalistes.
Et le CPJ de préciser, en outre, que 40% de ces meurtres sont imputables à des groupes radicaux tels que l’Organisation de l’Etat Islamique et Al Qaïda.
Enfin, en précisant que les pays, qui ont été les plus meurtriers pour les journalistes durant cette année qui s’achève, ont été respectivement l’Irak, la Syrie, la France, le Yémen, le Soudan du Sud, l’Inde, le Mexique et les Philippines. Reporter Sans Frontières évoque, également, l’assassinat de 27 journalistes-citoyens (blogueurs) et de 7 collaborateurs de médias.
Nabil El Bousaadi