Un choix forcé ?

Le phénomène de la mendicité au Maroc se mue. Jusqu’alors l’apanage des locaux, la mendicité est de plus en plus pratiquée par les ressortissants subsahariens et Syriens. A Casablanca, Rabat, Mohammédia et d’autres villes… on les rencontre dans les endroits névralgiques. Les embouteillages et les longues files d’attente aux heures de pointe constituent une aubaine pour eux. Au niveau des feux rouges, ils sont de plus en plus nombreux à mendier, une activité condamnée par la loi marocaine.

Il est  9h ce vendredi. Au niveau de la route des Ouled Ziane, un groupe de mendiants subsahariens sont repartis au niveau des trois feux rouges du boulevard. Teint noir terne, vêtus de haillons, ces Subsahariens portent désormais l’étiquette de «mendiants ». A chaque arrêt de voitures, ils  circulent entre le trafic, tendant à tout venant leurs mains pour recevoir quelques pièces. Si certains chauffeurs sont réceptifs à leurs demandes, d’autres déclinent et reprennent leur chemin. Avec les quelques dirhams qu’ils parviennent à recevoir, certains s’offrent un petit déjeuner modeste dans une échoppe des environs. Assis toujours en groupe, ils savourent leur repas matinal, de quoi avoir la force et l’énergie pour poursuivre l’activité en journée. Si cet endroit est  désormais réputé par le nombre croissant de mendiants subsahariens,  d’autres investissent désormais le boulevard Ibn Tachfine situé à quelques encablures et d’autres rues et avenues de la ville blanche. A proximité de Technopark, au quartier Californie, un endroit huppé de la ville blanche, c’est une autre catégorie de mendiants qui demandent l’aumône au quotidien. Des femmes et jeunes filles réfugiées syriennes arborant des pancartes appelant à l’aide. Certains usent de divers  moyens pour susciter la compassion : ils nettoient les pare-brises des véhicules… pour mériter une pièce.

Le phénomène de la mendicité des étrangers au Maroc prend de l’ampleur. Pour les neuf premiers mois de l’année 2016, ce sont 415 ressortissants étrangers qui ont été interpellés dans le cadre de la lutte contre la mendicité habituelle par les services de sécurité, révèle la direction générale de la sûreté nationale (DGSN). A en croire les chiffres de la DGSN, certains mendiants auraient été interpellés en possession de stupéfiants. A dire que si pour certains de ces étrangers, la mendicité est la source de leur pain quotidien, pour d’autres c’est un moyen pour exercer des pratiques illégales comme le trafic de drogue. En Mars dernier, à Agadir, quatre Subsahariens mendiants ont été arrêtés par les services de police pour trafic de cocaïne. Les mis en cause auraient avoué travailler pour le compte d’un trafiquant installé à Rabat.

Au-delà de la pratique de trafic de stupéfiants, la mendicité reste une activité punie par la loi. Ceci étant, les mendiants subsahariens, en particulier, s’inscrivent dans une double illégalité, d’autant qu’ils sont généralement dans une situation juridique irrégulière. Ce qui n’est pas le cas des mendiants syriens qui possèdent le statut de réfugié attribué par le Haut-commissariat aux réfugiés (HCR). Devant la modicité de l’aide octroyée, ils se tournent vers cette activité illégale.

famille-subsaharienneLes raisons de la mendicité chez les étrangers varient. Si pour certains, il s’agit de recevoir de l’aide, pour d’autres, c’est un moyen détourné pour des pratiques illégales. Selon l’Association Afrique Culture Maroc (ACM), le phénomène croissant de la mendicité des étrangers s’explique par le fort taux d’analphabétisme chez cette population. En 2007, confie l’association, sur les 10 000 subsahariens présents au Maroc, 31,7% étaient analphabètes ; la plupart étant en quête de l’eldorado européen. Certains ne maitrisent ni le français, ni l’arabe. Ce taux d’analphabétisme est à la base du manque de qualification professionnelle, de l’instabilité financière et donc de la mendicité dans les rues.

Conscient de l’illégalité de la mendicité et de sa connotation sociale, plusieurs associations de migrants ont mis en place des programmes de formation visant l’autonomisation des ressortissants étrangers, entre autres le projet «intégration par la formation» (IF) lancé par l’ACM. Ce projet réalisé en 2015 en partenariat avec le Ministère des MRE et des affaires  de  la migration, a permis la formation d’une vingtaine d’aide soignantes, l’apprentissage des langues au sein de la population migrante…

Si ces projets sont louables, ils ne parviennent toujours pas à endiguer le phénomène de mendicité parmi les étrangers d’autant qu’ils se comptent sur le bout des doigts.

Danielle Engolo

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