Les avoirs financiers liquides privilégiés et la dette immobilière prépondérante

Finance des ménages

Par Fairouz El Mouden

La situation financière des ménages marocains au cours de l’année 2020  ne s’est pas détériorée malgré les effets de la crise Covid-19.  La baisse des revenus constatée en cette période ne s’est pas traduite par une dégradation du patrimoine financier des ménages qui a été marqué par une consolidation des dépôts bancaires et par la baisse de la consommation finale à cause, en grande partie des mesures de confinement sanitaires.

Cette même  période  a connu la poursuite de la décélération de la dette des ménages liée à la consommation et une hausse modérée des crédits à l’habitat, indique le rapport sur la stabilité financière publié  conjointement avec Bank Al Maghrib, l’ACAPS et l’AMMC. Aussi, « les tensions financières comme le niveau des créances en souffrance et le report de paiement suite au retard dans le remboursement de leurs prêts reflètent une détérioration de la qualité du portefeuille des ménages en lien avec la dégradation de l’activité économique…

En effet, en dépit du contexte de crise, la consolidation du patrimoine financier des ménages s’est poursuivie en 2020. «Il a totalisé ainsi 876 milliards de dirhams, constitué dans sa grande proportion de dépôts bancaires13 à hauteur de 82,7%, suivi des placements en assurance vie et des actifs sous forme de valeurs mobilières, avec des parts respectives de 10,8% et 6,5%». Ainsi, globalement, les ménages marocains ont historiquement privilégié la détention des avoirs financiers liquides, de moindres risques, note le rapport.

Aussi, on note que les restrictions sanitaires et de déplacements ont poussé les ménages a accumulé des dépôts auprès des banques qui ont enregistré une progression vigoureuse de 5,5% (soit un additionnel de 38 milliards de dirhams) après 4,4% en 2019 et 3,7% en 2018. Les dépôts des résidents représentent 74% du total des dépôts des ménages et la proportion des dépôts des Marocains Résidents à l’Etranger (MRE) s’est maintenue autour de 26%, en hausse de 2,6%.

Pour leur part les dépôts en devises des particuliers résidents ont progressé de 12,8%, après 2,8% en 2019, leur part dans le total des dépôts des particuliers résidents demeure toutefois, limitée à 1,1%. « Par catégorie, les dépôts à vue, formant la principale composante avec une part de 63%, ont connu une accélération de 10% (totalisant 456 milliards de dirhams) contre 4,9%, alors que les comptes d’épargne, représentant 23% des dépôts, ont nettement décéléré, leur croissance s’étant établie à 1,9% après 4,7% en 2019, soit 166,5 milliards de dirhams ».

Cette évolution reflète, par ailleurs, que les dépôts à terme se sont de nouveau contractés de 6,4%, soit un retrait de 6,5 milliards de dirhams en une année. Cette évolution s’expliquerait, entre autres, par la tendance baissière des taux d’intérêt rémunérant les dépôts à terme. En 2020, les taux moyens pondérés des dépôts à 6 mois et 12 mois se sont établis respectivement à 2,56% et 2,87% après 2,72% et 3,01% en 2019 et 2,77% et 3,09% en 2018.

Du côté des placements des ménages sous forme de contrat d’assurance vie, une progression de 9,1% en 2020 après 12,4% une année auparavant a été constatée. Ce type de placements reste attrayant en raison de ses avantages fiscaux.

La crise pandémique et ses répercussions néfastes sur le marché boursier n’ont pas été sans impact sur les placements des ménages en valeurs mobilières, impactés par la crise sanitaire soit une contraction de 5% contre une progression de 7,4% une année auparavant.

Hausse modérée des crédits à l’habitat et repli des crédits à la consommation

L’encours de la dette globale des ménages a augmenté de 2,9%, nette décélération par rapport au niveau de progression de 5% enregistrés en 2019 et 5,7% en 2018 et 4,9% en moyenne sur les cinq dernières années.

La dette, composée des crédits à l’habitat et de consommation accordés par les banques et les sociétés de financement, représente plus que le tiers du portefeuille crédit de ces institutions.

A fin 2020, l’encours de la dette des ménages a représenté 34% du PIB, explique le rapport. Ce ratio élevé reflète  la  contreperformance de la croissance économique nationale en cette année de crise. Aussi, dans  un contexte de ralentissement de la dette des ménages, les crédits immobiliers résidentiels continuent d’en constituer la principale composante.  La dette financière des ménages est composée en bonne partie (64%) de crédits destinés à l’acquisition de biens immobiliers à usage d’habitation.

Au titre de l’année 2020, la production de crédit à l’habitat a cumulé 25 milliards de dirhams, poursuivant sa tendance baissière amorcée il y a quatre années.

Cette évolution est intervenue dans un contexte de baisse des prix des actifs immobiliers et du repli des ventes de l’ensemble des catégories de biens.

S’agissant des taux d’intérêts applicables aux crédits immobiliers ; ils  ont également baissé au cours de l’année 2020 en lien notamment avec la baisse à deux reprises du taux directeur de Bank Al Maghrib. La répartition  selon qu’il s’agit de taux d’intérêt fixes ou variables laisse apparaitre  une part prépondérante du total de ces prêts à taux fixes, soit 94% en 2020 contre 95% une année auparavant, alors que les crédits à taux d’intérêt variable n’en représentent que 6%.

Parallèlement, l’analyse par maturité initiale fait ressortir une poursuite de l’allongement des durées de remboursement de ces crédits. Si cette situation semble généralement plus avantageuse pour les emprunteurs (taux bas fixe et allongement des maturités), elle expose, toutefois, les banques à un risque de taux important et peut avoir des répercussions sur leur équilibre bilantiel et sur leur activité dans le futur.

Par ailleurs, les  crédits à la consommation se sont élevés à 131 milliards de dirhams, dont 55% sont distribués par les banques et 45% par les sociétés de financement spécialisées. « La majorité des prêts à la consommation est constituée des prêts personnels non affectés au financement de projets spécifiques, avec une part quasi-stable comparativement à l’année dernière, de l’ordre de 70%, suivis par ceux destinés à l’acquisition de voiture, sous forme de prêts classiques ou de location avec option d’achat, avec une proportion de 23,3% ».

Enfin, le rapport précise que la qualité des créances sur les ménages s’est globalement détériorée en 2020 sous l’effet de la pandémie. Le niveau des créances en souffrance et le retard dans le remboursement de leurs prêts indiquent globalement une détérioration de la qualité du portefeuille des ménages en lien avec la dégradation de l’activité économique qui s’est reflétée négativement sur les revenus des ménages et par conséquent sur leur capacité de remboursement. « L’encours des créances en souffrance des particuliers a fortement progressé en 2020, soit une augmentation de 21% d’une année à l’autre contre 9,7% en 2019 et 14,1% en 2018 ou un surplus de 6,2 milliards de dirhams. Les marocains résidents à l’étranger ont cumulé auprès des banques 1,9 milliard de dirhams de créances en souffrance et leur taux de sinistralité s’est établi à 10,1% après 7,8% en 2019. Ainsi, les taux de créances en souffrance de ces deux types de crédit ont été de l’ordre de 8,1% et 12,3% respectivement.

Banques participatives et prêts Mourabaha

Concernant les prêts accordés par les banques et fenêtres participatives, sous forme de Mourabaha Automobile et Mourabaha équipement, ils ont été de l’ordre de 968 millions et 231 millions de dirhams respectivement.

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