Les lois électorales adoptées
L’automne prochain, nous souhaitons le vivre comme un printemps de notre jeune démocratie. C’est, en effet, le 7 octobre 2016 que les électeurs marocains sont appelés aux urnes pour élire le nouveau parlement qui déterminera la nature de l’exécutif pour les prochaines cinq années.
Un rendez-vous politique important car il permet non seulement de tirer le bilan d’une politique avec la sanction démocratique issue des urnes mais de prolonger la première expérience issue de la nouvelle constitution, de la conforter dans la pratique, de tester ses différents ressorts à l’aune de l’exercice du pouvoir. De ce point de vue, on peut affirmer en toute objectivité que le Maroc entame une nouvelle page inédite dans le long processus de l’édifice démocratique dans le respect des règles du jeu. On passe ainsi graduellement et progressivement d’une démocratisation maîtrisée –si ce n’est contrôlée– à une démocratisation institutionnalisée.
D’où l’importance que mérite tout le travail en amont que mènent les différents acteurs pour préparer les prochaines échéances. Une remarque s’impose d’emblée. Tout le débat, nourri de quelques polémiques et surenchères, mené autour des lois électorales nous semble répétitif et se situe à un mauvais moment du calendrier. Il est temps en effet de passer à une phase de stabilisation du dispositif qui préside aux opérations électorales, preuve de maturité en adoptant un code électoral, performant, ouvert et démocratique et qui serait inscrit dans le marbre de la pratique institutionnelle. Il en va en effet de l’image que renvoie la classe politique d’elle-même et de la crédibilité de l’ensemble du processus. En réservant l’essentiel de leur effort lors de la dernière année de leur mandat à la réglementation du scrutin à venir, censé les sanctionner dans un sens ou dans un autre, les élus donnent l’impression, avec les différents amendements apportés, d’avoir l’unique souci d’assurer leur retour en adoptant des textes adaptés à leur réélection et de perpétuer les privilèges d’une nouvelle classe pour ne pas dire une nouvelle oligarchie pérennisée par les urnes. Comme quoi le débat autour des textes électoraux préparatoires n’est pas uniquement technique comme le laissent croire les apparences (le laboratoire du ministère de l’intérieur n’est pas complètement aseptisé) ; cette phase préparatoire est éminemment politique.
On peut concentrer l’importance de cette étape fondatrice autour de cette question simple : qu’est-ce qu’un bon parlement ?
Un bon parlement est celui qui représente bien le pays
Qui contrôle bien le gouvernement.
Qui légifère bien.
La première qualité citée, celle de bien représenter le pays reste un enjeu majeur dans le processus de l’édification démocratique. Elle est un enjeu de luttes et de rapport de forces. Elle est tributaire du mode de scrutin adopté. Chaque mode de scrutin renvoie en effet à une vision de la chose publique, à une conception de la démocratie.
Si notre référentiel philosophique en tant que démocrates-socialistes-écologistes nous met du côté de la démocratie directe et participative, dans la phase actuelle de la démocratie représentative nous sommes partisans d’un mode de scrutin sur la base de la proportionnelle intégrale : chaque voix exprimée, chaque courant d’opinion inscrit dans le processus démocratique, devraient se traduire par une représentation au sein du parlement. L’objectif étant de faire coïncider la sociologie politique avec la sociologie tout court. Dans le contexte actuel de l’hyper fragmentation du paysage politique, cela apparaît comme une chimère. Pour nous, c’est un idéal politique pour lequel nous militons et qui reste tributaire de plusieurs paramètres. En premier lieu une maturation des forces politiques; un assainissement du paysage avec une mise au ban de toutes les pratiques de mainmise et de contrôle des forces politiques. Un corps partisan sain fondé sur des clivages sociaux et idéologiques transparents, avec des alliances cohérentes et crédibles offriraient le cadre idoine pour une proportionnelle intégrale seule susceptible de refléter la diversité et la réalité de la société; de dessiner une carte politique fidèle autant que possible se peut à la carte sociologique.
En attendant, le Maroc est en train d’expérimenter des formules intermédiaires. Sans préjuger de l’avenir et dans le cadre du débat que notre parti encourage sur la voie du perfectionnement démocratique, il me semble que le mode le plus approprié et le plus apte à répondre à la nature des rapports de forces actuels n’est autre qu’un mode de scrutin à deux tours avec une dose de proportionnelle. Le scrutin majoritaire est injuste et réduit la représentativité ; le scrutin proportionnel idéal en principe suppose un paysage politique mûr ; nous plaidons alors pour un système mixte sans quota (la démocratie est incompatible avec toute forme de discrimination même dite «positive») ni seuil (la démocratie est incompatible avec les exclusions d’office). Et que le débat continue !
Mohammed Bakrim