Le ministre des Affaires étrangères et de la coopération internationale, Nasser Bourita, a mis en relief, mardi à New York, les préceptes issus de l’Agenda Africain pour la Migration, qui visent à favoriser la contribution de la migration au développement et à la transformation structurelle du continent.
S’exprimant lors d’une réunion organisée en marge de la 73e session de l’Assemblée Générale des Nations-Unies sur la «Migration et transformations structurelles en Afrique», en présence notamment de la ministre des Affaires étrangères et de la Coopération du Rwanda, du Président de la Commission de l’Union africaine et de la Haut Représentantes de l’UE, Bourita a expliqué que cet Agenda, fruit d’une concertation élargie, tend à faire de la migration un levier de co-développement, un pilier de la coopération Sud-Sud, ainsi qu’un vecteur de solidarité.
La proposition de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, de création d’un Observatoire Africain de la Migration, qui a été adoptée par le Conseil de Paix et de Sécurité de l’UA en mai 2018 et entérinée lors du 31e Sommet africain de Nouakchott en juillet 2018, aura pour mandat de servir une gouvernance africaine de la migration, à travers le triptyque « comprendre, anticiper et agir », a-t-il souligné.
Cet Observatoire africain a même été cité en exemple dans le Pacte Mondial sur les Migrations, a-t-il rappelé.
Le ministre, qui a félicité la CNUCED pour la qualité de son rapport 2018 sur le développement économique en Afrique, qui constitue une contribution substantielle au débat international sur la migration, a fait observer qu’en présentant la dimension réelle du phénomène migratoire, ce rapport défend une mise en perspective nécessaire de la migration.
En reconnaissant l’impact positif que les migrants peuvent avoir sur l’économie, a poursuivi Bourita, ce rapport ouvre la voie aux synergies constructives entre le développement et la migration.
Il participe, ainsi, au renforcement du moment um multilatéral sur la question migratoire, notamment dans la perspective de l’adoption, en décembre prochain à Marrakech, du Pacte Mondial pour des Migrations Sûres, Ordonnées et Régulières, a-t-il relevé.
Développant les trois préceptes issus de l’Agenda Africain pour la Migration, Bourita a souligné que la migration est vue comme principalement africaine et irrégulière. Pourtant, il n’en est rien. Car, a-t-il dit, les instrumentalisations médiatiques et les discours politiques tendent à consacrer une image d’invasion qui traduit en réalité une méconnaissance profonde du phénomène et une incapacité à replacer les migrations africaines dans le contexte mondial.
En effet, s’il est vrai que les réseaux de trafic de migrants s’activent pour forger des itinéraires pour la migration irrégulière, seulement 2 migrants sur 10 ne sont pas en situation régulière. Plus encore, a-t-il argué, sur les 258 millions de migrants dans le monde qui représentent eux-mêmes uniquement 3,4% de la population mondiale, moins de 14%, soit moins d’un migrant international sur 5 est africain.
De la même manière, alors qu’ils représentent moins d’un cinquième de la migration internationale, ils constituent plus d’un tiers des morts identifiés le long des routes migratoires, a dit le ministre, faisant observer que la vérité qui dérange, c’est qu’en réalité, l’Afrique émigre peu à l’international. Moins de 12% du total des flux migratoires vers l’Europe proviennent d’Afrique.
Pour lui, lorsque l’Afrique émigre, c’est d’abord dans les pays limitrophes car 4 migrants sur 5 restent en Afrique. L’Afrique est, donc, principalement une destination de migrants pour les africains eux-mêmes et non une terre d’émigration. D’ailleurs, le nombre de migrants au sein même de l’Afrique a augmenté de 67% en 10 ans, une augmentation supérieure à celle de tous les autres continents, a-t-il précisé.
Bourita a fait valoir que la démystification des préjugés est nécessaire et requiert une amélioration qualitative et quantitative des données. Car, selon lui, elle ne peut se contenter de statistiques fragmentaires, parcellaires ou conjoncturelles.
«Nous avons besoin de disposer, régulièrement, de données fiables, d’analyses et de perspectives opérationnelles. D’ailleurs, le projet de Pacte Mondial sur les Migrations a consacré son premier objectif à la collecte et à l’utilisation des données précises et désagrégées comme base pour le développement des politiques migratoires», a-t-il indiqué.
Le deuxième précepte abordé par le ministre dans son intervention consiste à faire de la migration un moteur et non un frein au développement.
C’est un fait, les migrations contribuent au développement socio-économique des pays d’origine et de destination, où ils dépensent environ 85% de leurs revenus, même si les potentialités du nexus migration-développement sont insuffisamment exploitées, a relevé Bourita, notant que si les transferts de fonds constituent une source essentielle et stable de financement extérieur pour l’Afrique, qui dépassent même l’aide publique du développement, il conviendrait de favoriser une approche orientée vers l’investissement plutôt qu’une logique de rente.
Souvent, les migrants donnent bien plus qu’ils ne reçoivent, car pour le ministre, outre les envois de fonds, les migrants favorisent le développement local, le transfert de technologies, de compétences et la dynamisation de l’espace économique africain. «Il nous appartient à présent de faire ces contributions – ô combien positives – un facteur de relèvement du continent».
Le troisième volet de cette Agenda est de faire de la migration un choix et non une nécessité, dans la mesure où la croissance démographique du continent devrait doubler d’ici à 2050. Cependant, loin de l’imaginaire collectif, a expliqué Bourita, cela ne signifie pas que l’intensité des migrations vers l’Europe doublera à leur tour. En revanche, cela multiplie à la fois les opportunités pour notre continent et la nécessité de répondre aux enjeux qui se posent à nous.
Et de rappeler qu’au cours des dernières années, l’Afrique a réalisé dans l’ensemble, des progrès notables sur les plans politique, économique et social, allant des réformes politiques profondes jusqu’à la réduction considérable de la fréquence des conflits armés. Cependant, cette performance n’a pas atteint la profondeur et la durabilité qui préviennent des jeunes Africains de se résigner à entreprendre des traversées périlleuses et à mettre, fatalement, leur vie en danger.
Or, comme l’a rappelé Sa Majesté le Roi Mohammed VI, «l’avenir de l’Afrique passe par sa jeunesse. Aujourd’hui près de 600 millions d’Africains et d’Africaines sont des jeunes. En 2050, 400 millions d’Africains auront entre 15 et 24 ans». En ce sens, les efforts en faveur d’une gouvernance nouvelle de la migration, doivent s’accompagner de la création d’un environnement stable et attractif. Les ressources humaines sont le point de départ de la transformation structurelle en Afrique. Il faut les attirer, les développer, les retenir. L’Afrique a besoin de ses talents, de ses compétences et de sa jeunesse.
La transformation structurelle de l’Afrique passe par une gouvernance nouvelle. Elle doit s’appuyer sur des politiques nationales efficaces, qui trouvent leur prolongement dans une coordination sous-régionale concertée, qui doit elle-même s’inscrire dans le cadre d’une perspective continentale et d’un partenariat international, a-t-il conclu.
(MAP)