Les politiques peuvent s’opposer aux recommandations du CNDH

L’ensemble des acteurs, notamment politiques, ont le droit légitime d’exprimer leur opposition à telle ou telle recommandation du Conseil national des droits de l’Homme (CNDH), c’est même de leur responsabilité, a affirmé le président du Conseil, Driss El Yazami, en réaction à la polémique suscitée par la recommandation sur l’égalité en matière successorale contenue dans le Rapport Egalité-Parité du CNDH.
Dans un entretien à la MAP, M. El Yazami a assuré respecter ce droit, se disant toutefois étonné par la «sélectivité entre les recommandations».
La polémique a porté sur quatre mots d’un rapport qui en compte près de 40.832 et dont le résumé exécutif compte 6.149 mots, a-t-il dit, estimant «injuste de réduire un rapport qui propose 97 recommandations portant sur différents domaines à une seule recommandation qui appelle à l’ouverture d’un débat public, serein, pluriel, constructif et pluridisciplinaire sur l’égalité des hommes et des femmes dans les droits économiques y compris en matière successorale».
Et d’expliquer que ledit rapport, le septième que le CNDH consacre à la question de l’égalité depuis sa création, «est un exercice d’analyse de l’état de l’égalité et de la parité sur dix ans (2004-2014), rédigé à partir de rapports officiels ou de travaux scientifiques tant nationaux qu’internationaux».
Pour M. El Yazami, ce travail, qui s’est fixé comme ambition d’étudier à la fois les avancées et les limites, les opportunités et les contraintes en matière d’égalité des sexes, «propose également une analyse préliminaire du processus de mise en œuvre des nouvelles garanties constitutionnelles en matière d’égalité, de parité et de lutte contre les discriminations».
Après avoir rappelé que le rapport couvre un large éventail de thématiques qui portent sur les droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels des femmes, où l’héritage est un point parmi d’autres, le président du CNDH a souligné que la recommandation ayant suscité la polémique appelle également «à accorder aux femmes les mêmes droits dans la formation du mariage, dans sa dissolution et dans les relations avec les enfants (…), à appliquer avec rigueur les dispositions du Code de la famille relatives à la pension alimentaire, à élargir les bénéfices du fonds de la solidarité familiale aux enfants nés hors mariage et adopter un plan de mesures destinées à sensibiliser, former et responsabiliser l’ensemble des intervenants du secteur de la justice».
Plusieurs parties intéressées par le sujet de l’égalité en matière successorale ont également tenté de se faire entendre, telles les associations, notamment féministes, qui ont à diverses occasions, exprimé leur souhait de contribuer à l’émergence d’une lutte pour la réforme juste et consciente des discriminations à l’égard des démunis, des exclus et des femmes stigmatisées par la domination masculine.
Un autre organisme directement concerné par la question de l’égalité en matière successorale, à savoir le Conseil supérieur des oulémas (CSO), a déclaré préparer sa réplique aux recommandations du Conseil national des droits de l’Homme relatives à l’amendement du Code de la famille afin de permettre aux femmes de bénéficier des mêmes droits successoraux que les hommes.
Une source proche du CSO, citée par la presse, a affirmé que les oulémas seraient en train de préparer leur réponse afin qu’elle soit claire et directe «mais sans tomber dans les dérives de certaines réactions».
Le CSO s’était déjà exprimé sur le sujet en 2008 en affirmant que les «constantes religieuses et les préceptes de la Charia énoncés par le Saint Coran ne peuvent faire l’objet d’Ijtihad comme c’est le cas notamment pour les préceptes régissant l’héritage».
Quelle que soit la position des uns et des autres, le président du CNDH a jugé saine la dynamique engendrée par cette question.
Pour lui, «les réactions sociétales suscitées par cette recommandation, indépendamment des positionnements divergents des acteurs, témoignent non seulement de la vitalité de notre société mais nous renseignent sur la priorité de lancer le débat public sur la question dans un cadre serein qui permet l’échange rationnel des arguments en faveur du renforcement des garanties des droits économiques des femmes».

Oum El Ghita Boussif

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