Propos révélateurs de majeurs en attente de vaccination

Le centre de vaccination était situé dans une «Maison des jeunes», elle-même située sur l’avenue Pasteur, au centre de la capitale. Toute une symbolique. Un chapiteau mis en place à l’entrée servait pour l’accueil. De cela, trois personnes s’en occupaient.Après la présentation de la carte d’identité nationale, une première inscription est effectuée sur un registre où sont consignées déjà les données du candidat à la vaccination.

La base de données est complétée et un bout de papier avec un numéro est délivré. Commence alors l’attente avec sa langueur mais aussi avec les échanges et les propos d’une partie de la population, d’un âge certain, que seule la prévention de la covid-19 a réunie.

Le discours ne vient pas de lui-même entre personnes dont chacune traine derrière elle une vie. Chaque personne s’occupe d’elle-même quand elle n’est pas accompagnée par un membre de sa famille, voire de tout un cortège. Cela dépend de l’âge, de l’état de santé mais aussi de la condition sociale. Certains ne peuvent accepter de faire la queue comme tout un chacun et les approches avec les représentants de l’autorité locale qui veillent sur l’opération se font «devant les yeux de BenAddi».

Si elles ne réussissent pas toujours, elles ont le mérite d’initier la discussion entre les personnes qui patientent.

C’est une dame, bien enveloppée dans sa jellaba, qui ainsi provoqua la discussion, en s’interrogeant sur la probabilité de «fuites» dans l’organisation. Quelques rires bien compris ont donné l’occasion à une autre dame, apparemment plus âgée, de faire appel à la patience et à la compréhension de tous.

C’est alors qu’un monsieur qui feuilletait sa revue va se lancer dans une prolixité sur l’aspect critique de la crise sanitaire, son ampleur et l’effort gigantesque fourni par l’autorité pour pouvoir faire vacciner l’ensemble de la population du royaume. On lui rétorqua qu’il ne s’agit pas de cela mais de l’organisation du processus tel qu’il est vécu par les présents. Rien n’y fera pour arrêter le monsieur sur les efforts incommensurables de l’autorité pour permettre une vaccination pour tous et, cerise sur le gâteau, gratuite.«Biliki», comme disait l’autre.

À une question sur le commanditaire du vaccin. Il avoua que c’était l’état. Et l’Etat dépense de l’argent provenant des contribuables, lui retroqua-t-on. Le monsieur voyant arriver la discussion sur le régime fiscal inégalitaire et la volatilité des prix qui ne cessent d’augmenter depuis le début de la pandémie, préféra clore le débat par la formule usitée «Laissons ce chameau assis».

Un court moment de silence plana sur l’assistance. Il fut rompu par l’annonce d’un numéro dont le teneur semblait absent du centre. Chacun des présents regarda son bout de papier pour se rendre compte que l’on était tous encore loin d’être appelés.

Comme pour expliquer l’absence de l’interpellé(e), la dame enveloppée dans sa jellaba annonça le lieu de sa résidence, l’heure à laquelle elle est arrivée au centre de vaccination, son numéro et, enfin (et c’est la probable cause de l’absence à l’appel) qu’elle est allée, en prévision de l’attente, se sustenter aux alentours.

Le débat repris alors sur la commune, les arrondissements, leurs limites et le champ d’action des différentes autorités. Le monsieur « à la revue »marmonna sous son masque «l’Intérieur sait mieux que quiconque ce qu’il en est et ce qu’il faut». Cela imposa un silence lourd et seuls les regards manifestaient la pensée des uns et des autres. Comme pour confirmer la sentence du monsieur, une dame avoua que c’est le moqqadem qui est venu lui signifier son rendez-vous pour la vaccination alors qu’elle n’avait pas user ni du site ni du numéro spécial dédiés.Sur ce, une autre personne raconta son dépourvu devant la convocation à la vaccination qui le prit de court.

L’organisation lui semblait défaillante dans un espace qui ne se prêtait pas entièrement à ce genre d’activité en masse.Un plancher en pente et trop de marches d’escaliers pour des personnes dont la marche n’est pas toujours assurée de bon pied.«Qu’Allah attendrissent les cœurs et que la charité entre les personnes se confirme», déclara une dame qui avait suivi le débat sans broncher.

«Il se peut que vous détestiez quelque chose alors que c’est un bien pour vous» lui répondit l’homme à la revue. «Cette crise a eu pour effet de rapprocher les gens entre eux et avec leur créateur…». «Il y a des cœurs de pierre que rien n’attendrira» renchérit la dame avisée par le moqqadem qui semblait retenir en elle des choses peu agréables sur le quotidien du temps de corona.

L’appel du numéro se fit entendre et l’accès à la salle de vaccination est enfin possible après plus de deux bonnes heures d’attente. Un deuxième registre est rempli grâce à la carte nationale d’identité. Sur des feuillets, l’état de santé est noté. L’interrogatoire est peu discret et les autres «patients» sont dans la confidence des maladies et des traitements. On entend même le cas d’un choc anaphylactique antécédent qui empêcherait la vaccination. Une autre personne use de sa tablette pour compléter la base de données. De quoi connaitre la population marocaine dans ses moindres maux, les grands ne relevant pas du domaine de la santé. Au suivant; et on passe à la vaccination proprement dite.

Accueil agréable, avec le sourire et le sens de l’humour, on se fait piquer sans vraiment le sentir. Quinze minutes d’observation sur des chaises distantes les unes des autres le long du mur, et c’est alors que l’on se rend compte du lieu. Une maison des jeunes qui ne sert plus aux jeunes et qui se délabre…à l’image des personnes venues se faire vacciner.

Ces propos révélateurs de majeurs en attente de vaccination ne doivent pas occulter que notre beau pays est beaucoup mieux loti que d’autres pays, de la région et d’ailleurs, dans ce combat contre la covid19 et particulièrement dans la vaccination de sa population. Déjà rendez-vous est pris pour la deuxième injection, pour l’immunité collective contre le coronavirus et toute autre mal.

P.S. Des majeurs qui se sont faits vacciner dans d’autres centres témoignent de la fluidité de l’opération dans son ensemble à tel point que les propos révélateurs n’ont pas eu à se faire. Dont acte.

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