Une célébration en demi-teinte, Covid-19 oblige

Journée nationale du théâtre

Ce 14 mai, le Maroc célèbre la Journée nationale du théâtre, une occasion pour professionnels et amateurs des planches de faire un état des lieux du père des arts. Or, pour la deuxième année consécutive, la célébration de cet événement est nuancée par la situation sanitaire liée à la Covid-19.

En effet, la propagation de la pandémie de la Covid-19 dans le monde et les mesures sanitaires visant à enrayer son avancée ont fait disparaître l’ingrédient principal de l’art de la planche, à savoir l’interaction entre le comédien et les spectateurs, laissant la place au virtuel voire à la salle vide.

La pandémie a fortement impacté le secteur du théâtre, déjà fragile, de par les effets psychologiques et sociaux que ses professionnels subissent, notamment ceux qui n’ont d’autre revenu que ce qu’ils gagnent du secteur artistique en général et théâtral en particulier.

De l’avis de Messaoud Bouhcine, président du Syndicat marocain des professionnels des arts dramatiques, la pandémie a aggravé les conditions sociales d’une large frange de professionnels du théâtre, qui n’ont pas pu être assimilés dans le secteur du cinéma et de la télévision.

Au volet culturel, la pandémie a gelé l’activité culturelle et artistique, privant les professionnels des arts vivants, notamment du théâtre, de leur métier, indique-t-il dans un entretien accordé à la MAP à l’occasion de cette journée à grande dimension symbolique.

Aussi, le théâtre national a enregistré jusqu’à 2018 une évolution considérable avec l’apparition de nouveaux artistes et de projets culturels diversifiés. «L’on s’attendait à davantage de progrès mais cette dynamique s’est transformée en récession en raison de la pandémie!», relève ce docteur en dramaturgie de l’Université de Bucarest (Roumanie) au sujet des effets du prolongement de la crise sanitaire sur le théâtre national, aussi bien professionnel qu’amateur.

M. Bouhcine a mis en relief la symbolique de cette journée, qui commémore la lettre adressée par Feu SM le Roi Hassan II au tout premier colloque national du théâtre professionnel, tenu le 14 mai 1992.

«Cette lettre royale constitue un véritable jalon de l’histoire du théâtre national du fait qu’elle a consacré une série d’acquis», a-t-il tenu à souligner.

Pour ce fin connaisseur des détails du secteur, la Journée nationale du théâtre se veut être «un moment de réflexion autour du théâtre national et des acquis obtenus au cours des 29 dernières années, aussi bien au niveau organisationnel qu’artistique».

Même son de cloche chez le metteur en scène et dramaturge, Hassan Hammouche, qui estime que la conjoncture sanitaire mondiale est devenue tragique, «si bien qu’elle a mis à nu la fragilité de certains secteurs, dont le secteur culturel qui était déjà en difficulté avant le début de la pandémie».

«Beaucoup d’artistes ont malheureusement dû se tourner vers d’autres activités pour subvenir à leurs besoins», déplore-t-il, relevant au passage qu’à moins d’une «vision stratégique pour réduire le déchirement social et psychologique provoqué par la pandémie, la situation ne ferait qu’empirer».

«Au mois de mars, les professionnels du théâtre ont célébré en demi-teinte la journée mondiale du père des arts et c’est encore le cas aujourd’hui en raison de la fermeture des salles de spectacle», confie à la MAP le président de la Fédération marocaine des troupes du théâtre professionnel.

L’observation de la Journée nationale du théâtre n’est pas une célébration en soi, selon Hammouche, également professeur d’enseignement artistique.

De son avis, il s’agit plutôt d’une remise en question vis-à-vis de la concrétisation des grandes lignes contenues dans la lettre adressée par Feu SM le Roi Hassan II au premier Colloque national du théâtre professionnel, instaurant ainsi la journée nationale du théâtre.

Pour Hammouche, également directeur artistique et administratif de la Troupe de Théâtre TENSIFT, «cette lettre a tracé la voie pour un véritable décollage du domaine théâtral, considéré comme une locomotive pour de nombreux autres arts, de même qu’elle consacre l’engagement de l’Etat envers ce secteur».

«La Journée nationale du théâtre est une journée de responsabilité et de rétrospective et non de célébration» estime-t-il. Selon lui, il s’agit là d’un événement visant à «faire une introspection de notre expérience théâtrale au niveau structurel et juridique et à passer en revue les stratégies prévues par l’État pour le décollage du secteur».

Sans s’arrêter sur la morosité du secteur culturel dans son ensemble à cause de la pandémie, la célébration de la Journée nationale du théâtre fait office de rappel quant à la nécessité de préserver cet art essentiel en ce sens qu’«une pièce de théâtre, c’est quelqu’un. C’est une voix qui parle, c’est un esprit qui éclaire, c’est une conscience qui avertit», comme l’avait si bien décrit le célèbre auteur Victor Hugo au XIXè siècle.

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