Attendons pour voir
Nabil El Boussadi
La crise politique qui secouait le Pakistan, depuis plusieurs semaines, s’est achevée, ce dimanche, par le renversement du Premier ministre à la suite d’une motion de censure qui, après avoir été « approuvée » par 174 des 342 députés de l’Assemblée nationale a fait, d’Imran Khan, le premier chef du gouvernement pakistanais à chuter sur un vote de défiance quand depuis l’indépendance du pays en 1947, aucun Premier ministre n’est parvenu à aller jusqu’au terme de son mandat.
Ainsi, alors qu’il croyait avoir définitivement écarté, la semaine dernière, cette motion de défiance en réclamant la dissolution de l’Assemblée – ce à quoi, le chef d’Etat avait répondu favorablement – et en appelant à des élections générales anticipées, Imran Khan, lâché par plusieurs de ses alliés, en a eu pour ses frais car, en jugeant ce processus comme étant inconstitutionnel, la Cour Suprême a soumis, ce dimanche, ladite motion au vote des députés.
Après avoir été idolâtré vingt-deux ans auparavant par des millions de pakistanais pour avoir mené l’équipe nationale de ce sport roi dans le pays qu’est le cricket jusqu’à la victoire lors de la finale de la Coupe du monde en 1992 et pris les rênes du pays en 2018, Imran Khan, qui avait d’abord capitalisé sur son image d’incorruptible et sur la lassitude de ses concitoyens à l’endroit des partis traditionnels qui, avec le soutien de l’armée, avaient monopolisé le pouvoir, était, tout de même, parvenu a épargner le pays lors de la pandémie du coronavirus en n’imposant pas ce « confinement national » qui, à ses yeux, aurait « fait mourir de faim » des millions de personnes puisque, sur une population totale de 220 millions d’habitants, seuls 30.000 personnes auraient péri des suites du Covid-19.
Mais, la mauvaise conjoncture économique ayant donné lieu à une très forte inflation et, par conséquent, à la dépréciation de la roupie et au creusement de la dette, ainsi que la détérioration de la sécurité depuis le retour triomphal des Talibans en Afghanistan en Août dernier ont fini par accroître les difficultés rencontrées par le Pakistan et par affaiblir son Premier ministre.
En effet, alors que ce retour avait d’abord été interprété comme étant une victoire pour le Pakistan qui, tout en soutenant les Talibans afghans, prônait un dialogue avec eux si bien qu’Imran Khan avait été affublé du sobriquet de « Taliban Khan », la reprise des attentats par les talibans pakistanais du « Tehreek-e-Pakistan » (TTP) a fini par donner le coup de grâce au chef du gouvernement d’Islamabad en dépit de ses efforts pour ériger le Pakistan au rang d’acteur régional incontournable.
En outre, lorsqu’en novembre dernier, son gouvernement avait levé l’interdiction qui frappait le « Tehreek-e-Labbail Pakistan » (TLP, islamiste) depuis les violentes manifestations anti-françaises qui avaient dénoncé le soutien apporté par Paris au droit de caricaturer le prophète de l’Islam, Imran Khan avait été accusé d’avoir restreint l’espace d’expression de la presse avant de susciter l’indignation des organisations féministes lorsqu’à plusieurs reprises il avait établi un lien entre le viol et la tenue « vestimentaire » des victimes dans un pays où les violentes sexuelles sont courantes.
Si l’on ajoute aux déboires du Premier ministre Imran Khan, son rapprochement avec la Chine et la visite qu’il a effectuée à Moscou le jour-même du déclenchement de la guerre d’Ukraine – ce qui lui avait valu les moqueries de ses rivaux politiques – on peut dire que sa « chute » était prévisible même s’il refusait d’y croire.
Quel visage aura le Pakistan, dans les jours qui viennent, alors que le successeur d’Imran Khan à la tête de cette république islamique de 220 millions d’habitants dotée, de surcroît, de l’arme nucléaire, devrait être Shehbaz Sharif, le leader de la « Ligue Musulmane du Pakistan » (PML-N) ?
Attendons pour voir…