Manque de vision et de démarche pluriannuelle

Il s’agit en fait d’une nouvelle coupe budgétaire de l’ordre de 10 milliards de dirhams qui s’ajoute à celle opérée il y a quelques mois d’un montant de 15 milliards de dirhams.    
C’est une décision brutale qui pose de nombreuses questions, estime Abdelahad El Fassi, universitaire et membre du BP du PPS. Il rappelle dans ce sens que les ordonnateurs ne disposeront de crédits, dans le meilleur des cas, qu’en avril (faute de solutions techniques très faciles) et que dans nos ministères  l’essentiel des dépenses ne se fait généralement que vers la fin de l’année à l’approche de la fin de l’exercice budgétaire. Le fait d’annuler la totalité des crédits d’investissement non engagés à fin octobre dernier,  rétorque  Abdelahad El Fassi,  va avoir des incidences directes sur le taux de réalisation des grands projets et sur le taux d’exécution de la loi de finances 2013. La situation est inquiétante et  traduit, dit-il, le manque de vision et de démarche pluriannuelle chez le gouvernement et évoque la  nécessité d’accélérer la réforme de la loi organique de la loi de finances en général.
Pour lui, le gouvernement se doit de prendre les mesures nécessaires pour traiter sérieusement la récession et éviter le ralentissement économique.   La décision, regrette El Fassi, doit se préparer en amont dans la concertation et la priorisation et non dans la précipitation… pour éviter les effets inverses.
Pour M’hamed Grine, membre du Conseil de la présidence et du BP du PPS,  la mesure prise par le chef du gouvernement relève d’une vision purement comptable. Le plus important, indique notre interlocuteur, c’est la maîtrise du déficit structurel. La nouvelle directive de l’Union européenne stipule que l’Etat doit respecter la nouvelle règle d’or qui dit que les ressources ordinaires et normales doivent être égales aux dépenses ordinaires et de fonctionnement en plus du déficit social de l’Etat. C’est-à-dire que dans l’ensemble, l’Etat ne doit pas vivre au-dessus de ses moyens. Pour Grine, engager des mesures comme celle-ci  obéit tout simplement  à cette logique qui vise à être en conformités avec les directives de la Banque mondiale et du FMI. Or, recommande-t-il, le Maroc se doit d’innover et de chercher de nouvelles pistes pour sortir du cercle vicieux de la pauvreté. Il faut, poursuit-il, faire preuve de volontarisme afin de relancer l’économie en général et l’activité industrielle et de service en particulier.  Certes, conclut Grine, la rigueur est nécessaire, mais il vaut mieux prendre le risque  du déficit budgétaire que de prendre celui du déséquilibre social et politique.  C’est une décision de mauvais augure qui aura certainement un impact négatif sur la dynamique économique. Annuler la totalité des crédits d’investissement non engagés à fin octobre 2013 fait partie de la politique d’austérité engagée par le gouvernement  pour préserver l’équilibre budgétaire et se conformer aux directives du FMI.
Mohamed Chiguer, économiste, ne mâche pas ses mots. Selon lui, la décision qui vient d’être prise par le chef du gouvernement est une erreur monumentale qui nous fait revenir de manière progressive aux années 80. Autrement dit, le fait de réduire l’investissement une seconde fois en une seule année sous-entend que l’on se dirige vers un nouveau PAS (Plan d’ajustement structurel) qui ne dit pas son nom.  Benkirane  soutient l’équilibre comptable par excellence au détriment  de toute logique sociale ou économique, regrette notre interlocuteur. Et d’expliquer que cette mesure d’austérité aura un impact psychologique certain sur le citoyen (car elle annonce l’amorce d’une situation difficile, voire insoutenable). Le deuxième effet non moins important c’est celui des entreprises qui travaillent avec l’Etat.  Là le désarroi est total.
En attendant le débat au parlement (il doit y avoir un débat), Chiguer estime que le gouvernement peut limiter le déficit budgétaire autrement. Augmenter le PIB permettrait, selon lui, la  maîtrise, voire la baisse, du déficit à moins de 5%, tout comme l’intégration du secteur informel dans les circuits économiques organisés.  Annuler les crédits d’investissement non encore engagés à fin octobre, c’est tout simplement  lier les mains de l’Etat et réduire son intervention, comme cela est voulu et dicté par le FMI.  
Autant dire que la conjoncture difficile et de crise se précise et s’aggrave davantage. D’aucuns s’interrogent aujourd’hui sur la nécessité, voire même l’utilité, de recourir à la ligne de précaution accordée par le FMI récemment (quelque 6,2 milliards de dollars) et sur son coût réel pour le Maroc et les Marocains.

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