Une vie pour l’espoir des non voyants

Quand, au début des années 90, Az El Arab Idrissi apprend qu’il est atteint de rétinite pigmentaire, une maladie associée à une perte progressive de la vue, sa carrière d’enseignant est sur le point de chambouler. Mais il décide de transformer son mal en force. Il apprend soi-même le braille pour rester actif. Une détermination dont profiteront plusieurs jeunes aveugles et déficients visuels défavorisés au Maroc. Il fonde en 1998 avec d’autres non voyants l’association Ligue Braille Maroc. L’objectif étant de donner espoir aux déficients visuels au Maroc par l’apprentissage du braille. Aujourd’hui, l’association dispose d’un centre à Taza qui accueille des jeunes déficients visuels de part et d’autre du Maroc.

Vers la fin des années 90, Az El Arab Idrissi décide de créer Ligue Braille Maroc, après avoir appris tout seul à surmonter son handicap. «L’association se veut indépendante et ne fait pas partie de Ligue Braille qui existe en Belgique», insiste-t-il. «Au début des années 90, quand j’ai appris que j’étais atteint de cette maladie, je me suis dit, je ne vais pas rester les bras croisés. J’ai commencé à chercher et effectivement, j’ai appris tous les codes braille», confie t-il à Al Bayane.  Il met alors son expérience au profit des non voyants «qui vivent dans des zones reculées et qui ne savent pas que même si on ne voit pas on peut lire et écrire et vivre dans la société», souligne t-il. L’association se donne donc pour objectif d’enseigner le braille aux non voyants pour être autonomes, de leur apprendre à se repérer, de lutter contre l’analphabétisme chez les non voyants, de sensibiliser le public au handicap visuel et de créer une solidarité active entre voyants et non voyants. «Depuis 2000, nous faisons des dépistages à travers les écoles dans lesquels il y’a un grand nombre d’enfants démunis. Nous leur permettons de passer facilement un diagnostic, des consultations médicales chez des ophtalmologues gratuitement. Nous préparons également des lunettes de correction», ajoute t-il. L’association dont le siège est à Taza est membre de l’Union francophone des aveugles (UFA) depuis 2001. Elle assure la présidence du forum national des associations d’handicapés au Maroc (FNAHM) et est représentante régionale du Collectif national pour la promotion des personnes en situation de handicap dans la région Taza-El Hoceima-Taounat.

Un centre pour la formation des déficients visuels

Quatre ans après la création de Ligue Braille Maroc, l’association lance en 2002 un centre  d’apprentissage et de formation à Taza, en partenariat avec l’INDH.  Avec le temps, l’établissement est autorisé par l’Etat dans le cadre d’établissements de protection sociale. Si le centre est niché à Taza, il a un caractère national, précise le président de Ligue Braille. Il accueille gratuitement des jeunes non voyants venant de tout le Maroc. A l’heure actuelle, il héberge 24 jeunes dont 12 garçons et 12 filles. «Nous travaillons, notamment sur l’apprentissage du braille, l’alphabétisation, la formation professionnelle et nous faisons également la prévention contre la cécité», souligne t-il. Grâce à des enseignants bénévoles, le centre a permis à plusieurs jeunes déficients visuels, non seulement d’apprendre à écrire et à lire, mais d’obtenir également des diplômes puisqu’il les prépare aux examens du primaire, du secondaire, du baccalauréat. Et les success stories sont au rendez-vous. Il y’a trois ans, le centre a préparé 6 jeunes en option libre au baccalauréat qui ont tous réussi avec mention et sont actuellement en licence. Il y’a de cela deux ans, un élève du centre a été admis à l’université américaine  de Casablanca, se réjouit Idrissi. Au-delà de l’apprentissage du braille, le centre se veut surtout un lieu d’intégration permettant aux non-voyants de vivre en société et d’être plus autonomes. L’établissement dispense également des formations professionnelles. Depuis septembre 2002, 89 non voyants ont reçu la formation d’opérateur en téléphonie moderne. Ces formations sont organisées, en partenariat avec le Ministère de l’emploi et de la formation professionnelle, le Ministère du développement social, de la solidarité et des handicapés, l’Entre-aide Nationale et le PNUD.

Si les moyens et subventions dont dispose le centre ne sont pas toujours énormes, pour Az El Arab Idrissi, le plus important est de dessiner un sourire sur le visage de ces jeunes non-voyants. «Quand on voit le sourire des jeunes qui avancent dans leurs études, cela nous encourage. Ce sont des choses que nous aimons faire. Il y’a un impact positif  sur ces personnes qui peuvent participer à la société, avoir un foyer», conclut-il.

Danielle Engolo

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