Par : Abdeslam Seddiki
L’économie sociale et solidaire (ESS) est, comme son nom l’indique, un domaine d’activité particulier. Il est à cheval entre deux types d’organisation diamétralement opposées : capitaliste et socialiste. Il a plus de traits communs avec le mode de production socialiste de par son mode de gestion et ses finalités principales.
Un large consensus se dégage autour de la définition suivante : «l’économie sociale et solidaire est l’ensemble des activités économiques et sociales organisées sous forme de structures formelles ou de groupements de personnes physiques ou morales avec une finalité d’intérêt collectif et sociétal, indépendantes et jouissant d’une gestion autonome, démocratique et participative et où l’adhésion est libre». Libre adhésion, une gestion démocratique et participative, prédominance de l’intérêt collectif comme mobile de l’activité, un financement mixte entre ressources publiques et ressources privées, tels sont donc les critères distinctifs de l’ESS.
On le voit, ce type d’activité est profondément ancré dans la société marocaine. Il a existé sous plusieurs formes et revêtu diverses appellations dont le socle commun est la solidarité entre les membres de la collectivité. L’exemple le plus courant est la «touiza» dans laquelle les habitants mettent en commun leurs forces productives (force de travail et instruments de travail) en vue d’effectuer collectivement un certain nombre de tâches soit à des fins individuelles (labour et moissons) soit à des fins d’intérêt général (travaux hydrauliques, réalisation de pistes, construction de lieux de culte…).
L’ESS ne fait donc que perpétuer une culture authentiquement marocaine qui a fait ses preuves et démontré son efficacité. Elle est donc loin d’être vue comme un palliatif à la crise que traversent les sociétés capitalistes ou un pis-aller pour colmater les brèches et réparer les dégâts, mais plutôt comme une composante, à part entière, de l’organisation économico-sociale et un levier fondamental pour un développement harmonieux et une cohésion sociale. Car, pour reprendre un slogan du Conseil Mondial des coopératives de crédits, c’est « pour rendre service et non pour le profit ou la charité » (not for profit, not for charity, but for service).
L’ESS s’avère bien un choix pour le présent et l’avenir. Tout doit être fait pour ériger ce secteur en priorité nationale eu égard aux considérations précédentes et au potentiel de développement qu’il présente tant en matière de génération de valeur qu’en matière de création d’emplois. Sans omettre son rôle dans la réduction des inégalités sociales et spatiales. C’est tout le tissu des coopératives dont le nombre dépasse les 12000 réparties entre l’agriculture (8000), l’artisanant (1700) l’habitat (1100) qu’il convient de consolider et de mettre à niveau.
C’est le tissu associatif composé de près de 100 000 associations couvrant des domaines aussi divers qu’utiles comme le microcrédit, la promotion de l’entreprise, l’éducation et la lutte contre l’analphabétisme, le développement local, l’environnement, l’enfance, la jeunesse, les personnes âgées ou souffrant de handicap… qu’il faudra appuyer et soutenir. C’est le secteur mutualiste composé de plus de 50 établissements (dont plus de la moitié intéresse la couverture médicale) qui mérite une attention particulière des pouvoirs publics.
En définitive, l’ESSest un secteur porteur d’espoir. Il pourrait contribuer à hauteur de 20 % à la richesse nationale (au lieu de 5% actuellement) outre la satisfaction morale ressentie par les acteurs impliqués dans cette activité et qui se compteraient par millions.
Le jeu en vaut vraiment la chandelle !!