Colloque en hommage à un militant «exemplaire»
Après le vibrant hommage, qui lui avait été rendu en 2015 lors d’un colloque tenu sous le thème : «Pour le plaisir de mémoire » à feu Simon Lévy, l’idéal de l’homme a encore une fois réuni, mercredi soir dans un auditorium de la bibliothèque nationale à Rabat plein à craquer, toute la société intellectuelle porteuse de valeurs d’universalité, de diversité et de tolérance qui ont de tout temps marqué la vie des Marocains, toutes confessions confondues.
Contrairement à la plus grande partie des juifs du Maroc qui ont cédé aux pressions et à la psychose d’émigrer vers Israël et accepté d’être évacués par les services du Mossad et d’autres organisations sionistes pour partir vers «la terre promise», Shamoûne -puisque c’est par ce nom qu’il préférait être appelé au lieu de Simon – a fait le choix de rester dans son pays natal (natif de Fès), où il a été de toutes batailles et réalisé une œuvre qui force le respect.
Très impressionné par cette assistance nombreuse venue célébrer l’événement cinq ans après la disparition de Chamoûne Lévy, André Azoulay, conseiller de SM le Roi, a affirmé d’emblée que feu Simon Lévy «serait heureux de voir que tous ces jeunes, ces femmes et ces hommes sont venus vivre ensemble et avec intensité cet événement», qu’est la première édition des «rencontres Simon Lévy» autour de ses idéaux et réflexions, à l’initiative de l’Association des Amis du Musée du Judaïsme Marocain (AAMJM), et de l’Association Mimouna et en partenariat avec la Bibliothèque Nationale du Royaume du Maroc. Rencontres qui seront désormais organisées tous les ans à la même période, selon les organisateurs.
Simon était un «pionnier, un visionnaire qui avait entrevu ce Maroc où nous vivons aujourd’hui, doté d’une Constitution qui reconnait à tous la affluents leur place dans la civilisation marocaine». C’est ainsi qu’il est écrit dans le préambule de la Constitution de 2011 : «État musulman souverain, attaché à son unité nationale et à son intégrité territoriale, le Royaume du Maroc entend préserver, dans sa plénitude et sa diversité, son identité nationale une et indivisible. Son unité, forgée par la convergence de ses composantes arabo-islamique, amazighe et saharo-hassanie, s’est nourrie et enrichie de ses affluents africain, andalou, hébraïque et méditerranéen».
Simon Lévy était aussi un fervent défenseur de la cause nationale et de la souveraineté marocaine, a rappelé André Azoulay, affirmant que « nous lui sommes tous redevables d’avoir su résister au doute et de nous avoir transmis un message de la raison devenu constitutif de notre société». Le Maroc se nourrit par l’addition de toutes les civilisations qui y ont existé, selon André Azoulay. «C’est une victoire de tous, mais surtout de Simon Lévy», qui criait haut à qui voulait l’entendre «…..Je suis Marocain avant tout…».
«C’est un militant courageux et un homme politique et un syndicaliste hors pair dont la vie n’a pas été toujours facile, mais qui avait cette vigueur et cette capacité de résister au compromis suspect», d’après André Azoulay, qui explique que Chamoûne était pour lui un compagnon de route «précieux, exigeant et sévère quelques fois, mais qui, au fil du temps, a su écouter les autres. On s’est retrouvés sur l’essentiel», dira le conseiller de SM le Roi.
Simon Lévy «serait heureux aujourd’hui de voir cette salle remplie à craquer et la Constitution de 2011 adoptée» et mise en œuvre, ajouta André Azoualy, qui rappelle être lui aussi porteur de cet idéal et de cet ADN de la diversité, propre à la civilisation marocaine.
Par la suite, il a été procédé à la projection d’un film-documentaire de Younès Laghrari, qui revient sur l’action de Simon Lévy et de son équipe et en particulier de Zhour Rhihel pour collecter tous les documents et archives du Musée du Judaïsme marocain. Le document montre également tout l’effort déployé par feu Simon pour la restauration des monuments et synagogues juifs au Maroc qui «font partie intégrante selon lui du patrimoine marocain».
C’est dans cet ordre d’idées que Jamaâ Baïda, directeur des Archives du Maroc a, d’entrée, exprimé sa grande gratitude à Jean et Jacques Lévy, fils de Chamoûne Lévy, pour avoir fait don du legs de leur père aux «Archives du Maroc» pour «pérenniser la mémoire» du professeur et mettre à la disposition du grand public et des chercheurs des documents de grande valeur.
Il a rappelé qu’une convention de don d’archives a été signée pour ce faire, le 28 septembre 2016, entre les donneurs et «Archives du Maroc» aux termes de laquelle ils ont remis à l’établissement un ensemble de documents qui retracent la carrière du professeur, du chercheur et du militant de gauche, Simon, ses travaux pour l’obtention de son DES et sur le judaïsme et sa thèse de doctorat en plus d’un dossier linguistique, des rencontres et d’autres documents sur le PCM, le PLS et le PPS, outre des recherches sur la culture amazighe, des fiches linguistiques et des documents personnels.
Encouragé par ce don, l’établissement est allé collecter d’autres documents ailleurs en France et dans d’autres pays sur le patrimoine juif marocain, a-t-il dit, avant de ne remettre un trophée et une attestation des Archives du Maroc aux fils du défunt en reconnaissance de leur générosité.
L’assistance a ensuite suivi un film de Younès Laghrari intitulé «Marocains juifs : destins contrariés», qui revient, avec des témoignages et déclarations à l’appui, sur le départ massif des juifs du Maroc, en particulier vers Israël, ainsi que sur les raisons qui ont précipité ce mouvement d’émigration entre les années 1940 et 1960 vers « la terre promise ». On ne compte plus de nos jours qu’environ 2000 Marocains de confession juive, au moment où ils représentaient environ 4% de la population marocaine.
Les Juifs du Maroc ont accepté d’être évacués parce qu’on les avait privés de leurs rabbins en leur faisant miroiter aussi l’Eldorado à Israël. Ils sont partis de peur de leur avenir «incertain». Ils ont émigré parce que le Mossad et d’autres organisations sionistes colportaient des menaces fausses ou vraies contre eux, apprend-on dans les témoignages rapportés dans le film, qui a été longuement applaudi et suivi avec grand intérêt par l’assistance. Mais une chose est certaine : l’émigration des juifs du Maroc avait coïncidé avec la montée du panarabisme, du nationalisme arabe avec Jamal Abdelnaceur, venu en visite au Maroc en 1961. Les départs s’étaient intensifiés suite aussi à la guerre des six jours, sans oublier les manœuvres et manipulations des organisations sionistes et du Mossad.
Né à Fès en 1934, Simon Lévy est décédé le 2 décembre 2011 à Casablanca. Il est cofondateur de l’UNEM, puis membre de la direction de l’UMT et du PCM, devenu PLS puis PPS. Ce grand militant n’a jamais renié ses engagements, même quand la répression s’est abattue sur lui. «En mars 1965, il a été arrêté en marge des événements de Casablanca», se souvient son compagnon de lutte et actuel président du Conseil de la présidence du PPS, Ismail Alaoui. «Même sous la torture, il est resté exemplaire, fidèle à ses convictions».
M’Barek Tafsi