Le Salvador adopte le « Bitcoin » comme monnaie officielle

Attendons pour voir…

Sous l’impulsion de son président Nayib Bukele, le Salvador va être le premier pays au monde à adopter le bitcoin en tant que monnaie officielle à côté du dollar américain. Or, à en croire « La Prensa Grafica », le plus grand quotidien du pays, dans son édition de jeudi, tous les salvadoriens ne soutiennent pas cette initiative bien que le gouvernement se soit efforcé de les rassurer en leur rappelant que cette utilisation restera facultative.

L’objectif avoué du président salvadorien qui déplore le fait que, dans son pays, où le dollar américain sert de monnaie officielle, « 70% de la population n’a pas de compte en banque et travaille dans l’économie informelle », est de générer des emplois et de « permettre une inclusion financière à des milliers de personnes qui sont en dehors de l’économie légale » alors même que les transferts d’argent des salvadoriens installés à l’étranger, à leurs familles restées au pays, représentent 22% du Produit Intérieur Brut (PIB).

Pour Nayib Bukele, l’utilisation du « bitcoin » qui est un actif décentralisé, sans connexion directe avec l’économie réelle et qui repose sur la technologie du « blockchain » – une technologie de stockage et de transmission d’informations transparente et sécurisée qui, en fonctionnant sans aucun organe central de contrôle se trouve, désormais, au cœur de la finance décentralisée –  va permettre aux détenteurs de « bitcoins » de s’échanger des fonds sans intermédiaires donc sans qu’ils soient tenus de s’acquitter de frais de transferts conséquents.

Bien que très volatile, le « bitcoin » constitue, ainsi,  « le moyen le plus rapide » pour faire parvenir des milliards de dollars aux salvadoriens de l’intérieur du pays à qui ils sont destinés tout en évitant qu’une bonne partie de cette somme n’aille dans les poches d’intermédiaires et, comme l’avait soulevé, dans son intervention, lors du « Bitcoin 2021 », Jack Mallers, le fondateur de « Strike », son utilisation, parallèlement au dollar américain, va, également, permettre de réduire l’impact des « potentiels chocs » de l’inflation des monnaies traditionnelles.

Si donc, comme a tenu à le préciser le président Nayib Bukele, en étant effectués en « bitcoins » ces mouvements de fonds ne seront pas assujettis au prélèvement de frais de transfert pouvant atteindre jusqu’à 10% du montant transféré, il est alors certain que « les sommes perçues par plus d’un million de familles à faibles revenus augmenteront de plusieurs milliards de dollars chaque année ».

Le quotidien salvadorien « La Prensa Grafica » ajoutera, néanmoins, que même s’il est indéniable que la décision prise par le gouvernement du président Bukele aura des effets bénéfiques pour l’économie salvadorienne en ce sens que le bitcoin facilitera les transferts d’argent depuis et vers l’étranger, les griefs qu’avancent les salvadoriens pour désapprouver cette mesure sont nombreux.

Il  s’agit, notamment, d’une profonde méconnaissance de l’utilisation des crypto-monnaies, d’un manque flagrant d’informations, de l’avantage écrasant du dollar face à l’instabilité du bitcoin et, enfin, des nombreux risques d’«arnaques » auxquels la crypto-monnaie pourrait donner lieu dès lors qu’elle n’est pas « une monnaie mais un actif hautement spéculatif et décentralisé (…) qui n’est régulé par aucun Etat».

Ainsi, dès demain, mardi 7 septembre 2021, le «bitcoin » circulera virtuellement au Salvador en parallèle avec le dollar après que l’Etat ait promis d’offrir 30 dollars américains à tout citoyen qui acceptera de télécharger l’application « Chivo » («super», en langage familier) qui lui permettra de régler ses achats grâce à cette nouvelle monnaie, que 200 distributeurs automatiques permettant d’échanger des dollars contre des bitcoins sont en cours d’installation et que le pays ait confirmé la mise en place d’un fond de 150 millions de dollars pour garantir la convertibilité entre le Bitcoin et le dollar.

Mais tout ceci n’a pas empêché plusieurs centaines de salvadoriens de battre le pavé aux abords du siège du Parlement, en scandant, à l’unisson, «Non au bitcoin» avec l’espoir d’obtenir le retrait de la loi y afférente adoptée en Juin dernier.

Parviendront-ils à obtenir satisfaction ? Certainement pas au vu de la détermination d’un président convaincu des multiples avantages «réels» que ses concitoyens tireront de l’utilisation de cette monnaie virtuelle mais attendons pour voir…

Nabil El Bousaadi

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