Attendons pour voir…
Nabil EL BOUSAADI
Le Salvador, qui est le plus petit Etat d’Amérique centrale, est devenu, depuis le 7 septembre dernier, le premier pays à donner un cours légal au « Bitcoin », au même titre que le dollar américain qui est la monnaie officielle du pays depuis deux décennies. Mais par cette décision, prise de manière unilatérale, le président Nayib Bukele, s’est mis à dos une bonne partie de la population.
Aussi, après avoir bénéficié d’une très forte popularité lorsqu’il était parvenu à bousculer les partis traditionnels pour accéder à la magistrature suprême du pays, le jeune président salvadorien fait, désormais, l’objet de critiques véhémentes venant aussi bien de la communauté internationale que de ses concitoyens qui lui reprochent une fâcheuse dérive autoritaire.
Raison pour laquelle ils étaient plusieurs milliers, ce dimanche, à avoir répondu à l’appel de divers partis politiques de gauche et de droite et d’organisations de la société civile et à défiler dans les rues de San Salvador, la capitale, en brandissant des pancartes où l’on pouvait lire «Bitcoin, l’arnaque », « Non à la dictature », « A bas l’autoritarisme ! » ou encore « La démocratie ne se négocie pas, elle se défend » et « Débarrassez-vous du dictateur ! ».
Autant de slogans qui dénoncent la politique « autoritariste » à laquelle a eu recours le chef de l’Etat pour faire du « bitcoin » la deuxième monnaie officielle du pays en dépit du désaveu de ses compatriotes mais aussi pour destituer les juges de la Cour Suprême – ce qui a été considéré, par les critiques, comme étant une prise de pouvoir – et s’offrir, ainsi, la possibilité de se porter candidat à un deuxième mandat.
Dans un entretien avec à l’AFP, Ricardo Navarro, le chef de l’organisation écologiste CESTA et l’un des organisateurs de la manifestation, a déclaré : « Les gens commencent à être fatigués de ce gouvernement autoritaire et antidémocratique. Il nous mène droit vers le gouffre avec ses mauvaises idées qui nuisent à l’économie comme ce ‘bitcoin’ ». Certains manifestants ont même mis le feu à une poupée à l’effigie du président.
Et si, par ailleurs, le gouvernement du président Bukele avait justifié sa décision de donner un cours légal au ‘bitcoin’ par le fait que celui-ci allait réduire considérablement le montant des frais de transfert prélevés sur les sommes envoyées au pays par les 3 millions de salvadoriens qui vivent à l’étranger – dont 2,5 millions aux Etats-Unis – et qui représentent 22% du PIB, force est de reconnaître, toutefois, que ni le Fond Monétaire International (FMI) ni la Banque Interaméricaine de Développement (BIRD) n’ont favorablement accueilli cette initiative mais qu’ils sont, en revanche, restés très sceptiques sur les risques encourus.
Ainsi, même si, comme le reconnaît le quotidien salvadorien « La Prensa Grafica », il est indéniable que la décision prise par le gouvernement du président Bukele aura des effets bénéfiques pour l’économie salvadorienne en ce sens que le ‘bitcoin’ facilitera les transferts d’argent depuis et vers l’étranger, les griefs qu’avancent les salvadoriens pour désapprouver cette mesure sont nombreux.
Il s’agit, notamment, d’une profonde méconnaissance de l’utilisation des crypto-monnaies, d’un manque flagrant d’informations, de l’avantage écrasant du dollar face à l’instabilité du ‘bitcoin’ et, enfin, des nombreux risques d’« arnaques » auxquels la crypto-monnaie pourrait donner lieu dès lors qu’elle n’est pas « une monnaie mais un actif hautement spéculatif et décentralisé (…) qui n’est régulé par aucun Etat ».
Le jeune président Nayib Bukele serait-il en train de décevoir tous ces salvadoriens qui avaient placé en lui de grands espoirs ?
Il semble, en effet, que ce soit le cas mais attendons pour voir…