Le malaise de la société marocaine!

Quelle leçon peut-on tirer de l’affaire Mohcine Fikri, à quelques jours de son déclenchement ? Certes, on a beau tenter, en vain, d’en faire le déclic qui génère la révolte collective, semblable à celui du marchand ambulant, immolé en Tunisie. Il n’en demeure pas moins que l’incident s’est limité à marteler brutalement l’atteinte à la dignité du citoyen marocain. Toutefois, il faut bien se rendre à l’évidence  qu’on est passé juste à côté d’un réel affaissement massif, puisque d’autres slogans incitateurs à la mutinerie populaire, ont été énergiquement brandis.

Il est également vrai que ces insurrections soulevées, notamment à Al Hoceima, lieu du trépas malheureux, ainsi que dans d’autres régions du royaume, sont manipulées par des activistes malveillants, à la solde des courants extrémistes. Cependant, il importe de reconnaître que le malaise contagieux s’établit et se propage, à chaque fois qu’une victime tombe sous les tentacules de l’humiliation et de l’injustice. Aujourd’hui, c’est bien Mohcine, quel que soit les dessous de son malheur, mais il y en a eu beaucoup par le passé et il y en aurait encore plus dans l’avenir. Et c’est là le grand danger qui guette constamment la stabilité fragile de notre pays.

Le malaise ne vient pas tout seul. Il est la résultante inévitable de comportements despotiques et césariens des agents de l’autorité et de l’administration. Depuis qu’on persiste à bafouer les lois en vigueur, à assurer l’impunité aux fils des notabilités qui commettent des délits grossiers, à transgresser les droits et piétiner les intérêts légitimes des pauvres, à continuer à corrompre, au grand jour, les commis de l’Etat, partout dans les espaces publics, à affecter l’opération votative par l’argent souillé et le Caïd soudoyé…

Jusqu’à présent, il est question de soulèvements populaires qu’on peut plus ou moins facilement « réprimer », souvent par la réplique musclée des services d’ordre, sans gros dégâts, pour la plupart. Mais, il s’avère que les populations en ont raz le bol, de ces attitudes irascibles qui sont devenues monnaie courante, un peu partout dans le quotidien du vécu marocain. On est aussi tenté de dire que ces accrocs qui surgissent, de temps à autre, comme celui de Mohcine, ne sont, en fait, que l’étincelle qui attise l’émeute dans les rues. Il viendrait, certainement, un jour où la sédition s’enflamme d’elle-même, sans atomiseur.

La société marocaine est morose et coléreuse face à ces manies scandaleuses qui ne cessent de s’opérer en public, alors qu’on ne cesse pas, non plus, de lui faire avaler, non sans mépris et dédain, qu’on a confectionné pour elle, le plus étoffé texte constitutionnel que l’on puisse imaginer. La révolution ravageuse tient alors sur un bout de fil, si on continue à sous-estimer, à chaque fois, ces agitations qui s’enflamment, par-ci, par-là, à cause de ces conduites indignes. Jusqu’ici, on fait l’exception par rapport à nombre de pays de notre entourage. Mais, on n’est pas du tout à l’abri de leur sort lugubre, tant qu’on n’a pas encore préservé la dignité des citoyens les plus défavorisés et proscrit ces vices de notre vie quotidienne !

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