Accès aux médicaments
Ouardirhi Abdelaziz
Face à l’augmentation intempestive du coût de la vie, qui n’épargne aucun produit de consommation courante dont l’huile d’olive, les légumes, les fruits, la viande, le poulet, les poissons, l’essence entre autres. Tout coûte plus cher, par contre les salaires stagnent et les pensions ne suffisent plus pour tenir tout un mois. Certains citoyens aux moyens limités, celles et ceux qui sont vulnérables, les plus modestes n’arrivent plus à avoir accès à ces produits et se contentant de peu.
Le problème qui inquiète encore plus, c’est celui de l’accès aux médicaments en cas de problèmes de santé. La pandémie du Covid est encore très vivace dans nos esprits, elle nous a appris beaucoup de leçons concernant l’accès aux médicaments et produits de santé, qui n’étaient pas à la portée de toute la population.
Comment faire alors pour s’en sortir, surtout en cas de maladies chroniques, ou pour disposer de traitements médicamenteux accessibles ?
Garantir une accessibilité équitable aux médicaments pour tous les Marocains est un sujet d’actualité, d’une extrême importance car il s’agit de la santé de chacun de nous, de ce que nous avons de plus cher, de pouvoir disposer, d’avoir accès aux médicaments, aux produits de santé nécessaires, indispensables en cas de maladies.
Pour pouvoir disposer à tout moment, en tout lieu de médicaments prescrits par les médecins, notre pays doit être en mesure de fabriquer lui-même les médicaments pour traiter les pathologies les plus courantes.
C’est facile à dire, mais ça reste difficile à réaliser, surtout depuis la pandémie du Covid, de la guerre en Ukraine, la flambée des prix des matières premiers, du fret, et des médicaments importés …
Autant de problèmes, d’obstacles, et d’écueils qui jalonnent l’accessibilité aux médicaments et aux produits de santé.
Notre industrie pharmaceutique est très dynamique, mais il faut insister sur les intrants, c’est-a-dire, la matière première nécessaire pour fabriquer les médicaments qui est importée pour 90 % d’Asie, principalement de l’Inde et de la Chine.
Les matières premières ne sont pas facile à se procurer, car les grandes puissances, les pays riches s’accaparent pratiquement tous les stocks. C’est un énorme problème auquel l’industrie Marocaine est constamment confronté, un défi que notre pays doit relever si nous voulons assurer à chacun un accès aux médicaments dont il a besoin pour être correctement traité, sans avoir à subir des contraintes financières, d’accessibilités, ou de disponibilités.
La meilleure voie pour relever ce challenge, c’est celle qui consiste pour le Maroc à fabriquer des produits médicamenteux par nos laboratoires pharmaceutiques qui sont au nombre de 50, en priorisant l’usage des médicaments génériques qui sont moins chers, 30 à 50 % moins chers que les médicaments dits originaux (princeps).
C’est quoi un médicament générique ?
Lorsqu’un laboratoire met au point un médicament, il garde l’exclusivité de sa commercialisation jusqu’à l’expiration de son brevet, et jusqu’à l’expiration de la durée de protection des données de l’Autorisation de Mise sur le Marché ( A.M.M) ), une durée qui n’excède pas 10 ans en moyenne. Dépassé ce délai, une copie du produit original peut ensuite être développée et commercialisée par un autre laboratoire. On l’appelle médicament générique.
La définition Marocaine du médicament générique est contenue dans la loi 17/ 04 du code du médicament et de la pharmacie, dans son article 3 aliéna 5 définition: « on entend par spécialité générique d’une autre spécialité, une spécialité qui a la même composition qualitative et quantitative en principes actifs, la même forme pharmaceutique, et dont la bioéquivalence avec la spécialité de référence a été démontrée par des études appropriées de biodisponibilité. » Les médicaments génériques existent au Maroc depuis les années 70, et, même pour certains médicaments, le générique a été introduit avant le princeps, c’est-à-dire issus de la molécule mère. Les effets thérapeutiques générés par les génériques sont similaires à ceux des princeps avec un avantage certain sur le coût intéressant tant pour le patient que pour les caisses de l’Assurance Maladie Obligatoire (AMO). Ce qui devrait normalement et en toute bonne logique permettre un meilleur accès de tous aux médicaments et partant une démocratisation de la santé.
A qui profite le médicament générique ?
Soucieux d’assurer à un plus grand nombre de nos concitoyens un plus large accès aux médicaments, un objectif noble qui s’inscrit dans une approche qui privilégie une plus grande justice sociale en matière de santé a été déterminé. Pour réussir ce challenge et relever ce défi, le Maroc doit s’investir dans la promotion des médicaments génériques. Il ne fait aucun doute que les médicaments génériques représentent aujourd’hui un réel enjeu économique.
Dans ces conditions, il est légitime de se poser la question de savoir à qui profite le générique ?
En premier lieu aux malades
On ne le dit pas souvent, mais les premiers bénéficiaires des médicaments génériques sont les patients qui profitent indirectement des économies réalisées, et ce, grâce aux prix des génériques qui coûtent 30 à 50 % moins chers que les princeps et parfois 70 %. En outre, il faut savoir aussi que la stratégie des génériques a eu un réel impact sur certains princeps qui ont vu leurs prix baisser et dont certains sont à peine un peu plus chers que les génériques
Aux laboratoires pharmaceutiques
C’est élémentaire, ça coule de source, bien entendu que cela profite aux laboratoires qui fabriquent les médicaments génériques, alors que la situation est délicate pour ceux qui cèdent leurs brevets .
Aux pharmaciens des officines
On a tendance à croire que les pharmaciens d’officines sont contre les médicaments génériques, et qu’ils préfèrent les princeps car la marge bénéficiaire est plus importante. Ce qui est totalement faux, car les pharmaciens d’officines ont compris mieux que tous les autres que c’est avec la promotion du générique qu’ils pourront se faire de bons chiffres d’affaires, à condition disent-ils que les prescriptions médicales soient établies en dénomination commune internationales ou DCI ( sous le nom chimique de la molécule ), surtout pour tous les médicaments qui ont des génériques. En outre, les pharmaciens tiennent aussi à ce qu’ils puissent exercer le droit de substitution, un autre débat qui suscitera de grandes passions et de grosses vagues.
Aux médecins prescripteurs
Il faut reconnaître que bien des médecins chez nous ne sont pas encore intéressés ou tout au plus ne prêtent pas d’attention au développement des médicaments génériques. Un constat qui n’est nullement le fruit du hasard ou une simple vue de l’esprit, non et mille fois non car nous savons très de quoi nous parlons. Sous d’autres cieux, la place qui est accordée aux médicaments génériques revêt un caractère très important. Tous les habitants de ces pays sont non seulement sensibles aux multiples avantages qu’ils peuvent tirer de ces médicaments moins chers, mais ces mêmes habitants font preuve d’un très grand degré de civilisation et de civisme en adhérant massivement aux décisions et voies qui sont à même de leurs assurer la pérennité de leur sécurité sociale et partant à l’assurance maladie. Le meilleur exemple est celui des pays Européens (85%), au Royaume-Unis (82%), en Allemagne et (76%) aux Pays-Bas, et aux Etats-Unis où le poste du générique représente 70, voire 80 %. Pourtant au niveau de ces mêmes pays, le pouvoir d’achat des citoyens fait rêver plus d’un, ce n’est nullement une question de moyens, mais bien plus une question de conscience, de choix raisonné, de responsabilité. Dans ces conditions, on peut se poser des questions car certains médecins Marocains, contrairement à leurs confrères Européens ou Américains n’adhérent pas à la stratégie qui vise à promouvoir ces médicaments et ce, malgré la multiplication des médicaments génériques dans notre pays où la pénétration des génériques dans le système de santé ne dépasse pas 40 %.