Soudan : Un retour vers la dictature ?

Attendons pour voir…

Nabil El Bousaadi

Le coup d’Etat perpétré par le général Abdel Fattah Al-Bourhane, le 25 Octobre dernier, a plongé le Soudan dans une spirale de violence à telle enseigne que, pour disperser les manifestants, les forces de l’ordre ont eu, parfois, recours à des tirs à balles réelles.

Si, donc, pour dénoncer le pouvoir militaire en place, ce sont des milliers de soudanais qui, le 17 janvier, en dépit de l’important déploiement des forces de l’ordre, étaient descendus dans les rues de la capitale et notamment  aux abords du palais présidentiel qui fut le quartier général de l’ancien président Omar el-Béchir et qui sert, aujourd’hui, de siège aux autorités militaires de transition, il y a lieu de reconnaître que c’est pour la première fois qu’outre les bombes lacrymogènes, les grenades assourdissantes et les canons à eau, les forces de l’ordre ont inclus des armes lourdes, dans leur arsenal, puisque des mitrailleuses étaient bien visibles sur leurs véhicules.

Au cours de cet affrontement, plusieurs manifestants se sont effondrés après avoir été asphyxiés par du gaz lacrymogène ou, au pire, touchés de plein fouet par des grenades si bien que, d’après un collectif de médecins, sept manifestants auraient été fauchés par des tirs à balles réelles ; ce qui porterait le bilan macabre de cette répression féroce à quelques 71 morts depuis fin Octobre.

Mais Khartoum, la capitale du pays, n’est pas la seule ville du Soudan qui a été touchée par cette vague de manifestations contre le pouvoir en place car dimanche dernier, c’est dans le nord du pays que les soudanais ont protesté tellement fort contre le doublement du prix de l’électricité en bloquant les routes qui mènent vers l’Egypte notamment que le pouvoir militaire fut contraint de se rétracter et d’annuler cette décision qui, aux dires des protestataires, aurait signé « l’acte de décès » de l’agriculture du pays.

Pour rappel, c’est la décision du triplement du prix du pain prise, en 2018, par le Général Omar al-Béchir qui avait déclenché les émeutes qui aboutirent au renversement de ce dernier l’année suivante.

Aussi, toute augmentation des prix des services et des denrées de première nécessité et toute suppression des subventions étatiques sur les produits de base déclencheront, incontestablement, le chaos dans un pays où les 45 millions d’habitants doivent déjà composer avec une inflation de l’ordre de près de 400% et où, d’après l’Organisation des Nations-Unies, en 2022, le tiers de la population totale du pays aura besoin d’une aide alimentaire d’urgence.

D’un autre côté, Ibrahim Ghandour, l’ancien ministre des Affaires étrangères d’Omar el-Béchir et ses co-détenus ont entamé une grève de la faim à laquelle ils ne mettront fin, d’après leurs proches, qu’une fois libérés ou, à la limite, appelés à comparaître devant un « tribunal impartial ».

Or tout cela ne fait que compliquer davantage la situation car après que le parquet ait requis, la semaine dernière, la libération de plusieurs responsables de l’ancien régime, le général Abdel Fattah al-Bourhane, seul maître à bord, a ordonné leur maintien en détention.

Ainsi, en restant sourd aux revendications de la rue, le nouvel homme fort du pays a tenu lundi une réunion d’urgence non pas pour appeler ses forces au calme au vu du nombre croissant de morts et de blessés parmi la population civile mais pour annoncer la création d’« une force spéciale de lutte contre le terrorisme pour faire face aux menaces potentielles ».

Or, de l’avis de Kholood Khair, du centre de réflexion « Insight Strategy Partners », ceci ne présage rien de bon dès lors que « cette initiative pourrait aller de pair avec la rumeur de la formation d’un conseil supérieur de sécurité, qui permettrait aux services de renseignements d’accroître leur poids dans la vie civique et politique ».     

Elle considère, par ailleurs, que « ce discours anti-terroriste » pourrait aider les militaires à « asseoir leur contrôle sur les manifestants et autres opposants » et leur fournir, par la même occasion, « une base légale pour les détentions extrajudiciaires et autres violations des droits humains ».

Au vu de tout cela, il semblerait, a priori, que la voie soit toute tracée pour l’émergence d’un nouveau régime dictatorial sans Omar el-Béchir, cette fois-ci, mais attendons pour voir…

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