Une campagne électorale iranienne en demi-teinte

Attendons pour voir…

Nabil El Bousaadi

Le «Conseil des gardiens» – l’équivalent iranien du Conseil Constitutionnel – un organe non-élu rattaché à l’aile la plus dure du régime et chargé d’étudier les candidatures en fonction de leur loyauté envers la République islamique, a transmis au ministère de l’intérieur, ce mardi 25 mai 2021, la liste des 7 candidats retenus sur les 600 prétendants qui voulaient participer à la course à la présidentielle prévue le 18 Juin prochain.

En excluant les principales figures des camps réformateur et modéré, ce Conseil, qui comprend douze membres dont six sont nommés directement par le Guide Suprême et les six autres élus indirectement, cherche, ainsi, à baliser la voie à Ebrahim Raïssi, l’actuel chef du pouvoir judiciaire, un ancien procureur-adjoint de Téhéran critiqué, sans relâche, par plusieurs ONG pour ses procès inéquitables. Fils spirituel de l’ayatollah Ali Khameneï, ayant déjà le statut d’Hojatolislam qui est l’antichambre du stade suprême d’ayatollah, l’individu est pressenti, à terme, pour succéder au Guide Suprême.

Si donc, parmi les « recalés », on trouve des poids-lourds, dont le vice-président Eshaq Jahangiri, un réformateur qui concentrait tous les  espoirs de la gauche iranienne, l’ancien chef du Parlement, le conservateur Ali Larijani et même l’ancien président ultra-conservateur Mahmoud Ahmadinejad, force est de reconnaître qu’il s’agit-là d’un coup dur porté aux espoirs des électeurs réformateurs qui comptaient se rendre aux urnes pour empêcher Ebrahim Raïssi d’accéder à la présidence car, à l’exception du candidat du pouvoir, tous ceux qui ont été retenus sont des « petites pointures » qui n’ont aucune chance de le bousculer de quelque manière que ce soit puisque les « plus grands » d’entre eux sont deux réformateurs qui ne pèsent pas lourd ; à savoir, Saïd Jalili, un ultra sans grand soutien et Mohsen Rezaï, un ancien commandant des Pasdaran, Gardiens de la Révolution, qui s’était déjà présenté sans succès en 2005, 2009 et 2013.

Longtemps resté dans l’ombre de la République, Ebrahim Raïssi qui était à la tête de la fondation qui gère le mausolée de l’imam Reza à Mashhad, ville sainte chiite, fait partie de ceux qui avaient mis en œuvre les purges dont furent victimes, à la fin de la guerre contre l’Irak, les milliers voire même les dizaines de milliers de prisonniers politiques qui furent exécutés en 1988.

Pour rappel, la première incursion d’Ebrahim Raïssi  en politique avait été un échec lorsqu’en se présentant en 2017 contre le président Hassan Rohani, figure de proue du courant modéré, il avait occupé la deuxième place avec 38% des suffrages exprimés et permis, ainsi, au président sortant, de rempiler pour un second mandat à l’instar de tous ses prédécesseurs depuis 1981.

Ainsi, après avoir échoué à propulser à la tête de l’Etat celui qui était chargé des basses œuvres de la République islamique, le Guide suprême lui confiera le pouvoir judiciaire et Ebrahim Raïssi sera même « présenté, par la presse iranienne, comme étant celui qui aura tenté de lutter contre la corruption à la tête du pouvoir judiciaire » et soutenu, à ce titre, par «les conservateurs du Bazar».

Mais, en considérant que les appels à déserter les urnes le 18 Juin prochain ne cessent de se multiplier, le seul adversaire de taille que redoute, pour l’heure, le pouvoir de Téhéran reste l’abstention. Aussi, pour attirer les électeurs, Mohammad-Javad Azari Jahromi, le ministre des Télécommunications a proposé d’offrir un mois de forfait à tous les iraniens afin qu’ils puissent suivre une campagne électorale qui se déroulera essentiellement « en ligne » du fait d’une pandémie toujours virulente dans le pays.

Ce «cadeau» gouvernemental sera-t-il suffisant pour pousser une population particulièrement désabusée à investir, en masse, les bureaux de vote le 18 Juin prochain ? Rien n’est moins sûr, pour l’heure, mais attendons pour voir…

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