L’ESRFT au cœur de la tourmente

Elle a considéré l’amazighe comme «langue étrangère»

Mohamed Nait Youssef

Alors que le Maroc a réalisé des avancées honorables en matière de la mise en œuvre du caractère officiel de l’amazigh, l’École Supérieure Roi Fahd de Traduction de Tanger (ESRFT), vit, semble-t-il, en dehors de l’Histoire.

Le motif ? Cet établissement relevant de l’Université Abdelmalek Essaâdi de Tétouan, basé à la ville du Détroit,  était, ces derniers jours, au cœur de la tourmente en considérant l’amazighe comme «langue étrangère » dans son annonce d’ouverture des candidatures pour la filière de traduction arabe-français-amazigh.

Ainsi, l’appel à candidature en question a défrayé la chronique en suscitant une grande polémique. Une colère tout à fait légitime puisque l’article  5 de la Constitution de 2011 consacre le caractère officiel de la langue amazighe. «L’arabe demeure la langue officielle de l’Etat. L’Etat œuvre à la protection et au développement de la langue arabe, ainsi qu’à la promotion de son utilisation. De même, l’amazighe constitue une langue officielle de l’Etat, en tant que patrimoine commun à tous les Marocains sans exception.», peut-on lire dans la Constitution.

Par ailleurs, cette note administrative de l’ESRFT n’est pas passée inaperçue. Des acteurs et activités amazighs ont sévèrement critiqué cette ‘’annonce’’ du  concours d’admission aux filières de traduction écrite et simultanée de l’école au titre de l’année universitaire 2024-2025,   en la qualifiant, ainsi,  de violation de la constitution et une atteinte claire à l’identité nationale.

Une violation de la constitution…

Réagissant à cette affaire inédite, Khadija Arouhal, députée du groupe parlementaire du Parti du progrès et du socialisme (PPS) à la Chambre des représentants,  a interpellé le chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, dans une question écrite pointant du doigt sur le fait de considérer « la langue amazighe comme langue étrangère par l’une des écoles supérieures ».

«Dans une première en son genre, l’une des écoles supérieures spécialisées en traduction à Tanger a annoncé l’organisation d’un concours d’entrée pour la saison académique 2024-2025, où la langue amazighe était considérée comme une langue étrangère à l’instar  du français, de l’anglais, de l’espagnol et de l’allemand, ce qui est considéré comme une atteinte  grave à la Constitution marocaine et une violation flagrante de la loi organique  relative à la mise en œuvre  du caractère officiel de la langue amazighe, chose que nous rejetons absolument, et à laquelle il faut faire face Strictement et fermement. », a-t-elle affirmé.

Et d’ajouter : «quelles que soient les circonstances générales entourant l’annonce de ce concours, nous ne comprenons pas du tout que la langue amazighe soit considérée comme une langue étrangère dans son pays et parmi son peuple, à l’encontre du large consensus national reflété dans l’évolution positive de la question amazighe dans notre pays».

Par ailleurs, Khadija Arouhal  a révélé dans sa question écrite que la sage gestion de l’État marocain de la question amazighe a abouti à sa constitutionnalisation de la langue amazighe, l’approbation parlementaire de la loi organique  relative aux étapes de la mise en œuvre  du caractère officiel de la langue amazighe, ainsi que ainsi que la loi organique  relative au Conseil national des langues et de la culture marocaines, ainsi que  l’annonce du Roi Mohammed VI officialisant la célébration annuelle du nouvel an amazigh. «Ce sont autant d’acquis dont nous sommes fiers. », a-t-elle précisé.

Or, la députée a considéré l’annonce de ce concours comme ‘’une violation inacceptable de l’engagement constitutionnel clair et explicite envers l’amazighe, et une tentative de rejeter les acquis positifs réalisés dans ce domaine depuis de nombreuses années.’’

Une erreur matérielle…

Dans un communiqué de presse rendu public, le ministère de l’Enseignement supérieur, de la recherche scientifique et de l’innovation a sorti de son silence en reconnaissant qu’il s’agit bel et bien d’une  “erreur matérielle” ayant figuré dans l’annonce du concours d’accès à l’École Supérieure Roi Fahd de Traduction de Tanger (ESRFT) au titre de l’année académique (2024-2025). Cette soi-disant erreur “est involontaire et a été rectifiée.”, a révélé la même source. Par ailleurs, le bureau du Syndicat national de l’enseignement supérieur et de la recherche au sein de l’école, a  révélé dans  un communiqué  que les enseignants ‘’n’ont rien à voir avec la version  qui a été envoyé à la présidence de l’université et au ministère, ni avec ce qui a été diffusé au public, sachant qu’ils ont toujours exigé qu’ils soient impliqués dans la préparation de ce projet afin d’éviter cette catastrophe».

En outre, certains acteurs ont considéré cette justification c’est-à-dire une ‘’erreur matérielle‘’ comme fuite en avant.  Il fallait alors aller chercher le coupable.

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