Zemmour s’inspire de Trump

Provocations, obsession identitaire

Le pamphlétaire d’extrême droite Eric Zemmour, très probable candidat à la présidentielle française, ne s’en cache pas: il admire Donald Trump et s’inspire de la stratégie de conquête du pouvoir de l’ancien président américain.

Lors de sa marche victorieuse vers la Maison Blanche en 2016, Trump « a réussi à coaliser les classes populaires et la bourgeoisie patriote. C’est ce dont je rêve … depuis 20 ans », a récemment déclaré l’ancien éditorialiste français, qui se voit lui aussi comme l’homme capable de « renverser la table », torpiller « les élites ».

Celui qui unirait « les Gilets jaunes », ces Français des classes populaires à l’origine d’une des plus graves crises sociales du quinquennat Macron, « avec la bourgeoisie catholique traditionaliste », devant laquelle il s’exprimait récemment à Versailles.

« La menace d’une tragédie trumpienne émerge en France », mettait en garde fin octobre le Washington Post dans ses pages Opinion en évoquant Eric Zemmour, « un fantasme des médias de droite qui pompe tout l’oxygène de la campagne présidentielle française avant même d’être candidat ».

Provocations, sorties extrémistes, hystérisation du débat, obsession de l’immigration, de la dévirilisation de la société, mépris du « politiquement correct »… Trump et Zemmour ont effectivement des choses en commun, et notamment celle de se présenter comme des « sauveurs » d’une identité en déclin.

« La France n’a pas dit son dernier mot », titre du dernier livre de Zemmour, a un lointain écho du « Make America Great Again » de Trump.

Et ses provocations, comme récemment celle de viser des journalistes avec un fusil lors d’un salon d’armement, sont reprises ad nauseam sur les réseaux, lui assurant une visibilité quotidienne.

« Je crois au parallèle Zemmour avec Trump, mais aussi avec Boris Johnson », l’homme du Brexit et Premier ministre britannique, déclarait récemment à l’AFP l’ancien ambassadeur français à Washington, Gérard Araud. En relevant que les trois hommes réussissent à incarner une sorte de fantasme national dans leurs pays respectifs: « en gros, les Américains veulent un milliardaire, les Britanniques quelqu’un qui sort d’Eton ou d’Oxford, les Français quelqu’un qui a de la culture », une image que Zemmour a réussi à imposer avec force.

Issu d’une famille juive algérienne modeste, l’ancien journaliste de 63 ans a écrit plusieurs livres -des succès- et ses discours sont émaillés de références historiques et de citations. Tout comme Trump, c’est cependant par la télévision, qui lui a ouvert les bras depuis le début des années 2010, qu’il s’est fait connaître du grand public.
Mais les similitudes entre le Français et l’Américain restent souvent de pure forme.

« Dresser des parallèles marche bien en théorie, mais dans la pratique, on peut voir toutes les différences », souligne Chris Bickerton, professeur de politiques européennes à Cambridge University.

« Trump a fait main basse sur les Républicains et le parti », « Zemmour ne réussira peut-être jamais à le faire avec la droite française », relève-t-il. Même si l’objectif avoué de l’ancien journaliste est de réussir l’union des droites, de la famille républicaine et gaulliste jusqu’à la droite identitaire la plus ultra.

Par ailleurs, les différences majeures entre les systèmes politiques et l’électorat américains et français limitent clairement les comparaisons.

Enfin, Trump, et même ses plus farouches détracteurs le reconnaissent, avait du charisme, une présence imposante de bateleur, atout essentiel dans le théâtre politique d’une campagne électorale. « C’était un vrai chauffeur de salle. Je ne suis pas certain que ce soit le cas de Zemmour », confie un observateur de la scène politique dans les deux pays.

L’ancien éditorialiste, qui a entamé mi-octobre une tournée en France pour promouvoir son livre, des « conférences littéraires » aux allures de meetings électoraux, s’exprime devant des publics conquis, voire en adoration.
Crédité dans certains sondages de scores le plaçant devant sa rivale d’extrême droite Marine Le Pen et au second tour de la présidentielle face à Emmanuel Macron -lui non plus pas encore officiellement candidat-, M. Zemmour n’a toujours pas déroulé de programme économique ou social.

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