Par Sami Zine
Les marocains, otages de la pandémie et prisonniers à l’étranger contre leur gré, sont mécontents, furax mêmes. Ils sont 30 000 bougres éparpillés dans le vaste monde, étudiants en Ukraine, noceurs aux Iles Maldives, explorateurs aux Philippines, travailleurs en rupture de contrat aux Émirats, et plus prosaïquement touristes en Turquie, en visite familiale en Italie ou en mission de travail à Paris ou à Genève.
L’État les a abandonnés. Il avait autre chose de plus urgent à faire, s’occuper des 35 millions de marocains qui n’ont pas eu la bonne idée de partir à l’étranger avant la pandémie. Il a fermé les frontières du jour au lendemainauxporteurs potentiellement pathogènes d’un emmerdeur minuscule virus. Les étrangers, bien sûr, se sont empressés de renoncer à l’hospitalité marocaine et ont rebroussé chemin sans crier gare par des vols spéciaux pour une meilleure hospitalisation chez eux. Les nationaux, privés de recours malgré l’oisiveté soudaine de la RAM et des hôtels, se sont retrouvés dans une galère à ramer vers l’inconnu!
Devant la lenteur des réponses officielles, jamais transparentes, ils ont dû recourir au système D, et au fil des jours et des semaines, devant le silence assourdissant opposé à leurs suppliques solidaires, leur impatience s’est transformée en un sentiment diffus de rage et de défiance envers l’État qui n’a pas pris la peine de rendre visible leur sort avec des dates et un calendrier. Les réseaux sociaux ont amplifié la résonnance de cette détresse et de ce ton critique peu amène.
La décision récente de lancer enfin cette opération de retour et de prendre en charge ce beau monde très remonté contre le gouvernement est bien sûr tardive. La générosité de l’État à cet égard s’apparente à une compensation pour solder le traitement calamiteux de cette question de tout compte. Cette maigre consolation ne sera pas suffisante pour effacer les sacrifices et les impacts économiques et psychologiques causés par ce traitement. Elle devrait être rehaussée par des excuses gouvernementales pour ces manquements dont les conséquences ont bafoué, dans certains cas, la dignité des gens.