Attendons pour voir…
Nabil El Bousaadi
Dans l’euphorie du printemps arabe – que d’aucuns avaient, à juste titre, appelé «printemps à barbe» dès lors qu’il avait permis, à plusieurs mouvements islamistes, de sortir de l’ombre pour tenir le haut du pavé, dans divers pays arabes – les adolescents syriens qui avaient écrit, sur le mur d’une école de Damas, «Ton tour arrive, docteur !», l’avaient payé très cher eu égard aux sévices corporels et aux tortures qui leur furent prodiguées pour avoir osé apostropher le président-dictateur.
C’est dans la foulée de cet évènement que fut déclenchée cette épouvantable guerre civile qui n’a connu son dénouement que ce 8 décembre 2024 avec l’effondrement du régime d’al-Assad et la fuite du «boucher de Damas».
Aussi, avec la concrétisation, quatorze années plus tard, de la prophétie de ces jeunes adolescents et la prise de Damas par les islamistes du groupe Hay’at Tahrir al Sham (HTS) conduits par Abou Mohammad al Joulani, s’est ouvert un nouveau chapitre dans la configuration politique au Moyen-Orient.
En considérant que quand son heure est arrivée, le docteur-tortionnaire n’a dû son salut qu’aux soldats russes qui l’ont mis à bord de l’avion qui l’a emmené se réfugier en Russie, cette nouvelle «victoire» des forces islamistes, au Moyen-Orient, a été favorablement accueillie en terre d’Afrique subsaharienne où prolifère, depuis plusieurs années déjà, le jihadisme militant si bien que, dans une déclaration commune publiée le 9 décembre sur «Telegram», les branches d’Al-Qaïda en Afrique du Nord et au Sahel – «Jamaat Nusrat al-Islam wal-Muslimin» (JNIM) et «Al Qaïda au Maghreb Islamique» (AQMI) – se sont déclarées particulièrement ravies d’assister au renversement d’al-Assad par les islamistes de HTS.
Aussi, après avoir félicité la Oumma islamique et leurs «frères» syriens pour cette « grande conquête » qui a permis de libérer des milliers de prisonniers des geôles du dictateur syrien et exhorté les nouveaux maîtres de Damas à reconstruire le pays en tant qu’« entité sunnite » régie par la Chariâa, ils ont émis le souhait d’assister à l’émergence d’une nouvelle Syrie où l’islam sera glorifié.
Mais, en reconnaissant, néanmoins, que la création d’une «entité sunnite» en Syrie sera ardemment combattue par les Etats «infidèles et athées», les signataires du message précité ont invité les nouvelles autorités syriennes à s’allier aux leaders d’opinion islamistes afin de rassembler leurs forces pour pouvoir remporter la «bataille de la prise de conscience et de l’orientation».
Il est acquis, enfin, que bien qu’étant issu du mouvement d’Oussama Ben Laden, le groupe HTS d’Abou Mohammad al-Joulani s’en était démarqué, en 2016 et qu’après avoir combattu, en 2020, tous les mouvements restés liés à Al Qaïda qui contrôlaient Idlib et parmi lesquels figuraient notamment ses anciens partenaires appartenant à «Hurras al-Din», il a fini par se délester des habits de l’islamisme radical et n’a plus cessé, depuis lors, de déployer des efforts pour se rapprocher de la communauté internationale et pouvoir, à terme, s’établir en tant qu’entité politique légitime «fréquentable» apte à gouverner la Syrie et non plus comme groupe jihadiste, mais attendons pour voir…