L’exposition qui interroge nos limites

« Aux frontières de l’humain »

L’exposition « Aux frontières de l’humain », au Musée de l’Homme à Paris, interroge les limites que la science et peut-être l’éthique ne permettront pas à l’Homme de franchir.

Homme animal, champion, cyborg, mutant, immortel? Les cinq thèmes développés dans un parcours muséographique multimédia, où l’art occupe une place de choix, aboutit à un constat provoquant mais incontournable: « On va tous y passer ». La question étant, à l’heure de l’anthropocène, de savoir de quelle façon.

« Aux frontières de l’humain », qui s’étend du 13 octobre au 30 mai 2022, affirme le positionnement du musée de l’Homme « avant tout comme un musée de société », a expliqué son directeur André Delpuech, lors d’une présentation à la presse.

L’accueil est réservé à l’oeuvre du sculpteur Samuel Yal, « Quadrum », qui imagine un homme éclaté en autant de fragments de porcelaine. Autrement dit, comment définir l’humain.

Une autre oeuvre d’art introduit le premier chapitre, « Je suis un animal », avec une fascinante famille hybride, dont le fils à tête de blaireau arbore un maillot de foot. Car quel est le propre de l’Homme, dont on a longtemps considéré que c’était simplement la bipédie, avant d’observer le singe ? Ou bien l’usage de l’outil… avant de voir un corbeau en utiliser un.

L’animal sert de transition vers l’espace « Je suis un champion », en rappelant que le sprinter le plus rapide du monde, Usain Bolt, court à la vitesse d’un chat, et son équivalent dans les bassins, Michael Phelps, nage à celle d’une carpe.
« Jusqu’où aller pour transformer notre corps, et notre mental ? », interroge Frédérique Chlous, ethnologue au Muséum national d’histoire naturelle (MNHN), dont le Musée de l’Homme fait partie. On explore ici « l’alchimie complexe » des caractéristiques physiques qui font, avec l’entraînement et le progrès technique, un champion.
La transition est toute trouvée vers l’homme « augmenté » de « Je suis un cyborg », la partie la plus impressionnante visuellement. Avec des objets et films détaillant l’usage de prothèses, d’implants, d’exosquelette, jusqu’au rêve du « corps connecté » à un réseau externe.

« Je suis un mutant » porte les questions d’éthique qui se posent déjà avec l’utilisation d’outils pouvant par exemple modifier notre patrimoine génétique. Un jeu proposant au visiteur de concevoir sa progéniture idéale, et dont les statistiques alimenteront un tableau, permettra de mesurer les ambitions et réticences du public sur le sujet.

Enfin, « Je suis immortel » aborde « l’imposture transhumaniste », -selon l’expression du catalogue de l’exposition-, cette illusion qu’on puisse vaincre la mort, avec la cryogénisation par exemple. Et rappelle avec une belle exposition d’objets tirés des fonds du musée, dont de très beaux crânes décorés, que les cultures ont toujours essayé d’apprivoiser la fin inéluctable de l’existence.

« Il s’agit d’expliquer que l’espoir que la technique médicale nous aide à vivre 300 ans est très illusoire », expliquait récemment Bruno David, le directeur du MNHN.

Alors, « On va tous y passer »? Forcément, mais cette fois la question est collective pour la société, confrontée « au-delà de la crise climatique, aux conséquences de l’anthropocène et à la surexploitation des ressources », selon la commissaire de l’exposition, Kinga Grege.

Pour mieux y réfléchir, le visiteur sera invité à écouter, confortablement assis, plusieurs pistes exposées par la journaliste spécialisée dans l’écologie Laure Noualhat. Avec des scénarios allant du bunker, en passant par la fuite vers Mars, ou peut-être un changement « transformateur ». Et avec une question centrale: « à quoi serions-nous prêt à renoncer? » pour repousser nos frontières, sans aller à notre perte.

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