Wickremesinghe élu avec le soutien du clan Rajapaksa

Sri Lanka

Ranil Wickremesinghe, président par intérim du Sri Lanka, a été élu mercredi président avec le soutien du clan de l’ex-chef d’Etat Gotabaya Rajapaksa, qui a démissionné la semaine dernière après avoir fui son pays en faillite.
M. Wickremesinghe, qui a été six fois Premier ministre, a été désigné chef de l’Etat à une écrasante majorité par les députés avec 134 voix, contre 82 à son principal adversaire Dullas Alahapperuma et seulement trois pour le candidat de gauche Anura Dissanayake.

« Nos divisions sont maintenant terminées », a déclaré ce cacique de la politique sri-lankaise de 73 ans, dans un discours prononcé devant le Parlement juste après son élection.
Il devrait officiellement prêter serment jeudi, selon le bureau du président du parlement. Le nouveau président a évoqué une cérémonie simple dans le bâtiment du Parlement, placé sous étroite surveillance.
M. Wickremesinghe, dont l’ambition de tout une vie est ainsi consacrée, a bénéficié du soutien du SLPP, le parti des Rajapaksa, le premier parti au parlement en nombre de sièges.

L’ancien président Mahinda Rajapaksa, frère aîné de Gotabaya et chef du clan familial, est toujours dans le pays et, selon des sources du parti, a exercé des pressions sur les députés pour qu’ils soutiennent M. Wickremesinghe.
Aussitôt élu, le nouveau président a appelé M. Alahapperuma, 63 ans, à le « rejoindre afin de travailler ensemble pour sortir le pays de la crise ». Ce dernier, un ancien ministre de l’Education dissident du SLPP et soutenu par l’opposition, s’était engagé cette semaine à former « un véritable gouvernement consensuel ».
M. Wickremesinghe, élu pour la période restante du mandat de M. Rajapaksa, qui se termine en novembre 2024, doit maintenant choisir un Premier ministre pour former un nouveau gouvernement.
Il hérite d’un pays de 22 millions d’habitants ravagé par une crise économique catastrophique qui provoque des pénuries d’aliments, de médicaments et de carburants.

L’île, qui a fait défaut en avril sur sa dette étrangère de 51 milliards de dollars, n’a même plus assez de devises pour financer ses importations essentielles, et espère un plan de sauvetage du Fonds monétaire international (FMI).
Le président du Parlement, Mahinda Abeywardana, a estimé que « les yeux du monde entier » étaient rivés mercredi sur cette élection, en se félicitant de cette « session historique, non seulement pour le parlement mais aussi pour le pays tout entier ».

Mais Ranil Wickremesinghe est honni par les manifestants, qui le considèrent comme un allié et protecteur de Gotabaya Rajapaksa. Ce dernier a fui la colère de son peuple le 9 juillet aux Maldives avant de trouver refuge à Singapour, où il a présenté sa démission.
Devant le Bureau présidentiel – où les manifestants campent depuis des mois avant d’obtenir le départ de Gotabaya – un ingénieur, Nuzly Hameem, s’est dit « déçu » par ce résultat.
« Nous espérions mieux de nos parlementaires », a-t-il déclaré à l’AFP.
Les manifestations vont « évidemment » se poursuivre, a-t-il ajouté, mais « nous sommes épuisés, ça dure depuis quatre mois ».

Mardi après-midi dans la capitale, des centaines d’étudiants avaient manifesté leur opposition à M. Wickremesinghe.
« Nous n’avons pas peur de Ranil », a déclaré Wasantha Mudalige, un leader étudiant, et « nous le chasserons comme nous l’avons fait pour Gotabaya ».
Lundi, M. Wickremesinghe, alors encore président par intérim, avait prolongé l’état d’urgence, qui confère à la police et aux forces de sécurité des pouvoirs étendus.
La semaine dernière, il avait ordonné l’expulsion des manifestants des bâtiments officiels qu’ils occupaient dans le centre de Colombo.
Selon le député tamoul d’opposition Dharmalingam Sithadthan, l’intransigeance affichée par M. Wickremesinghe à l’égard des manifestants a été bien accueillie par les députés, beaucoup ayant été victimes de violences pendant les manifestations.

« Ranil apparaît comme le candidat de la loi et de l’ordre », a déclaré M. Sithadthan à l’AFP.
D’après l’analyste politique Kusal Perera, « Ranil a regagné l’acceptation des classes moyennes urbaines en rétablissant certains services comme le gaz, et il a déjà montré sa fermeté en faisant évacuer les bâtiments du gouvernement ».
Les observateurs s’attendent à ce que M. Wickremesinghe réprime durement toute manifestation. Et à ce qu’il nomme Premier ministre son ancien camarade de classe Dinesh Gunawardena, 73 ans, un ex-ministre de la Fonction publique et fervent partisan du clan Rajapaksa auquel il est redevable.

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