Requiem pour un Grand!

Le 05/02/2016, Tayeb Saddiki, un grand dramaturge n’est plus ! Je n’ai jamais connu de près cet homme, je ne l’ai jamais côtoyé ni fréquenté. L’unique souvenir que je garde précieusement de lui, une petite rencontre furtive et inattendue en septembre 1999, en une journée ensoleillé à Casablanca. Le roi Hassan II venait de mourir et les marocains étaient tous dans l’expectative. Je venais de rentrer de l’Allemagne, enthousiaste et hâte de réaliser mon premier court métrage «L’ombre De La mort». J’étais avec feu Mohamed Meziane, le monteur incontournable de beaucoup de films marocains à l’époque. On se promenait le long du boulevard Moulay Abdallah tout en parlant du film lorsque surgit devant nous M. Tayeb Saddiki avec sa chevelure révoltée et son gros cigare aux lèvres. Mohamed Meziane qui le connaissait bien le salua et me présenta modestement à lui.

MEZIANE : (Légèrement ironique)
C’est un jeune qui rentre de l’Allemagne pour commettre un film

TAYEB :(avec son accent habituel)
Ça ne reste jamais impuni ça!
Tôt ou tard tu seras traduit en justice mon enfant!
On avait ri ; excepté lui. Tayeb reprenait sa marche comme s’il ne nous avait jamais rencontrés. Nous le suivions timidement comme pour savourer plus de blagues pleines de signification. Se rendant compte que nous étions toujours là, il me dit

TAYEB
C’est quoi l’histoire de ton film ?

Je commençais, tant bien que mal, à dire tout et n’importe quoi. Tayeb m’écoutait en marchant, sûr de lui et sans même daigner lever le regard vers moi.

TAYEB : (impatient) Taouelti bezzaaaf ou ma guelti walou !
(T’as trop parlé sans rien dire ! Une histoire qui
ne se raconte pas en peu de mot et en peu de temps
n’est jamais claire dans l’esprit de son auteur. Comment
veux tu qu’elle le soit dans celui du spectateur !?)

Me rendant compte qu’il m’était difficile de résumer l’histoire de mon film en quelques mots et en peu de temps comme il l’avait si bien dit, j’avais fini par clore le débat, fier de ma cinéphilie avant-gardiste de l’époque.

MOI : Est-ce important d’avoir une histoire dans un film a si Tayeb?
Un film ne se limite pas uniquement à une histoire.

TAYEB : (toujours calme et sûr de lui)
Eh ben, ça aussi ça se raconte à Oueldi.
Raconte-nous bien l’histoire d’une histoire qui ne peut pas être bien racontée.

Tayeb tire une grande bouffé de son gros cigare et lève nonchalamment la main comme pour nous saluer et prendre congé de nous. Il s’éloigne au milieu de la foule me laissant seul face à mon embarras. C’était la dernière fois que je le voyais en personne. Aujourd’hui je pense qu’il ne se souvient même pas de m’avoir un jour rencontré.

Merci Monsieur Tayeb Saddiki pour cette petite leçon, d’apparence insignifiante mais de nature très profonde et qui est devenue ma devise de tous les toujours : « apprendre à résumer clairement son histoire en peu de mot et en peu de temps». A Dieu M. Tayeb, vous étiez un grand et vous le resterez!

Programme

Vendredi 19 février au complexe culturel Hassan Skalli à Sidi Bernoussi projection des films (à partir de 17h) :

Notre amie l’école (court métrage 1956) de Larbi Benchekroun

Brahim ou le collier de beignets (moyen métrage, 1957) de Jean Fléchet

Pour une bouchée de pain (court métrage, 1959) de Larbi Bennani

Mohamed Mouftakir

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