beaucoup d’acuité et suscite des débats à l’échelle nationale. Pour le Dr. Ahmed Bourra, éminent spécialiste en Dermatologie et médecine esthétique, la solution à cette question réside dans la nécessité d’un partenariat privé-public.
Depuis quelques années, d’énormes progrès ont été réalisés en matière d’infrastructures médicales, notamment par la création du CHU Oujda en vue d’élargir le spectre d’accessibilité aux soins de santé, mais l’offre des soins n’est pas accessible à tous jusques là. Et pour cause, ces infrastructures de santé ne sont pas toujours accompagnées de matériels de fonctionnement adéquat ou parfois le matériel n’est pas viable. Certains centres hospitaliers sont équipés de matériels tels que scanners, mammographie, radiographie, IRM, mais l’incapacité à utiliser ce matériel justifie leur endommagement. Résultat : l’insatisfaction du personnel médical et paramédical des CHU ainsi que des patients.
Etant donné la concentration des spécialités dans des grandes zones, comme Casablanca, Rabat, plusieurs patients préfèrent s’y rendre pour avoir de meilleurs soins. Mais ces hôpitaux ne sont pas toujours en mesure de servir les patients de toutes les contrées avoisinantes étant donné leur capacité d’accueil limitée. Ces hôpitaux souffrent d’une incapacité à gérer le nombre de malades issus non seulement de Casablanca, Rabat, mais aussi d’autres zones. ». Par conséquent, ces patients des régions éloignées décrochent des rendez-vous lointains au péril de leur santé. Cette difficulté est conjuguée davantage par le retard dans l’obtention de l’AMM (Autorisation de Mise sur le Marché d’un Médicament). L’admission de certains nouveaux médicaments par des laboratoires peut prendre un an voire plus.
Pour palier à ces insuffisances qui limitent l’accès aux soins, il faut équiper les hôpitaux de zone en matériels de santé, en corps professionnel qualifié et suffisant (Béni Mellal, Assilah, Fquih Ben Salah…) surtout que les hôpitaux de grandes zones sont déjà débordés. L’Etat doit investir davantage dans les infrastructures médicales, car tout malade et sans exception a droit à la santé, mais aussi assurer la formation des professionnels de santé pour utiliser de manière adéquate ces technologies de la médecine et en faire profiter la population marocaine. Pour le Dr. Ahmed Bourra, « la création et l’amélioration d’infrastructures ne sont pas la panacée aux difficultés de l’accès aux soins. Si l’Etat veut assurer à la population une santé en toute équité, il va falloir tisser des partenariats privé-public ». Le secteur médical privé investit énormément dans les technologies médicales de pointe, en l’occurrence les lasers pour les yeux, la peau, la prostate etc… A titre d’exemple, les « lasers vitiligo » nécessaires pour éliminer les tâches blanches indélébiles cutanées dont souffrent plusieurs personnes. Les déficits enregistrés par le secteur public sanitaire pourraient être palliés par le secteur privé. Dans les centres publics sanitaires, de tels matériels sophistiqués n’existent pas. Un partenariat avec le privé permettrait de guérir de nombreuses pathologies. Les deux parties pourraient opter pour un tiers payant. L’Etat pourrait financer à un certain taux les prestations médicales des patients qui vont se soigner dans le secteur privé.
Interview avec le Professeur Ahmed Bourra,
spécialiste en dermatologie médico–chirurgicale et esthétique
«La bonne volonté pour l’accès aux soins existe.
Il faut seulement concrétiser les vœux»
Le Docteur Ahmed Bourra fait un état des lieux de l’accès aux soins au Maroc et le rôle joué par le secteur privé de la santé pour atteindre cet objectif. C’est aussi un plaidoyer en faveur d’un partenariat public-privé et de l’élargissement de la couverture sociale au corps médical privé.
Al Bayane : En quoi consiste la problématique de l’accès aux soins ?
Docteur Bourra : L’accès aux soins consiste à permettre aux populations démunies, aux personnes pauvres, aux classes moyennes de se soigner gratuitement ou au moindre frais dans les centres de santé publics, dans les hôpitaux, et en cas de maladies chroniques ou graves de se soigner convenablement au niveau des urgences hospitalières, des CHU ou dans certaines cliniques privées à vocation humanitaire. Sa Majesté Mohammed VI, que Dieu l’assiste, dans la constitution a prévu le droit à la santé pour tout citoyen. Nous devons appliquer ce droit au niveau du RAMED, de l’AMO et d’autres institutions hospitalières. Certains Mécènes marocains dans le cadre des fondations ou autres organismes sont prêts à aider pour la réalisation de ces accès aux soins, en construisant des hôpitaux, en participant à la maintenance des infrastructures de la santé publique. Ces initiatives louables sont à encourager.
Quel rôle joue le secteur médical privé dans la facilitation de l’accès aux soins ?
Le secteur privé médical, au niveau des cabinets médicaux, des cliniques par le biais du collège national du syndicat des médecins spécialistes a fait savoir à maintes reprises qu’il est prêt à aider à la concrétisation, en partenariat avec le conseil de l’ordre des médecins, le ministère de la santé publique, du grand projet du RAMED ainsi qu’à la participation au niveau des centres de santé, des hôpitaux, des CHU par leur grande expérience à réintégrer les structures de la santé publique sous forme d’un partenariat public-privé.
Quelles recommandations faites-vous pour un meilleur accès de la population aux soins de santé de base ?
Les responsables médicaux, le conseil de l’ordre des médecins, les syndicats médicaux crient haut et fort pour aider à l’accès aux soins. Donc, la bonne volonté existe. Il faut seulement concrétiser ces vœux, cet espoir. La prise en charge de l’accès aux soins doit être complète : consultations gratuites, dons de médicaments, opérations chirurgicales, examens complémentaires biologiques, radiologiques, scanners, IRM. D’autres investigations doivent être gratuites ou à moindre frais. Les laboratoires pharmaceutiques, les médecins, les pharmaciens participent souvent à des caravanes médicales à travers le pays pour aider à ces accès aux soins à moindre frais. Il faut les encourager.
D’après vous, quelles seraient les solutions à envisager pour faire profiter les médecins du privé de l’Assurance Maladie Obligatoire ?
Les professionnels de la santé, du secteur privé ne bénéficient pas de couverture médicale alors que l’Assurance Maladie Obligatoire garantit aux employés du secteur public et privé des avantages sociaux. Que cette assurance ne profite pas aux médecins et pharmaciens du privé est assez paradoxal d’autant plus que les raisons qui justifient cette restriction demeurent méconnues. Le système d’octroi de couverture médicale devrait être révisé pour que l’AMO soit également étendu au corps médical privé.
A l’avenir les médecins privés ne jouissant pas d’aide de l’Etat pour une AMO ou pour une retraite doivent se mobiliser en concertation avec les pouvoirs publics pour réaliser ces revendications légitimes. Oh combien utile ! Car certains médecins décèdent sans jouir ainsi que leurs proches de ces avantages.